mercredi 26 juin 2024

L’aide européenne à l’Ukraine au défi de l’arrivée au pouvoir du RN

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> Législatives 2024 : la guerre en Ukraine, l’oubliée de la campagne ? « Questions de campagne ». A l’extrême droite comme au sein du Nouveau Front populaire, le sujet, embarrassant, est largement évité. Lemonde

 > À quelques jours des législatives des 30 juin et 7 juillet, le président du Rassemblement national (RN), Jordan Bardella, explique partout que l’Ukraine a « le droit de se défendre » face à l’invasion russe, mais l’amitié entretenue depuis des années par le parti d’extrême droite avec le Kremlin inquiète à Bruxelles.  

Durant longtemps, Marine le Pen et les cadres du RN publiaient fièrement les photos de leurs voyages à Moscou, et de leurs excursions dans les territoires occupés par le Kremlin en Ukraine. Alors que le parti d’extrême droite est aux portes du pouvoir, le discours se fait plus policé. 

Il y a quelques jours, Jordan Bardella, expliquait ainsi que le France devait « permettre à l’Ukraine d’assurer sa défense », tout en précisant être contre « tout risque d’escalade avec la Russie ». 

En cas de victoire aux législatives, le président du RN a tracé deux lignes rouges : la fourniture à Kiev de missiles longue portée qui permettraient de bombarder des villes russes et l’envoi de troupes françaises sur le terrain, comme cela avait été évoqué ces derniers mois par Emmanuel Macron.  

La France et l’Ukraine ont signé en février dernier un accord de coopération en matière de sécurité, prévoyant jusqu’à 3 milliards d’euros d’appui militaire pour l’année 2024, mais celui-ci n’a pas été ratifié formellement par l’Assemblée nationale et reste donc « non engageant légalement ». 

Inquiétude à Bruxelles 

Jordan Bardella assure en revanche ne pas vouloir « remettre en cause les engagements pris par la France sur la scène internationale », ce qui n’empêche pas beaucoup de fonctionnaires européens de s’inquiéter à Bruxelles. 

« En cas de cohabitation, je ne vois pas comment obliger les ministres du RN qui siègeront au sein des institutions européennes à suivre la ligne définie par Emmanuel Macron », explique à Euractiv une source au sein de la commission européenne, en charge des programmes d’aide à destination de l’Ukraine.  

Dans le cadre de l’instrument « Facilité pour l’Ukraine », les 27 pays de l’Union européenne (UE) se sont accordés en février 2024 sur une aide de 50 milliards d’euros en direction de Kiev, une aide dénoncée par les eurodéputés du RN.  

Ces 50 milliards – sous forme de prêts et de dons – sont destinés à soutenir le redressement et la reconstruction du pays sur la période 2024-2027. 

« Un virement financier en direction de l’Ukraine est effectué tous les trimestres, et ce sont les États-membres de l’Union qui doivent le valider, à la majorité qualifiée », continue la source au sein de la Commission. « Le RN pourrait être tenté de s’allier avec la Hongrie, la Slovaquie et avec d’autres pays pour entraver le processus. » 

« Je ne pense pas que le RN prenne le risque de bloquer immédiatement des transferts de fonds et d’armes, surtout durant les premiers mois d’un gouvernement de cohabitation », nuance l’eurodéputé Renaissance Bernard Guetta. « Il aura en revanche la capacité de ralentir toutes les décisions, de susciter des polémiques en France et de faire pression contre de nouvelles aides ».  

Lundi 24 juin, les vingt-sept pays membres de l’Union européenne ont par ailleurs validé l’utilisation de 1,4 milliards d’euros de revenus provenant d’actifs russes gelés, dans le cadre de l’instrument « Facilité européenne pour la paix », qui permet d’envoyer des armes en Ukraine. La Hongrie avait été exclue du vote, puisque Budapest s’était abstenu lors de la décision initiale.  

« L’exemple de la Hongrie montre que si certains pays refusent d’envoyer de l’aide à l’Ukraine, il existe des solutions créatives pour contourner ces blocages », note Gésine Weber, spécialiste des études de défense au King’s College de Londres. « Pour autant, la situation serait autrement plus compliquée si la France venait à faire obstruction, car l’on parle ici de la seconde puissance de l’Union ».  

L’intégration de l’Ukraine à l’UE en danger 

Alors que l’Ukraine et la Moldavie ont officiellement débuté mardi 25 juin leurs négociations d’adhésion avec l’UE, le chemin vers un « rêve européen » célébré par le président ukrainien Volodymyr Zelenskyy devrait s’avérer long et tortueux.  

Budapest prendra pour six mois la présidence du Conseil de l’Union européenne le 1er juillet prochain, et le ministre hongrois des Affaires européennes, János Bóka, n’a pas manqué d’expliquer que « la question de l’ouverture des chapitres [qui constituent les six groupes thématiques des négociations d’adhésion] ne sera pas du tout soulevé au cours de la présidence hongroise ».  

Le premier ministre Viktor Orban pourra sur le dossier ukrainien, et si le RN parvient au pouvoir, compter sur le soutien sans faille de Jordan Bardella. Ce dernier s’est toujours dit « opposé » à tout nouvel élargissement, qui dans le cas de l’Ukraine « pourrait signifier la fin de l’agriculture française », comme il l’expliquait lors d’un débat en mai dernier.  

L’ouverture de chaque « cluster » de chapitres doit être votée à l’unanimité des États membres de l’UE. Un gouvernement mené par le RN en France pourrait donc entraver le processus. 

Euractiv



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