mercredi 18 février 2015

Guerre de Poutine contre l'Europe I [MAJ 18/03/2015]

La Russie en guerre contre l'Ukraine, et contre l'Union Européenne

Certes, l'UE a sanctionné et continue de sanctionner la Russie. Deux vice-ministres russes de la Défense (Arkady Bakhin et Anatoly Antonov), et deux membres de la Douma russe (Joseph Kobzon et Valery Rashkin), viennent s'ajouter à la liste noire de personnalités impliquées dans le conflit en Ukraine. Au total, 19 personnalités et 9 entités ont été ajoutées lundi 9 février 2015 à cette liste, qui compte dorénavant 151 noms et 37 entités (Les Echos)
Cette nouvelle série de sanctions ciblées avait été décidée par les ministres européens des Affaires étrangères réunis d'urgence le 29 janvier après le bombardement de la ville de Marioupol (sud-est de l'Ukraine) par les séparatistes prorusses, qui avait fait au moins trente morts.
Sur le terrain, le cessez-le-feu résultant d'un énième accord semble bien fragile. Minsk II offre sans doute un répit mais n'est pas une réponse face aux visées expansionnistes russes. Nombres d'observateurs pensent que ce n'est pas sur le plan militaire qu'il faut venir en aide à Kiev, mais sur le terrain économique.  (Les Echos)
Pourtant, force est de constater que jusqu'à présent, les mesures appliquées n'ont pas fait preuve d'une efficacité redoutable... Face à la guerre hybride menée par Poutine contre l'UE "considérée comme son véritable ennemi" (Le Monde, 23/02/2015), la réponse doit combiner de multiples facteurs, notamment économiques, militaires, médiatiques.
Pour François Heisbourg, conseiller spécial à la Fondation pour la recherche stratégique, il faut verser d'urgence une aide économique et militaire à Kiev. Se contenter de lui livrer des armes ne suffira pas. (Le Monde
Cela n'est pas suffisant. Il est capital, aussi, pour l'Europe :
- d'afficher une unité de fer (on a vu comment Poutine tentait d'appliquer le « Divide ut regnes », à l'intérieur de l'UE et à l'intérieur de chaque Etat membre de l'UE : Hongrie, dont le président V. Orban semi-vendu à V. Poutine, se permet de "fustiger l'attitude de l'UE envers la Russie",   GrèceFrance, Allemagne, etc etc), soufflant sur les braises dès que possible...
- de glisser sur le cynisme et l'hypocrisie des responsables russes. Il est assez cocasse qu'un représentant de la Russie ait, sans sourcillé, défilé au nom de la liberté d'expression suite aux attentats de Charlie Hebdo... Rappelons que la Russie poutienne s'est enfoncée dans les profondeurs du classement mondial relatif à la liberté de presse, pointant à la 152e place, usant de méthodes telles que corruption et assassinats de journalistes, entre autres joyeusetés), [sur "les hypocrites de la marche républicaine" : Le Nouvel Obs ] . Notons aussi que la « théorie du complot » , chère à l'extrême droite, est aussi très en vogue dans ce grand pays de liberté néo-soviétique.
- de démonter les mensonges -dont la liste est si longue qu'un roman n'y suffirait pas- orchestrés par le Kremlin. Souvenons-nous de quelques gros mensonges de la propagande russe : les mouvements des troupes russes à proximité de la Crimée n'étaient que des « exercices militaires » ; il fallait sauver la Crimée des "hordes nazis en provenance de Kiev" (rappelons de cette affiche aussi grossière que ridicule) ;  les « snipers de Kiev étaient probablement américains (voire même des agents de l'UE!) » ; la déstabilisation d'Odessa, orchestrée par le Kremlin, a été mise sur le dos du Pravy sektor (grand méchant loup ... mais absent de cette zone) ; la Russie ne fournit « ni armes, ni hommes » en Ukraine de l'est ; le « Boeing du vol MH17 aurait été abattu par un avion de chasse ukrainien, selon les enquêteurs russes », les camions peints en blancs sont une « aide humanitaire » (et non pas un cheval de Troie !), etc etc. 
Hélas, la propagande russe sévit partout en Europe (Lettonie, France, ..)
Hélas, tous ces mensonges (exemple : lire ce qu'affirmait la propagande russe au sujet de l'avion MH17 abattu..) ne sont démontés que tardivement. Le travail sérieux nécessite du temps ; et ce temps est mis à profit par la Russie pour influencer les esprits malléables. 
 
Hélas, Poutine dispose de relais occidentaux très puissants, dont les cercles proches du Front National, mais aussi de l'extrême gauche, pour véhiculer ces mensonges. C'est ce que Douguine appelle le « soft power » (voir vidéo ci-dessous : entretien avec Galia Ackerman) A tel point que des personnalités importantes se laissent influencer. Démonter les mensonges est fait par divers sites spécialisés sur l'Ukraine. Il est trop rare qu'ils ne soient pas démontés par les grands médias, sur l'exemple de cet article du Point (J Attali, ou N Sarkosy, soutiens de Poutine!) ,  ou sur celui du Monde (Quand Sarkosy se soumet à poutine)
 


A lire : l'excellent article d'Olivier Dupuis, sur son site L'Européen


1/ La guerre de Poutine. Une invasion de l'Ukraine très préméditée par le Kremlin


La rébellion de l’Ukraine de l’Est contre Kiev et l’annexion de la Crimée par la Russie relèvent d’un même plan concocté et coordonné dans les couloirs du Kremlin. C’est ce qu’indique un document publié mercredi par le journal indépendant russe Novaïa Gazeta : une analyse de la situation en Ukraine durant les derniers jours de la présidence du président prorusse Viktor Ianoukovitch et des recommandations, en sept points, pour une intervention de la Russie dans la crise qui n’en était qu’à ses prémices. Selon le journal, ce «plan» a été transmis au Kremlin entre les 4 et 12 février 2014 et aurait été rédigé avec la participation de Konstantin Malofeïev, «l’oligarque orthodoxe» soupçonné d’être l’un des sponsors des séparatistes prorusses. (Libé 25/02/2015)
Les grandes phases du conflit : visuel


2/ La guerre de Poutine. Guerre médiatique : propagande en France

Un article très intéressant, paru dans Charlie Hebdo du 25/04/2015, consacré à la propagande russe sur internet   :




3/ Les incursions militaires russes en Europe
Angleterre :
France : des chasseurs qui se sont égarés (ce doit être un des problème dans l'armée russe : les troupes s'égarent facilement : comme les chars russes qui se sont égarés en Ukraine...)
Suède : un mystérieux sous marin...



4/ La guerre de Poutine. Neutraliser les opposants

(voir aussi : assassinats de journalistes en Russie : ici)




Lointaine Amérique

Malgré une Russie devenue plus que jamais menaçante (hier la Géorgie, la Transnistrie, la Tchétchénie. Aujourd'hui l'Ukraine), malgré de nombreuses manoeuvres (près des frontières avec l'Estonie et la Lettonie par exemple) et incursions militaires russes dans l'espace européen (France, Angleterre, Pays scandinaves, Pays Baltes, ...), et peut-être à cause d'une propagande mensongère continuellement distillée dans les médias occidentaux, il existe en Europe un « parti pro-russe » prêt à exonérer Poutine de tous les crimes qu'il a pu commettre et qu'il continue de commettre. L'extrême droite en France, Gerhard Schröder en Allemagne (pour comprendre pourquoi l'ex chancelier est si poutinophile, il suffit de savoir qu'une place de choix qui lui a été octroyée chez Gazprom) , Alexis Tsipras en Grèce (en bon nostalgique de l'URSS, et par antiaméricanisme primaire...), Viktor Orban en Hongrie, ne sont que quelques exemples des relais poutiniens au sein de l'UE.
Pour ces gens-là, qui reprennent en choeur les bons mots du Kremlin, le conflit ukrainien a été causé par les européens, coupables d'avoir voulu signer un accord d'association avec l'Ukraine, et , surtout, par les Etats-Unis, coupables de vouloir enrôler l'Ukraine dans l'OTAN. « Comme au bon vieux temps de la guerre froide, il y aurait une capitale du Bien, Moscou, et une capitale du Mal, Washington ». (J.M Colombani, DirectMatin du 16/02/2015). Explication simple, qui pourtant perdure, alors même que l'observation de la réalité incite à plaider l'inverse. Nous ne souffrons pas d'un trop d'Amérique mais d'une absence d'Amérique. B. Obama, par opposition à G. Bush, est centré sur la zone Asie-Pacifique. D'un point de vue strictement européen, les critiques que l'on peut émettre envers Obama sont exactement à l'opposé de la propagande que nous sert Poutine.
La diplomatie américaine reste aujourd'hui en retrait. C'est ce qui a permis à Poutine de prendre le contrôle de la Transnistrie, de saigner la Tchétchénie, d'amputer la Géorgie de deux régions, d'annexer la Crimée, et peut-être demain d'arrimer l'est de l'Ukraine. Qu'on le veuille ou non, une Europe qui n'a toujours pas mis en place sa propre défense reste dépendante, pour le respect de son intégrité territoriale, d'une Amérique qui redeviendrait moins lointaine (JM Colombani, DirectMatin du 16/02/2015).



Faut-il livrer les Mistrals à la Russie ? 

Clairement non. Mais il faut s'en servir pour négocier (J.P. Maulny, directeur adj. de l'IRIS). (Le Nouvel Obs 08/12/2014) 




Pour une armée européenne

L'idée d'une armée européenne n'est pas nouvelle. En 2007, Angela Merkel, déjà, affirmait qu'il s'agissait d'un objectif à long terme de l'UE.
On pourra regretter le manque de programme européen en matière militaire. Construire un porte-avions comme le Charles-de-Gaulle est coûteux . C'est à genre de construction que l'UE devrait s'atteler, et non pas se fourvoyer dans un pointillisme règlementaire (surtout lorsque l'on constate le manque de courage dont elle fait preuve pour défendre le droit international sur son propre continent), qui ne fait qu'alimenter l'euro-scepticisme.



La Russie, l'Ukraine et le droit international

En annexant la Crimée, Vladimir Poutine a violé les textes fondamentaux des Nations unies, les statuts du Conseil de l'Europe dont est membre la Russie, au moins deux traités régionaux organisant la paix en Europe et deux traités bilatéraux signés avec l'Ukraine, ainsi, au passage, que les constitutions d'Ukraine et de Crimée. Pour la communauté internationale du XXIème siècle, aucun argument ne saurait justifier une telle transgression.(extrait de l'excellent article de la Fondation Schuman)





La faiblesse de l'Union Européenne
Depuis l'annexion de la Crimée et l'absence d'intervention de l'UE, Poutine a pris acte de la faiblesse et de la couardise de l'Union Européenne (voire de la complicité intéressée de quelques hauts responsables européens). La lâcheté de l'UE et la volonté des Etats-Unis de rester à distance des conflits européens encouragent Poutine à dépecer l'Ukraine, à menacer les pays frontaliers de la Russie, à se moquer de l'UE et du droit international.
Ci-dessous une excellente analyse des accords de Minsk 2, par Françoise Thom, maître de conférence à Paris-IV-Sorbonne, parue dans Le Monde (17/02/2015).
Ukraine: Paris et Berlin accordent une prime à l’agression russe
On parlait de « solution négociée » au conflit russo-ukrainien. Dans le document des accords de Minsk II on cherche en vain une concession arrachée à Moscou. On se demande à quoi ont servi les seize heures de pourparlers, sinon à faire accepter au président ukrainien Petro Porochenko une capitulation totale dont les termes ont été dictés par Vladimir Poutine et transmis au président français François Hollande et à la chancelière allemande Angela Merkel chargés de faire plier la partie ukrainienne. En quoi consistent ces accords ?
Les Européens mettent en avant la reconnaissance de « l’intégrité territoriale » de l’Ukraine. Passons sur le fait que la Crimée n’a pas été mentionnée. Certes, les régions sécessionnistes demeurent théoriquement au sein de l’Etat ukrainien, mais à quelles conditions ! C’est Kiev qui va devoir payer la facture de leur reconstruction et de leur entretien. L’Ukraine n’ayant plus un sou, il est clair que les Européens vont devoir assumer ce fardeau. Cela veut dire qu’une grande partie de l’aide internationale prévue initialement pour soutenir la réforme en Ukraine passera à l’entretien de ces enclaves néobolcheviques criminalisées qui seront un gouffre sans fond.
Car le document prévoit aussi que l’Ukraine n’y aura aucun contrôle politique. Les structures « de forces », police et milice, y seront subordonnées au gouvernement local, c’est-à-dire aux services russes. De même, Kiev n’obtiendra jamais le contrôle de la frontière avec la Russie, car il est prévu que les régions sécessionnistes aient le droit d’entretenir des relations « spéciales » avec les régions russes. La Russie a arraché un droit de regard sur le contenu de l’accord d’association de l’Ukraine avec l’Union européenne (UE). Enfin, ce dispositif doit être complété par une réforme de la Constitution ukrainienne vers la « fédéralisation », ce qui donnera aux enclaves contrôlées par le Kremlin une possibilité de bloquer les réformes entreprises à Kiev.
Grâce à ces territoires dont le Kremlin n’aura même pas à assumer le poids économique, Vladimir Poutine pourra refaire de l’Ukraine ce qu’elle était sous Viktor IIanoukovitch : une satrapie stagnante de la Moscovie. Il aura affaibli le président Porochenko auquel les Ukrainiens ne pardonneront pas d’avoir accepté un pareil accord, après tant de sang versé et de sacrifices consentis. Il suscitera une crise politique à Kiev, qui achèvera d’éloigner l’Ukraine des Occidentaux. Pour ceux qui dans « l’étranger proche » de la Russie étaient tentés de se tourner vers l’UE, le message de Poutine est clair : vous n’y trouverez aucun salut, les grandes puissances européennes elles-mêmes se sont faites les instruments de notre politique.
Mais il y a pire. Le « processus de Normandie », c’est-à-dire les négociations à quatre, France, Allemagne, Ukraine et Russie, qui ont abouti à cette humiliation, révèle les progrès du reformatage de l’Europe entrepris avec persévérance par la Russie depuis quinze ans. L’UE a été marginalisée, les Etats-Unis sont mis devant le fait accompli. Les contours de la future Europe se dessinent clairement : elle est atomisée en Etats faibles et désarmés, tous minés par un parti russe capable de bloquer chaque initiative non voulue par le Kremlin et d’imposer la volonté de Moscou lorsqu’il le faut.
Une Europe coupée des Etats-Unis, organisée autour des relations bilatérales entretenues par la Russie avec chaque Etat européen, qui sont renforcées par une formidable machine de propagande. Ainsi l’écrasement de l’Ukraine préfigure la fin de l’Europe construite après 1945, l’« Europe de la liberté » comme disaient les pionniers français du projet européen, une Europe fondée sur la réconciliation des peuples et la coopération volontaire entre les nations. Deux grands pays viennent d’accorder une prime à l’agression. Nous venons de reconnaître le droit du plus fort, c’est-à-dire de tourner le dos à tout ce qui avait fait l’Europe.
On justifie cette démarche honteuse par la nécessité de mettre fin aux affrontements armés. On affirme qu’on ne pouvait faire autre chose. En réalité, il aurait suffi d’alourdir les sanctions économiques pour faire plier la Russie en proie à une crise dévastatrice. Nous avons manqué de volonté et nous en paierons le prix. Car enhardi par le spectacle de la faiblesse occidentale, M. Poutine poursuivra avec une ardeur redoublée son grand dessein de subversion de l’Europe.









Rappels sur « Le système Poutine », tant admiré par le FN,
et la neutralisation des opposants au régime

1999
Une série de cinq attentats contre des immeubles d'habitations dans plusieurs villes de Russie ont fait au moins 290 morts et un millier de blessés. Ces attaques commises à l'explosif et à la voiture piégée ont été attribuées à des indépendantistes Tchétchènes. Elles ont conduit, avec l'invasion du Daguestan par des séparatistes tchétchènes à partir du 7 août, au déclenchement de la Seconde guerre de Tchétchénie. Alexandre Litvinenko, ex-lieutenant-colonel du FSB, service de contre-espionnage de Russie, a été empoisonné au polonium après avoir accusé le FSB d'avoir fomenté ces attentats. (Son livre : Le temps des assassin.  France Culture : Le livre qui a coûté la vie à Litvinenko. Article de libé : Du polonium dans le thé  . Le Nouvel Obs : le crime qui a fait Poutine)

« Je crois qu'il faut se garder d'interpréter rapidement les attentats, par exemple de 1999, qui ont servi d'alibi à déclencher la seconde guerre de Tchétchénie. Eh bien il est aujourd'hui clair, ça ne l'était pas à l'époque bien entendu, mais maintenant nous savons que ces attentats n'étaient pas du tout l'œuvre des Tchétchènes auxquels on les a attribués, mais l'œuvre du FSB. D'ailleurs, il y a eu trois attentats au total dans différentes villes, mais la quatrième ville, Riazan, là le FSB a été pris la main dans le sac. Par la suite, on a su que non seulement le modus operandi n'était pas du tout dans l'habitude tchétchène, mais que en plus les explosifs n'étaient pas des explosifs tchétchènes mais bien des explosifs russes. Le FSB est capable de beaucoup de choses, y compris contre son peuple. » (Hélène Blanc, docteur en études slaves des langues orientales, politologue et criminologue au CNRS)
2003
Assassinat du député et président du parti "Russie libérale" Sergueï Iouchenkov, ex-allié de l'oligarque Boris Berezovski. Abattu avec un pistolet muni d'un silencieux à l'entrée de son immeuble à Moscou.

2006
- Assassinat d'Anna Politkovskaya. 
Anna Politkovskaïa, qui dénonçait notamment les atteintes aux droits de l'homme en Tchétchénie par les forces armées russes et le FSB (l'ancien KGB), est tuée par balles dans le hall de son immeuble à Moscou. Elle s'apprêtait à publier un rapport sur les violations des droits de l'homme dans la république caucasienne. C'est un scénario presque identique qui, en février 2015, fera tomber Boris Nemtsov, qui critiquait avec bravoure la guerre russe en Ukraine.
- Empoisonnement d'Alexandre Litvinenko au polonium, après avoir pris le thé avec deux hommes d'affaires et ex-agents du KGB Dmitri Kovtoun et Andreï Lougovoï.

2009 
- Assassinat de l'avocat spécialiste des droits de l'homme Stanislas Markelov, et de la journaliste d'opposition Anastassia Babourova. Tués par balle en pleine rue à Moscou.
- Enlèvement de Natalia Estemirova, militante pour la défense des droits de l'homme , représentante en Tchétchénie de l'ONG Memorial. Sera retrouvée morte quelques heures plus tard en Ingouchie, république voisine du Caucase russe. Elle dénonçait les exactions du pouvoir local.
- Arrestation et mort de SergueïMagnitski, qui avait dénoncé une vaste machination financière.


2012, manifestation place Bolotnaïa. Emprisonnement d'au moins 10 personnes uniquement poursuivis et détenus pour avoir usé pacifiquement de leur droit à manifester leurs opinions (Amnesty)
Condamnation de deux opposants, Alexeï Navalny et Sergueï Oudaltsov, à quinze jours d'emprisonnement (Le Monde)

2013
- procès politique. Condamnation de Navalny à 5 ans de camp et à une amende de 500000 roubles (Libé)
- Boris Berezovski, réfugié en Grande-Bretagne après être entré en conflit avec Vladimir Poutine, est retrouvé mort dans la salle de bain de sa résidence d'Ascot


2014, vague de lois liberticides sur fond de conflit ukrainien (RSF). Le fondateur du facebook russe quitte son pays.
2014, Procès politiques en cascade et persécution pour Navalny, opposant à Poutine. Condamnation d' Alexeï Navalny (amende de 300000 roubles. 3 ans et demi de prison avec sursis) ; emprisonnement de son frère Oleg Navalny (Le Monde)
2015,
Arrestation d'un russe à Moscou pour une bannière « Je suis Charlie » (info-news)
Attentat à Kharkiv, organisé semble-t-il par les pro-russes contre une marche de la dignité qui commémorait les événements de l’année dernière ainsi que le sacrifice de la « Centurie céleste » (info-news.eu)

 2015


- 21 février. « Que l’Ukraine brûle ! » : à Moscou, dans la manifestation anti-Maïdan et pro-Poutine (Le Monde). L'ex KGBiste a réussit à instaurer une véritable dictature, à contrôler et à utiliser les médias pour inciter les russes à la haine et aux meurtre des ukrainiens, et pour les pousser à la haine de l'Occident et de toutes les valeurs fondatrices de l'Europe.  

- 22 février.  Des explosions et des alertes à la bombe se produisent périodiquement dans les villes et régions d’Odessa, Kherson, Zaporijjia et Kharkiv. Dimanche 22 février, une explosion a eu lieu lors de la marche organisée en commémoration du 1er anniversaire de l’Euromaïdan dans la ville de Kharkiv, faisant 4 morts et 10 blessés. Ces derniers mois, une dizaine d’explosions à Kharkiv a fait plusieurs blessés, l’explosion du 22 février pourrait marquer cependant un tournant. En effet, C’est la première fois qu’une foule est délibérément ciblée, et qu’il y a des victimes. (Diplomatie.gouv.fr)

- 27 février. Assassinat de l'opposant russe Boris Nemtsov, tué de 4 balles dans le dos au pied du kremlin. (Le Monde, 27/02/2015) , dans un "climat de peur" que dénonce par la presse russe (Le Monde, 02/03/2015). 

Cofondateur, avec Boris Nemtsov, du mouvement libéral Solidarnost, l'ex-champion d'échec Garry Kasparov s'est dit «anéanti», multipliant sur Twitter les messages cinglants à l'égard du pouvoir en place. Se remémorant l'assassinat de la journaliste Anna Politkovskaya en 2006, il accuse directement Vladimir Poutine, estimant que le président russe a «des océans de sang sur les mains».
Il critiquait avec bravoure la guerre russe en Ukraine. Il était sur le point de rendre publiques des informations prouvant l'engagement des forces russes en Ukraine et le soutien militaire fourni par Moscou aux séparatistes. La manifestation qu'il coorganisait dimanche à Moscou avait pour mot d'ordre la fin de «l'agression insensée contre l'Ukraine».(Le Figaro). La mort de Nemtsov allonge la liste des assassinats politiques en Russie (Le Monde). Cette "figure majeure" de l'opposition russe était l'"une des seules figures de l'opposition qui était actuellement en liberté et qui n'était pas sous le coup d'un certain nombre de procès". "Tous les autres ont été écartés, mis dans des camps, réduits au silence ou ont été contraints d'émigrer". (Huffingtonpost).
Boris Nemtsov représentait tout ce que Vladimir Poutine déteste: une orientation pro-occidentale, la défense de l’Etat de droit et du respect des libertés individuelles, la critique de la guerre en Tchétchénie déjà du temps de Eltsine et la dénonciation de la guerre en Ukraine (Slate). 

Pour la propagande télévisée, Boris Nemtsov n’était même pas un dissident : il était un « traître », membre d’une « cinquième colonne » que le président Poutine n’hésite pas à dénoncer lui-même. Un tel climat de sectarisme, d’intolérance, de mensonge, de répression et de violence politique a été progressivement instauré en Russie que l’opposition aujourd’hui n’y est plus seulement, en 2015, une forme d’expression : être opposant aujourd’hui en Russie, c’est faire preuve d’un immense courage. C’est aussi risquer sa vie. Les vrais responsables de l’assassinat de Boris Nemtsov sont ceux qui ont présidé, délibérément, à l’instauration de ce climat de haine. (Le Monde)

Au lendemain de cet assassinat, les tentatives des cercles du pouvoir russe pour semer la confusion se sont multipliées : cela va de la piste islamiste suggérée par certains, au « mari jaloux » relayé complaisamment par d’autres, aux querelles internes à l’opposition, ou encore à la « provocation étrangère », qui a la faveur d’une partie de la classe politique russe, et même d’un lien avec Charlie Hebdo. (…) On terminera par cet humour involontaire du compte Twitter de Sputnik, le dernier-né des médias officiels russes, qui relaye cette importante prise de position de Marine Le Pen, qui dit faire confiance à la justice russe... (Rue89). 
Nemtsov s'apprêtait à révéler des éléments inédits sur l'implication de l'armée russe en Ukraine. Ses liens avec Kiev en faisaient une cible des nationalistes russes et des séparatistes de l'est de l'Ukraine. (Médiapart). Voir aussi : "Famille, Gazprom, prison, Poutine : ce que Nemtsov m'a dit" (Le Nouvel Observateur). 
A lire, sur l'Express : "Le prince rebelle de Nijni-Novgorod" (portrait de Nemtsov) 

- Le Monde, 19/05/2014 : http://www.lemonde.fr/europe/article/2015/05/19/soupcons-d-empoisonnement-trois-ans-apres-la-mort-naturelle-d-un-oligarque-russe-en-angleterre_4636497_3214.html


 

http://fr.kichka.com/2015/03/01/boris-mentsov-assassine-devant-le-kremlin/


Au sujet de l'assassinat de Nemtsov :
Tout va bien... C'était un tchétchène (tiens, ça me rappelle les attentats de Moscou de 1999... un coup des tchétchènes aussi, paraît-il...)
Heureusement, le super héros Vladimir Poutine est au pouvoir en Russie. Il a lui-même revêtu la tenue de SuperKommissar, a lui-même mené enquêté. Et il est efficace, le Vova. En deux temps trois mouvements, le méchant américain ukrainien européen tchétchène a été découvert, arrêté, et est passé aux aveux... La Russie a vraiment de la chanced'avoir un sauveur comme Vova.

Les tchétchènes? Des coupables rêvés. Selon L'Express, Un peu plus d'une semaine après l'assassinat de Boris Nemtsov opposant à la politique de Vladimir Poutine, notamment en Ukraine et... en Tchétchénie, la justice russe a fait preuve de dextérité pour retrouver les coupables. Deux Tchétchènes et un Ingouche (république voisine du Caucase) figurent parmi les suspects. Zaour Dadaïev, qui a servi 10 ans dans une unité des forces spéciales tchétchènes selon l'agence de presse, a avoué dimanche avoir participé à l'attentat contre l'un des principaux opposants russes. 

Bon, il semble bien que les aveux aient été obtenus sous la torture. Chose assez banale en Russie poutinienne. Mais faut pas se formaliser pour si peu. Après tout, la torture, ça fait partie des traditions. Et Poutine en est le garant, des traditions...












10 crimes de Poutine en vidéo (se souvenir que ce type est admiré par le FN)

 
La liste de victimes de Poutine :
Les journalistes et les militants des droits de l’homme
Eduard Markevitch. 18 septembre 2001. Abattu
Natalia Skryl. 8 mars 2002. Battue à mort.
Valeriy Ivanov. 29 avril 2002. Abattu
Yuriy Chekotchichin 3 juillet 2003. Empoisonné au Thallium
Aleksey Sidorov. 9 octobre 2003. Assassiné à coups de couteau
Paul Chlebnikov. 6 juillet 2004. Abattu
Evgeniy Gerasimenko. 26 juillet 2006. Etranglé.
Anna Politkovskaïa 7 octobre 2006. Abattue
Ilias Churpaev. 21 mars 2008. Assassiné.
Stanislav Markelov. 19 janvier 2009. Abattu
Nastya Babourova. 19 janvier 2009. Battue à mort
Natalya Estemirova. 15 juillet 2009. Kidnappée et assassinée.
Chadjimourat Kamalov. 16 decembre 2011. Assassiné.
Michail Beketov. Avril 2013. Battu à mort.
Valéria Novodvorskaïa. 12 juillet 2014. Morte du syndrome de choc toxique dans des circonstances suspectes.

Les hommes d’affaires.
Sergueï Ponomaryov. 29 juillet 2000. Assassiné.
Oleg Belonenko. 11 juillet 2000. Abattu.
Pavel Cherbakov. 3 juin 2002. Assassiné.
Igor Klimov. 6 juin 2003. Abattu.
Sergueï Chitko. 7 juin 2003. Abattu.
Alexander Slesarev. 10 octobre 2005. Abattu.
Andrey Kozlov. 13 septembre 2006. Abattu.
Enver Ziganchine. 30 septembre 2006. Abattu.
Anatoliy Voronin. 15 octobre 2006. Assassiné à coups de couteau.
Zelimchane Magometov. 14 novembre 2006. Abattu.
Alexander Samoylenko. 4 decembre 2006. Assassiné.
Magomet Evloev. 31 aout 2008. Abattu.
Sergueï Magnitski. 16 novembre 2009. Torturé à mort dans une cellule de détention provisoire à Moscou.

Les hommes politiques.
Valentin Zvetkov. 18 octobre 2002. Abattu.
Sergueï Uchenkov. 17 avril 2003. Abattu.
Valeriy Maryasov. 2 mars 2004. Abattu.
Michail Evdokimov. 7 aout 2005. Mort dans un accident de voiture suspect.
Alexander Semenov. 15 octobre 2006. Abattu.
Dimitri Fotyanov. 19 octobre 2006. Abattu.
Machkarip Auchev. 25 octobre 2009. Assassiné.
Marina Salye. Mars 2012. Morte dans des circonstances suspectes.


Voir aussi :
http://www.slate.fr/story/85633/vladimir-poutine-extreme-droite-europeenne
http://www.lejdd.fr/Politique/Pourquoi-ces-politiques-francais-soutiennent-Poutine-655726
http://www.lefigaro.fr/politique/le-scan/citations/2014/05/18/25002-20140518ARTFIG00118-marine-le-pen-fait-l-eloge-de-vladimir-poutine-le-patriote.php













En Europe, Poutine est nettement moins apprécié par le peuple que par les dirigeants qui copinent avec lui :


Dirigeants européens poutino-compatibles : 
- Hongrie : Orban

Le vent semble avoir tourné pour le Fidesz, malgré une conjoncture économique favorable. Le rapprochement de M. Orban avec le président russe Vladimir Poutine, au nom des intérêts énergétiques de la Hongrie, inquiète Bruxelles et Washington, alors que la majorité des Hongrois restent attachés à l'Union européenne. L'opinion publique est par ailleurs sensible aux accusations de corruption portées contre des personnalités du Fidesz – qui ont aussi amené les autorités américaines à déclarer indésirables sur leur territoire six membres de l'administration de M. Orban, dont la directrice du fisc, Ildiko Vida.(Le Monde, 23/02/2015)
- Grèce : Tsipras, le plus russe des profils grecs. La victoire du fourre-tout lénino-russolâtre a été saluée en France par des gens aussi divers que Marine Le Pen, Dupont-Aignan ou Mélenchon . Une première qui va en faire rêver de semblables.
(scythica, 27/01/2015) 


Pays d'Europe menacés par la Russie : 
- Pays Baltes : inquiétude face à la Russie (La Croix)
- Estonie : Législatives de 2015 : Donné gagnant selon plusieurs sondages, le parti du Centre, pro-russe, est arrivé en deuxième position. (La Croix). 
Le jeune premier ministre estonien a bien compris l'importance de l'U. La vieille Europe, si décriée, l'enthousiasme. « L'Europe est une success story, malgré la crise. On doit avoir plus de foi dans l'Europe. C'est un marché de 500 millions de personnes, qui représente un grand potentiel. On doit apprendre de la crise. Cela ne sert à rien d'être sceptiques. Il faut travailler pour l'Europe. Comme on dit en Estonie, il ne faut pas gâcher une bonne crise, mais l'utiliser pour s'améliorer. Il n'y a pas de meilleure place que l'Europe pour vivre et travailler. » (...). L'Estonie a connu la crise pour remettre sur les rails son économie. Après une récession de 13,9 % en 2009, le pays a retrouvé le chemin de la croissance et a adopté l'euro en 2011. « Nous veillons à avoir un budget équilibré, non pas pour satisfaire Bruxelles et les critères de Maastricht, mais parce que c'est le moyen d'assurer notre stabilité économique. Les réformes que nous avons menées étaient nécessaires pour nous, pas pour Bruxelles. ». La perspective de l'Estonie, comme celle des anciens pays de l'Est est forcément différente. L'Europe de la crise reste un paradis par rapport à ce qu'ils connaissaient il y a 25 ans (Le Monde, 02/03/2015)







Rappel : l'Assemblée Générale de l'ONU a dénoncé l'annexion de la Crimée : 






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La guerre en Syrie, le problème des migrants, le terrorisme, Schengen, le Brexit, le Grexit sont des sujets qui ont occulté le conflit entre la Russie et l'Ukraine, et plus largement le conflit entre la Russie et l'Occident.
Quelques rappels s'imposent donc, deux ans après que la Russie a engagé sa sale guerre contre l'Ukraine :
1- La Russie poutinienne est devenue l'ennemie de l'Europe et du monde libre ;
2- L'annexion de la Crimée par la Russie a été dénoncée par l'ONU
3- La propagande russe en France est énorme, et touche les plus hautes sphères du monde politico-financier, le but de Poutine étant évidemment de faire éclater l'UE
4- La guerre dans l'est de l'Ukraine est toujours là, alimentée en armes et en hommes par la Russie

La guerre en silence

Le nouveau rôle joué par la Russie, qui est intervenue directement dans le conflit syrien, a détourné le regard des Européens sur la situation en Ukraine, où la présence militaire russe ne cesse de se renforcer.

Quelques jours avoir célébré son unité (le 22 janvier, en souvenir du 22 janvier 1919, date de la proclamation de la République populaire ukrainienne), l’Ukraine a commémoré avec ferveur le 30 janvier dernier la bataille de Krouty, cette petite bourgade située à 150 km au nord-est de Kyïv qui vit en 1919 cinq cents cadets et cosaques de la petite armée nationale tenir tête une journée durant aux 4 000 soldats et fusiliers de l’Armée rouge commandés par le colonel pogromiste Mouraviev lancés sur la capitale pour essayer de faire capoter la reconnaissance internationale de la toute jeune république ukrainienne.
Quatre-vingt-dix-huit ans plus tard, force est de constater que l’attitude de la Russie envers l’Ukraine n’a guère changé.
Il n’aura échappé à personne que l’énième cessez-le-feu, signé le 13 janvier dernier à Minsk, n’a pas été davantage respecté que les autres par la LNR (république autoproclamée de Louhansk) et la DNR (république autoproclamée de Donetsk) : depuis plusieurs semaines, ce sont jusqu’à une centaine de violations de la trêve que les observateurs de l’OSCE notent chaque jour qui passe. Ces mêmes observateurs ont été à maintes reprises intimidés, menacés, empêchés de mener leur mission dans le Donbass occupé, quand ils n’ont pas tout simplement été pris pour cibles par les “paramilitaires” de Moscou.
Ces deux dernières semaines, les attaques et les provocations menées contre les positions ukrainiennes ont redoublé. Comment pourrait-il en être autrement alors que les convois militaires russes passent régulièrement la frontière (encore 200 tonnes de munitions et de fuel livrées le 9 février) et que l’argent frais arrive désormais directement via les liaisons ferroviaires mises en place entre la Russie et les deux “républiques” sécessionnistes (cf. l’article de Julian Röpcke dans Bild le 16 janvier) ? La Russie qui, rappelons-le, nie toujours son implication dans la guerre du Donbass (1), a beau jeu de rappeler que les réformes constitutionnelles demandées à l’Ukraine dans le 11e paragraphe des accords de Minsk II n’ont toujours pas abouti (2) cependant qu’aucune des autres conditions préalables n’a été satisfaite, à commencer par le respect du cessez-le-feu, la restitution à l’Ukraine du contrôle total de ses frontières avec la Russie (qui était prévue à l’origine fin 2015) et la libération de tous les prisonniers otages ukrainiens retenus – pour certains – en Russie (3).
La Russie et les sécessionnistes du Donbass n’ont aucune envie ni aucun intérêt à ce que ces conditions soient remplies. Le conflit leur coûte certes très cher mais il est en bonne voie de “normalisation” grâce – si l’on peut dire – à un facteur géopolitique apparu opportunément sur la scène internationale ces derniers mois : la crise des migrants. L’enlisement du conflit syrien et l’expansion menaçante du califat de Daech ont jeté sur les routes de l’exode un nombre toujours croissant de civils, et l’entrée officielle et fracassante de la Russie dans le conflit fin septembre 2015 (4) n’a fait qu’aggraver le phénomène au point de provoquer d’importantes dissensions entre membres de l’Union européenne et entre l’Union et ses voisins immédiats. Il est évident qu’au nom de la lutte antiterroriste le pompier pyromane Poutine a su se rendre indispensable, mais à l’Onu on commence vraiment à se demander si le remède n’est pas pire que le mal… Toujours est-il que, au moment où une partie du monde a les yeux rivés sur les migrants, Vladimir Poutine et consorts se frottent les mains en Ukraine : fin du spectacle et des dirigeants d’opérette, les “militants volontaires en vacances de l’armée russe” envoyés les premiers temps faire le coup de feu dans le Donbass ont depuis tous été rapatriés (Guirkine, Borodaï…) ou exécutés car devenus gênants (Bednov, Ishchenko, Mozgovoy, Dremov…). De leur côté, les disparitions récentes (à six jours d’intervalle et suite à un infarctus) du colonel-général Igor Sergun, patron du GRU (5), et du général Alexander Shushukin, chef adjoint des troupes aéroportées russes, tous deux directement impliqués dans l’annexion de la Crimée et le déclenchement du conflit dans le Donbass, soulèvent bien des questions (6). Parallèlement, la présence militaire russe dans le Donbass ou aux frontières de l’Ukraine ne cesse d’être renforcée, au point que le ministre de la Défense russe, Shoïgu, a annoncé début 2016 la création de trois nouvelles divisions, dont deux dans la région militaire du Sud-Ouest (i.e. vers Rostov). Et le contingent présent en Crimée dépasse de loin les 20 000 hommes, ce qui fait d’elle une base militaire géante. Pendant ce temps, la chasse aux opposants ukrainiens et tatars, le pillage économique et la politique de la terreur suivent leur cours dans les territoires ukrainiens occupés…
Cette offensive militaire bidirectionnelle (sur le front syrien et le front ukrainien) se double d’une offensive diplomatique assez arrogante de la part de Moscou. Ainsi Medvedev remarquait-il tout récemment que le monde était en train de glisser doucement mais sûrement vers une nouvelle guerre froide et que les Occidentaux en portaient la responsabilité principale à cause de “leur crispation autour de la question ukrainienne”.
Fort de cette logique inversée, le directeur du Centre des études stratégiques de Moscou, Ivan Konovalov, s’est permis de comparer le renforcement de l’Otan dans les pays baltes (à la demande de ces derniers, la menace russe se faisant de plus en plus précise sur leurs frontières) à la concentration des troupes nazies en Europe orientale en 1941. Outre le caractère totalement abusif et odieux de cette comparaison, vouloir nous faire croire maintenant que la guerre en Ukraine n’est que le résultat logique des sanctions économiques décidées contre la Russie en 2014, et non l’inverse, est grotesque. Mais au moins, au rang des actes manqués et des aveux à demi-mots, pourra-t-on remarquer qu’au cours de l’une de ses dernières sorties médiatiques, Sergueï Lavrov, le patron des Affaires étrangères russes a déclaré aux journalistes qui l’interrogeaient sur le mémorandum de Budapest : “… Nous ne l’avons pas violé. Il comporte une seule obligation – c’est-à-dire, ne pas utiliser d’armes nucléaires contre l’Ukraine. Personne n’a lancé une quelconque menace d’utilisation d’armes nucléaires contre l’Ukraine.”
M. Lavrov a simplement oublié les cinq autres obligations rattachées à ce mémorandum, dont la première qui prévoyait explicitement le respect et la garantie par la Fédération de Russie, le Royaume-Uni et les États-Unis de la souveraineté et de l’intégrité des frontières de l’Ukraine (7) & (8). En vertu de cet article et des suivants, la Russie a violé la souveraineté ukrainienne en Crimée et dans le Donbass et Sergueï Lavrov vient de prouver au monde entier qu’un trou de mémoire de cet ampleur le disqualifiait d’emblée pour continuer à exercer de telles responsabilités à la tête de la diplomatie russe et face à l’Onu.
Cela fait déjà beaucoup, mais ce n’est pas tout ! Le patriarche orthodoxe de Russie, Kirill, n’est pas en reste puisqu’il vient de rencontrer le pape à La Havane. D’un côté, la nouvelle d’un regain de dialogue entre les deux Églises ne pouvait être accueillie que favorablement. Mais de l’autre il semble que le patriarche Kirill souhaitait surtout à cette occasion s’imposer face au patriarcat grec de Constantinople (très œcuménique et international alors que celui de Moscou est surtout d’orientation nationale), qui a prévu un concile panorthodoxe en juin prochain en Crète. Et faire d’une pierre deux coups : sous couvert d’un engagement commun à défendre les communautés chrétiennes d’Orient, il a en effet obtenu du pape François une déclaration sur l’Ukraine (paragraphe 26) allant dans le sens de Moscou, puisque le conflit y est plutôt présenté comme une “guerre civile”.
Pas un mot sur la Crimée et l’intervention russe dans le Donbass. Ni sur le fait que l’Église orthodoxe du patriarcat de Moscou est désormais la seule admise dans les territoires occupés du Donbass et que cette même Église a refusé tout récemment de participer à une prière commune pour la paix organisée entre toutes les confessions représentées en Ukraine (9).
Comment oublier par ailleurs que nous commémorons cette année le 70e anniversaire du synode de Lviv, qui vit en 1946 le patriarcat de Moscou incorporer de force l’Église gréco-catholique d’Ukraine occidentale ? Des dizaines de milliers de prêtres et de de laïcs furent envoyés en déportation et les églises détruites ou converties en silos à grain.
À l’occasion de ce triste anniversaire, une simple reconnaissance aurait été un préalable pour le moins “moralement exigible” avant de conférer à Kirill ce statut d’homme de paix et de dialogue, lui qui le pratique si peu en terre d’Ukraine, y compris vis-à-vis des autres Églises orthodoxes…
À ce jour, le patriarcat de Moscou n’a renié ni ce crime ni ses très longues années de collaboration étroite avec le régime stalinien (10). Il semble difficile de croire que le pape François ne se soit pas douté à un moment ou un autre que la main de Poutine se tenait derrière cette rencontre. Les principaux présentateurs de la télévision russe ne s’y sont en tout cas pas trompés, eux, qui ont rebondi immédiatement sur l’événement en affirmant que le Saint-Père avait déclaré que la Russie était le seul pays à défendre réellement les chrétiens et en renchérissant sur la ritournelle des Occidentaux censés être dotés d’une faible moralité, s’opposer à la chrétienté en général et à l’orthodoxie russe en particulier et être en train de préparer une guerre contre la Russie…
À ce petit jeu (11), Moscou sort pour l’instant encore facilement vainqueur puisque les partenaires européens n’ont toujours pas compris quelle est la dynamique qui sous-tend le niveau incroyable de popularité du maître du Kremlin (89,9 % en juin 2015), alors même qu’en ce début 2016 les conséquences économiques des errements militaristes de Poutine commencent vraiment à se faire sentir au niveau des classes moyennes russes.
Le média électronique Gazeta.ru (12) proposait cette analyse très pertinente le 8 janvier dernier : “Il n’est pas inintéressant de comprendre pourquoi la majorité écrasante des citoyens russes adhère avec tant de joie, voire de ferveur, depuis deux ans, à notre politique étrangère. Pourquoi la nation apprécie tellement l’effritement de la stabilité, l’effondrement de l’économie, du rouble… qu’elle a obtenus en l’échange d’une seule presqu’île, pas très grande… Une partie de la réponse réside peut-être dans ces deux terreurs fondamentales… La première grande crainte nationale est la peur que la Russie devienne un “pays ordinaire”… La deuxième terreur nationale est celle du changement… Ces deux terreurs relient le pouvoir et le peuple… Autant pour le peuple que pour le pouvoir, un pays n’est une grande puissance que s’il se montre capable de prendre un territoire à son voisin, ou bien de démolir quelqu’un à mille lieues d’ici – qui et pourquoi demeurant des questions secondaires.”
Loin de régler les problèmes de la Russie, il alimente au contraire les pathologies de son peuple. Sur le plan extérieur, Vladimir Poutine est visé explicitement par une enquête britannique portant sur l’empoisonnement de l’ex-agent du FSB Alexandre Litvinenko en novembre 2006, le Parlement européen a condamné le 4 février les “violations des droits de l’homme d’une gravité sans précédent en Crimée” (13) et la CPI vient d’ouvrir une enquête visant particulièrement les crimes commis par l’armée russe pendant le conflit éclair Géorgie-Russie en août 2008.
Mais qui s’en soucie vraiment ? Qui en parle ? Pour couvrir ces graves accusations propres à ébranler n’importe quel autre dirigeant, Vladimir Poutine dispose d’une véritable machine de guerre propagandiste (14) alors que, en face, on se contente de mesurettes élaborées dans le désordre d’une arrière-boutique.
À l’instar de Staline, Poutine est prêt à pousser son peuple et son environnement extérieur au-delà des limites, quel qu’en soit le coût, économique ou surtout humain (15). L’environnement extérieur ayant décidé de ne rien voir, à de rares exceptions près, c’est donc le peuple russe, épuisé par son propre refus du changement, qui risque à terme de déclencher une révolution violente, un peu comme un ressort tendu jusqu’à son point de rupture. Le monde est-il vraiment prêt à faire face au chaos que vivrait inévitablement une Russie dotée de centaines de têtes nucléaires ? Mais “Chut !”, jusqu’ici, tout va bien…
Tribune libre de Mykola Cuzin, président du comité Ukraine 33 et du Comité pour la défense de la démocratie en Ukraine
  1. Vladimir Poutine ayant par ailleurs admis depuis bien longtemps que les “petits hommes verts” de la Crimée (en mars 2014) c’était lui, après avoir soutenu le contraire à la communauté internationale pendant des mois.
  2. Un comble qu’une partie censée non ingérente dans un conflit exige des réformes propres à faciliter un peu plus le processus de démantèlement territorial de son voisin dont elle convoite manifestement les richesses, surtout compte tenu du précédent de l’annexion de la Crimée.
  3. Rappelons à ce titre les 577 jours de détention (dont 59 pour sa seconde grève de la faim) de la pilote Nadyia Savchenko, kidnappée sur le territoire ukrainien et retenue illégalement à Moscou.
  4. Il est reproché aux forces russes de viser davantage les villes ou les quartiers regroupant les opposants au régime de Bachar al-Assad que les zones tenues par les terroristes et, depuis le début de l’année, ce sont près de neuf hôpitaux gérés par Médecins Sans Frontières qui ont été frappés en Syrie soit par l’armée syrienne soit par l’aviation russe.
  5. Le renseignement militaire russe.
  6. Le nom d’Alexander Shushukin apparaît à divers endroits dans l’enquête sur le crash du vol MH17 du 17 juillet 2014.      Malgré ses dénégations, cette affaire devient d’ailleurs de plus en plus gênante pour le Kremlin, qui a refusé à plusieurs reprises le principe d’une commission d’enquête internationale. Par ailleurs, le chef de la police scientifique ukrainienne, Oleksandr Ruvin, qui a beaucoup travaillé sur ce dossier, a été victime d’une tentative de meurtre à Kyïv en novembre dernier.
  7. The Russian Federation, the United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland and the United States of America reaffirm their commitment to Ukraine, in accordance with the principles of the Final Act of the Conference on Security and Cooperation in Europe, to respect the independence and sovereignty and the existing borders of Ukraine (La Fédération de Russie, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et les États-Unis d’Amérique réaffirment leur engagement, conformément aux principes de l’acte final de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe, de respecter l’indépendance, la souveraineté et les frontières actuelles de l’Ukraine) – extraits sur le sujet et remerciements à gillesenlettonie.blogspot.fr). M. Lavrov ne peut pas l’ignorer puisque le cosignataire pour la Russie de la lettre adressée le 7 décembre 1994 au secrétaire général des Nations unies, M. Boutros Boutros-Ghali, et accompagnant le texte du mémorandum n’était autre que… LUI-MÊME !
  8. stopfake.org/fr/fake-serguei-lavrov-a-menti-a-propos-des-obligations-de-la-russie-envers-l-ukraine
  9. La situation est tout aussi critique pour les musulmans de Crimée puisque le grand mufti d’Ukraine n’a plus aucun contact avec les mosquées et les médersas de la presqu’île qui subissent en permanence des intimidations de la part des autorités russes d’occupation.
  10. Il n’est pas inutile de signaler que fin décembre 2015, à Penza (600 km au sud-est de Moscou), un centre Staline de deux étages a été ouvert pour “réhabiliter son nom après des décennies de calomnies”. Sur l’année 2015 on ne compte plus les plaques commémoratives, les bustes… qui ont été inaugurés à la gloire de Staline dans toute la Russie.
  11. Un correspondant à Moscou vient de nous faire parvenir un cliché montrant un panneau publicitaire dans la rue sur lequel on reconnaît un fumeur très célèbre, avec le message suivant : “Fumer tue plus qu’Obama, même si Obama tue beaucoup de gens.”
  12. Quotidien en ligne généraliste russe, basé à Moscou. Article complet publié dans le n° 1316 (21 janvier 2016) du Courrier international.
  13. Dans une résolution, les parlementaires européens ont pointé des violations “perpétrées notamment sous le prétexte de la lutte contre l’extrémisme et le terrorisme à l’encontre des résidents de Crimée et particulièrement des Tatars de Crimée”. La résolution demande aux autorités russes de mener des enquêtes impartiales sur tous les cas de torture, de disparition et de violation des Droits de l’homme perpétrés par la police et les forces paramilitaires depuis 2014 (source : rtbf.be).
  14. La nouvelle désinformation est bâclée, médiocre, grossière et aussitôt mise en ligne. Le but semble moins d’établir une vérité alternative que de semer la confusion quant au statut de la vérité… À une époque où beaucoup ont perdu la foi en l’intégrité et l’autorité des médias grand public, Russia Today proclame que “Le reportage objectif n’existe pas” et pousse cet énoncé jusqu’à son point de rupture.” (“Le palais des miroirs du Kremlin”, in XXI n° 32 – “Le monde russe”, automne 2015).
  15. Les rares personnes de la société civile russe qui osent protester sont soit éliminées ou mises sous les verrous (comme la plupart des opposants politiques), soit totalement isolées dans leur environnement proche (parfois familial) et poussées au suicide, comme Vlad Kolesnikov, un adolescent de 17 ans qui s’est donné la mort fin décembre 2015 dans la banlieue de Moscou après avoir subi six mois de harcèlement de la part de ses camarades de classe et de sa famille pour avoir porté un T-shirt dénonçant l’annexion de la Crimée. Par un dramatique effet de miroir inversé, ceci n’est pas sans nous      rappeler un certain Pavlik Morozov…





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