François de Rugy
>>> FEV2017. François
de Rugy se rallie à Emmanuel Macron, au nom de « la
cohérence » LeMonde
Rompant avec EELV, François
de Rugy a lancé Écologistes ! avec Vincent Placé. Il a officialisé le samedi
17 octobre l’Union des démocrates et des écologistes (UDE)
par un meeting à Paris. Entretien.
Reporterre - Comment
s’amorce la cohabitation avec Cécile Duflot, qui vous succède à
la co-présidence du groupe écologiste à l’Assemblée nationale ?
François de Rugy -
C’est une cohabitation dans le même groupe entre des personnes
qui ont fait des choix politiques différents. Il fallait conserver
un groupe écologiste. Et puis, il faut être 15 pour faire un groupe
et nous sommes partagés en deux sous-groupes de neuf députés
chacun. L’autre sous-groupe conteste que nous soyons « hors-EELV ».
Mais les écologistes n’étaient pas regroupés à l’Assemblée
sous le nom d’EELV : on n’a jamais voulu lier notre sort à
un parti.
N’avez-vous pourtant
pas été élu grâce à l’étiquette d’EELV ?
Je n’ai pas été élu
grâce aux Verts. J’ai été élu député en 2007 dans le cadre
d’un accord départemental Verts-PS. Et en 2012 grâce à un accord
de majorité, également avec le Parti socialiste. Cette stratégie
d’alliances a été rompue par EELV sans explication politique
convaincante. Pas par moi. Je veux qu’on me reconnaisse de faire
preuve de suite dans les idées. J’ai toujours été dans la même
stratégie, depuis 24 ans que je suis engagé en politique :
c’est l’écologie.
Une écologie que vous
présentez donc comme « réformiste »
Pragmatique et responsable.
Quand je me suis lancé en politique, en 1991, j’ai adhéré à
Génération écologie. Pas aux Verts, qui défendaient le ni gauche
ni droite et refusaient des accords majoritaires qui permettent
d’exercer des responsabilités. Je suis écologiste, mais je me
sens de gauche - plutôt de centre-gauche, d’ailleurs - et je pense
que les écologistes doivent exercer des responsabilités sans
attendre d’être majoritaires.
Pourquoi avoir rejoint
les Verts ensuite, qui ont toujours eu des positions ancrées à
gauche ?
J’ai adhéré aux Verts
en 1997, quand ils ont accepté un accord avec le Parti socialiste et
d’entrer au gouvernement. Vous dites que le parti est marqué à
gauche… Mais alors pourquoi, aux élections départementales, y
a-t-il des régions où EELV n’a pas choisi entre des candidats de
gauche et de droite, voire entre des candidats de gauche et
d’extrême-droite ? Dans un canton de ma ville de Nantes, il y
a eu un duel PS – Front National. La candidate EELV, alliée par
ailleurs au Parti de gauche, a refusé d’appeler à voter pour le
candidat socialiste. Si c’est ça, être à gauche...
Mais il y a une
confusion sur ce terme aujourd’hui, de quelle gauche parle-t-on ?
Quelqu’un de gauche,
c’est d’abord quelqu’un qui se dit de gauche. Le deuxième
critère, c’est d’appeler au rassemblement de la gauche. Ensuite,
on peut avoir une définition plus philosophico-politique. Pour ma
part, être de gauche c’est être pour la solidarité. Je défends
une écologie solidaire. Car, contrairement à ce que certains
affirment, on peut faire une écologie sans solidarité. Par exemple,
on peut décider d’augmenter arbitrairement les prix de l’énergie
pour lutter contre le réchauffement climatique. À la guerre comme à
la guerre, et tant pis si des gens ont froid l’hiver si les
émissions de CO2 baissent.
Cela ressemble à l’
« écologie punitive » de Ségolène
Royal…
Il y a une écologie
autoritaire. Certains considèrent que nous sommes quasiment dans un
état de guerre qui nécessite de telles décisions. Moi, je suis
pour une écologie démocrate, qui passe par des compromis. C’est
certes un peu plus long. Mais je préfère l’élection et les
moyens légaux à la casse ou au sabotage.
« Mais parfois, on perd »
À qui pensez-vous ?
Aux zadistes, par exemple.
Pas tous, parce que zadiste est devenu un terme-valise. Ou aux
mouvements « ecowarrior ». Sur le
Lyon-Turin, plutôt côté italien, des gens prônent l’action
violente. Moi, je suis un démocrate. Et républicain aussi.
Au printemps, vous aviez
dit : « Les
zadistes ne sont pas ma famille politique. »
Je le confirme. Ils sont
plus anars qu’écolos. J’ai encore eu un tag sur ma permanence
cette semaine, « Z.A.D » avec un « A » comme
ça (il mime le A cerclé, symbole anarchiste). Et un peu plus
loin, sur un autre immeuble, « A.C.A.B » pour « All
Cops are Bastards », « tous les flics sont des bâtards ».
Ce tag était peinturluré partout lors de cette manifestation de
février 2014 à Nantes qui a fait tant de dégâts. On a réussi à
remonter la pente pour dire que la lutte contre le projet de
Notre-Dame-des-Landes n’était pas ça.
Quels autres moyens
a-t-on, sur un tel projet, face à la violence de l’appareil
d’État ?
La voie démocratique. Les
travaux n’ont toujours pas démarré alors que c’était prévu
pour 2012. Parce qu’il y a eu un affrontement vigoureux sur le
terrain, mais aussi parce que nous avons mené la bataille
politico-juridique. Et nous continuons de la mener avec ce compromis
trouvé : pas de travaux tant que les recours ne sont pas
épuisés. Pourtant, la loi permettrait de les commencer avant la fin
des recours. C’est la conjonction de l’action politico-juridique
et citoyenne et de la mobilisation pacifiste qui permet d’espérer
gagner. Mais parfois, on perd.
On perd souvent, en ce
moment : la ferme des Bouillons, le grand stade à Lyon, le
Lyon-Turin, la recrudescence de grands projets inutiles…
Mais des fois, on gagne.
Souvenez-vous la lutte contre l’EPR au Carnet, près de Nantes, en
1996. On a manifesté pour s’opposer à la déclaration d’utilité
publique signée par le premier ministre Juppé. Jospin a promis
d’abandonner le projet s’il gagnait les élections législatives
de 1997. Les Verts se sont alliés, ils sont entrés au gouvernement,
et Jospin a abrogé le décret. C’est aussi l’action politique et
institutionnelle qui fait changer les choses.
Mais l’EPR se fait
finalement, quelques années plus tard, à Flamanville.
Parce que la droite a gagné
les élections. Si Jospin avait été élu en 2002, Flamanville
n’aurait pas été lancé.
Et l’écotaxe plus
récemment, vous n’avez pas pu peser.
Je l’ai toujours
dénoncé ! Heureusement, la loi n’a pas été abrogée.
Mais vous étiez au
gouvernement, pourtant !
Si les écologistes
gagnaient toujours alors qu’ils recueillent entre 5 et 10% des
voix, ce serait étonnant d’un point de vue démocratique. Je suis
écologiste depuis 24 ans, je suis payé pour savoir que l’écologie
est un combat de tous les instants et qu’on ne gagne pas à tous
les coups. Est-ce une raison pour abandonner le combat ? Je ne
me dérobe pas par rapport aux responsabilités.
Mais pourquoi s’allier
avec des forces politiques qui mènent des politiques que vous
combattez ? Prenons l’exemple de la loi Macron.
La loi
Macron a une portée minime. Qu’on me démontre, d’un point
de vue écologique, social, économique ou démocratique, que ce
serait une loi mauvaise. Je sais bien qu’on crie à la régression,
mais objectivement…
Et la libéralisation
des autocars ?
Je suis pour. C’est un
transport en commun non subventionné. Si les cars sont vides, ils ne
rouleront pas. Je soutiens le transport ferroviaire, mais il a connu
un tel sous-investissement pendant des décennies…
Le meilleur moyen pour
le relancer serait de le concurrencer par des autocars ?
Ça ne fait pas concurrence
au train, ça fait surtout concurrence au covoiturage. En revanche,
c’est une offre supplémentaire, là où le transport ferroviaire
est défaillant.
« Je suis pragmatique »
Ce n’est pas en
mettant des cars sur les routes qu’on va inverser
la tendance d’un transport ferroviaire défaillant.
Les « cars
Macron » ne sont pas responsables. C’est le résultat de
choix politiques qui ont tout investi sur la route et désinvesti
dans le ferroviaire. Mais, comme nous avons un réseau routier
extrêmement développé, il faut l’utiliser. On ne va pas fermer
les autoroutes non plus ! À court-terme, si on veut réduire le
CO2 et changer les modes de déplacement, il faut d’abord
développer des transports en commun sur la route. Comme le
covoiturage, avec Blablacar. C’est bien, le covoiturage :
quatre personnes plutôt qu’une dans une voiture.
Mais à quelques
semaines de la COP 21, c’est quand même difficile de tenir une
telle position, non ?
Le car n’a pas forcément
un impact plus négatif que certains trains.
Vous pouvez me dire
qu’un Paris-Lyon en train, c’est moins écologique qu’en bus ?
Non, moi je suis pour le
TGV, contrairement à beaucoup d’écologistes. Donc Paris-Lyon en
TGV, c’est bien, en bus, c’est moins bien. Mais dites-moi
pourquoi ça peut quand même répondre à un besoin ? Quelle
est la différence entre le car et le TGV ?
Le prix
C’est une offre de
transport en commun moins cher. Il faudrait que le train soit au prix
du car Macron. Mais où trouver les subventions pour aligner ainsi le
prix du billet TGV ?
Et la fin des
subventions au diesel ?
On est en train de le
faire. La hausse sur le gasoil sert à financer l’Agence française
d’investissement pour les infrastructures de transport, dédiée
essentiellement au ferroviaire.
La loi Macron, c’est
aussi l’intrusion au dernier moment de Cigéo,
le centre de stockage des déchets radioactifs...
Cigéo est typique d’un
rapport de force politique devenant défavorable. C’est un vieux
sujet, présent dans chaque négociation depuis des années. Tant que
nous sommes au gouvernement, le projet ne se fait pas !
L’écologie ne consiste pas seulement à réaliser des choses, mais
aussi à en empêcher des mauvaises. Quand nous étions au
gouvernement, on a empêché les OGM, les gaz de schistes et Cigéo.
Mais
nous l’avons quitté. En politique, la stratégie et la
tactique sont obligatoires. C’est de la négociation, du compromis,
du donnant-donnant, comme dans la vie.
« C’est le principe de réalité »
Vous pensez retrouver du
poids en lançant successivement Écologistes ! et l’UDE ?
Il fallait une
clarification politique. Dans un premier temps, cela se paye par des
divisions. EELV était devenu un conglomérat avec des lignes
politique antagoniques, cela n’avait plus aucun sens.
Mais cela ne vous
empêche pas de garder un groupe en commun à l’Assemblée
nationale ?
C’est le principe de
réalité. Quel serait le gain politique pour les écologistes à ne
plus avoir de groupes à l’Assemblée ? C’est ce déni de
réalités politique, économique et électorale qui caractérise
EELV aujourd’hui.
Pourquoi alors créer
deux mouvements distincts ?
Écologistes ! est un
mouvement qui rassemble des déçus d’EELV. Son nom dit son
projet : être écologiste avant tout. Puis, on a accepté de
travailler dans une structure confédérale ouverte à des mouvements
de centre-gauche et de sensibilité écologiste.
Vous y retrouverez vos
anciens camarades de Génération écologie ?
Non, ils ont décidé de ne
pas y participer. Ils veulent garder leurs liens avec le Parti
radical. Ce n’est pas grave, les partis ne sont pas une fin en soi.
On va s’adapter mais notre objectif est clair : s’inscrire
dans la durée.
Alain Juppé
>>> Il dynamite, il disperse, il ventile : Juppé, le tonton flingueur de la droite
>>> «Je veux que la France optimiste contamine la France morose»
>>> Alain Juppé : « Oui, il faut encore croire en l’Europe ».
Dans un entretien accordé au Courrier des maires, le maire de Bordeaux et président de l’Association française du conseil des communes et régions d’Europe (AFCCRE) se prononce en faveur d’une redéfinition des politiques de cohésion, qu’il estime indispensable pour les territoires. Et met en cause la « critique systématique » de l’Europe venant, notamment, de la classe dirigeante britannique.
>>> Les « six leviers » d’Alain Juppé contre le terrorisme
>>> Alain Juppé : "ce pays devient fou" , "offensive contre l'imposture du FN" (JDD) , "Nous avons été trop complaisants avec le FN" (Le Figaro) ; "le FN ou l'imposture" (AJ Blog)
>>>
Juppé, l'ennemi public numéro 1 de la droite de droite
La
droite de la droite qui se plait à cogner Alain Juppé, s'est
assurée de relais politiques puissants tant au sein des Républicains
qu'au Front National. Mais il y a fort à parier que le maire de
Bordeaux ne lui cédera rien.
La
droite identitaire, celle qui va des pleureuses de la Manif pour Tous
aux lecteurs du (toujours passionnant) mensuel Causeur, celle
qui adule l'écrivain Renaud Camus et, surtout, son nouveau concept
de "remigration" (en clair le retour forcé des immigrés
musulmans dans leurs pays d'origine), cette droite identitaire-là
qui gagne sans cesse des parts de marché à droite s'est dénichée
un nouvel héraut, l'écrivain Denis Tillinac.
Ce
n'est évidement pas un hasard si ce dernier, dans chacune de ses
récentes sorties publiques, a pris la peine de cogner ... Alain
Juppé. "Le maire de Bordeaux ne peut pas déplaire aux
bobos"... Une manière doucereuse de le disqualifier. Car la
droite identitaire en particulier et la droite de droite en général
ne dissimulent pas, c'est d'ailleurs un avantage, leurs deux hantises
majeures: que la France soit islamisée ; que les bobos tiennent sous
leur coupe libertaire les pouvoirs politiques et culturels. Puisque
Juppé serait le nouveau croisé des bobos, alors il est
indispensable de lui faire la peau. Parce que, explique Elisabeth
Lévy, la directrice du magazine Causeur, il n'appartient pas
à "la droite Tillinac, façonnée par un passé de clochers et
de gloire".
C'est
donc Causeur, qui ouvre le feu, avec ardeur d'ailleurs. Le
titre, en couverture, ne peut pas être plus explicite : "JUPPÉ
LE PIRE D'ENTRE NOUS", le retournement de la célèbre saillie
de Jacques Chirac - "JUPPÉ LE MEILLEUR D'ENTRE NOUS". Et
Causeur de fournir quelques arguments et éléments de langage
désormais indispensables à la dialectique anti-Juppé, à son
efficacité surtout.
Démonstration en quatre points:
-
Selon la droite de droite, "le" peuple, ce fameux peuple mythologisé [remarquons au passage que les terrifiants bobos, eux, sont par principe exclus de ce peuple. Au nom de quoi? Au nom de qui?] exècre les journalistes eux-mêmes figures éminentes du "boboïsme". Juppé est donc décrété "candidat du parti des médias et des sondeurs". Ainsi appelé, tôt ou tard, à se crasher, le plus vite sera évidemment le mieux et, somme toute, avant la primaire de la droite en novembre prochain.
-
Selon la droite de la droite, Juppé ne serait qu'une réplique, un avatar d'Edouard Balladur et de Lionel Jospin quelques années après, donnés l'un et l'autre élus président de la République avant même le vote, incapable de passer même le premier tour, défaits tous deux par Jacques Chirac. Juppé connaîtra forcément le même phénomène de désintégration que ces deux là. Pourquoi? Parce que! Parce que la droite de droite, la droite identitaire, l'ont décrété ainsi. Mais pas seulement: les convictions du maire de Bordeaux leur font horreur.
-
Selon la droite de droite, Juppé est un arnaqueur politique et idéologique qui "parvient à faire passer un dirigeant hors sol standard [lui, Juppé] pour un homme de terrain. "Hors sol", Juppé le landais, échappant à cette nouvelle catégorie de Français définie par le désormais inévitable Tillinac, "les sédentaires enracinés"? A coup sûr puisque l'ex-Premier ministre, partisan de la construction européenne et de sa poursuite, est réduit au rang "d'européiste" et, pire, bien pire encore. "Juppé au pouvoir, peut-on lire dans le Causeur d'Elisabeth Lévy, ce pourrait bien être Berlin plutôt que Bordeaux". Une sorte de marchand de la patrie à la solde de la chancelière... Ces gens à la droite de la droite ne se tiennent plus. Marine Le Pen reste prudente, au moins dans le vocabulaire.
-
Selon la droite de droite, Alain Juppé "homme de droite aimé par la gauche correspond parfaitement au portrait robot du candidat UMPS". L'incarnation du diable en personne! Il en va ainsi parce que Juppé ne cède ni ne concède rien à la droite identitaire. Français et Européen osant encore évoquer "l'identité heureuse", il devient ipso facto l'adversaire prioritaire, celui qu'il est indispensable de faire exploser. Causeur l'explicite fort bien: Juppé s'est autorisé à commettre son "coming out immigrationniste"! Rien de pire. Juppé s'est "converti aux postulats transfrontiéristes"! L'abomination.
Est-il
seulement nécessaire de prendre au sérieux cette droite de droite,
cette droite identitaire? Sans doute oui, dans la mesure où elle
s'est assuré des relais politiques puissants tant au sein de LR (Les
Républicains) que du Front National. Paradoxalement, Marine Le Pen
s'en tient plus éloignée que ... Nicolas Sarkozy relayé au sein de
cette mouvance par son numéro 2 Laurent Wauquiez. On peut présager
qu'Alain Juppé ne leur cédera rien. Parfois la raideur
intellectuelle peut avoir du bon.
>>> La zone euro, coeur de l'Europe à plusieurs vitesses (Juppé)
De
passage dans la capitale européenne, le candidat à la primaire de
la droite a prononcé un discours sur l’avenir de l’UE très en
phase avec les réflexions actuelles à Bruxelles, aussi bien sur
l’espace Schengen que l’avenir de l’euro. Les propos
d’Alain Juppé ont des accents « junckeriens ».
Oui, l’UE est dans une mauvaise passe, oui, le rêve européen est
désenchanté, mais non, il ne faut pas baisser les bras.
Dans
son discours, prononcé dans une salle d’un hôtel du quartier
européen de Bruxelles, mercredi 24 février, le candidat à
la primaire LR a coché toutes les cases des Européens
historiques que représente le président de la Commission
européenne, Jean-Claude Juncker.
Selon
Alain Juppé, la relance de la construction communautaire repose sur
trois priorités : la défense, Schengen et la croissance.
Ironie
du sort, selon nos informations, ces trois thèmes, bien français,
seront précisément au cœur de l’initiative que
Paris pourrait lancer avec Berlin, après le référendum
britannique sur l’UE, si la crise des réfugiés a baissé
en intensité.
Accepter les gardes-frontières ou quitter Schengen
En
matière de défense, Alain Juppé veut procéder par étapes.
Pas question de réfléchir à une armée européenne. Il faut
commencer par mettre en commun les industries et programmes de
recherche pour ne plus être dépendants des États-Unis pour
l’armement et le matériel. Un discours qui n’a rien de nouveau
venant d’un Français, mais qui peine toujours à trouver un écho
auprès des Européens.
Sur
l’espace de libre circulation, dit Schengen, l’ancien
Premier ministre a parlé de « faillite européenne »
dans la gestion de la crise des réfugiés. Il souhaite ainsi le
renforcement du contrôle des frontières extérieures de l’UE,
l’harmonisation des politiques migratoires (avec l’instauration
de quotas en France).
Des
mesures similaires à celles portées par le président de la
Commission européenne, Jean-Claude Juncker, lors de sa campagne pour
accéder à la tête de l’exécutif en 2014. Un nouveau paquet
législatif sur la gestion des frontières doit d’ailleurs être
présenté au mois de mars par Bruxelles.
L’écroulement
de Schengen correspondrait pour Alain Juppé à « une
régression historique » . Si un pays refuse la création
d’un corps de gardes-frontières européens capable d’agir
sans autorisation des États, il devra quitter Schengen, estime-t-il.
Europe à plusieurs vitesses
Des
propos qui rejoignent le motto de « l’Europe à plusieurs
vitesses » ou « Europe différenciée » dans le
vocable français, en vogue à Bruxelles depuis l’accord du
19 février entre l’UE et le Royaume-Uni.
Alain
Juppé considère aujourd’hui que le cœur de l’intégration
se déroule au sein de la zone euro.
Interrogé
par Contexte, il s’est déclaré favorable à l’établissement
d’un « Parlement de la zone euro », composé des élus
des dix-neuf pays qui siègent déjà dans l’hémicycle de
Strasbourg pour éviter les doublons. Cette assemblée serait
compétente « sur toutes les grandes décisions » liées
à la monnaie unique. Un concept qui fait son chemin, la réforme des
traités en ce sens est prévue pour l’après
présidentielle française…
Quant
à l’idée avancée par certains d’un retour à une
Union à six ou neuf États, pour plus d’efficacité, Alain Juppé
n’y croit pas vraiment. Citant les Pays-Bas, il a rappelé que le
scepticisme sur l’intégration européenne est aussi l’apanage
des fondateurs.
Lamassoure, Daul, Schwab
Parmi
les soutiens affichés aux côtés de l’ancien Premier
ministre figuraient le chef de la délégation LR à
Bruxelles
et vétéran de la politique bruxelloise, Alain Lamassoure
(ex-soutien de Nicolas Sarkozy en 2007), ainsi que le président du parti populaire européen, Joseph Daul. La députée du Nord Tokia Saïfi était aussi de la partie.
et vétéran de la politique bruxelloise, Alain Lamassoure
(ex-soutien de Nicolas Sarkozy en 2007), ainsi que le président du parti populaire européen, Joseph Daul. La députée du Nord Tokia Saïfi était aussi de la partie.
Andreas
Schwab, l’influent eurodéputé allemand de la CDU a également
assisté au discours d’Alain Juppé.
>>>
Le discours de Juppé à Bruxelles (février 2016) : ici
>>> Janvier 2016, Juppé fait sa rentrée
Quelques
thèmes, rapidement :
-
Déchéance de nationalité : selon lui, une mesure inutile, mais
néanmoins il la voterait s'il était député
-
Laïcité : il propose la création d’un « délit
d’entrave à la laïcité »
-
Religion musulmane : « prêche en français et diplôme
d'instruction civique pour les imams »
- Identité : « Nous avons des racines chrétiennes et nous devons l’assumer »
- Identité : « Nous avons des racines chrétiennes et nous devons l’assumer »
-
L'identité heureuse : L'ancien premier ministre «persiste»
sur le concept «d'identité heureuse», critiqué par Nicolas
Sarkozy lors d'un meeting de la campagne des régionales. «Ce n'est
pas un constat, c'est un objectif» affirme le maire de Bordeaux.
«Oui je crois que nous devons retrouver l'art de vivre ensemble en
se respectant les uns les autres. [...] Parce qu'il n'y a pas d'autre
solution que le dialogue, autour d'un sentiment national commun.
[...] L'identité heureuse, c'est ma définition d'un patriotisme
moderne.»
[Note :
l'expression prend le contre pied de celle de Finkielkraut,
« l'identité malheureuse », et surtout affiche face au
déclinistes et pessimistes omniprésents un avenir constructif sur
la base d'une vision positive de la France de demain]
- Vingt propositions clés sur le régalien (→ HuffingtonPost)
- Vingt propositions clés sur le régalien (→ HuffingtonPost)
>>>
L'entretien paru dans le JDD
Candidat
à la primaire de novembre, Alain Juppé publie le 6 janvier son
deuxième livre-programme : Pour
un État fort.
Vous
souhaitez un État fort. Est-ce à dire que l’État serait
faible?
Oui, et c’est ce qui motive les critiques que je porte à la politique actuelle, et les propositions que je fais pour changer de cap. Je prends un seul exemple : en matière pénale, l’État est faible. Je n’ai jamais attaqué la personne de Mme Taubira et je ne le ferai pas, mais j’attaque vigoureusement sa politique pénale : puisqu’il n’y a plus de place dans les prisons, ne mettons plus les délinquants en prison. C’est un signal de faiblesse qui est mal ressenti par les policiers, par les gendarmes, par les magistrats, et surtout par les Français. Un État fort, c’est un État qui assume avec autorité ses missions régaliennes de sécurité et de justice, ce n’est pas un État tatillon et procédurier qui prétend régenter la vie quotidienne des entreprises et des citoyens. Les Français ont parfois l’impression que l’État est absent lorsqu’il devrait être présent, et présent lorsqu’il devrait être absent. Revenons à l’essentiel.
Oui, et c’est ce qui motive les critiques que je porte à la politique actuelle, et les propositions que je fais pour changer de cap. Je prends un seul exemple : en matière pénale, l’État est faible. Je n’ai jamais attaqué la personne de Mme Taubira et je ne le ferai pas, mais j’attaque vigoureusement sa politique pénale : puisqu’il n’y a plus de place dans les prisons, ne mettons plus les délinquants en prison. C’est un signal de faiblesse qui est mal ressenti par les policiers, par les gendarmes, par les magistrats, et surtout par les Français. Un État fort, c’est un État qui assume avec autorité ses missions régaliennes de sécurité et de justice, ce n’est pas un État tatillon et procédurier qui prétend régenter la vie quotidienne des entreprises et des citoyens. Les Français ont parfois l’impression que l’État est absent lorsqu’il devrait être présent, et présent lorsqu’il devrait être absent. Revenons à l’essentiel.
Faut-il
prolonger l’état d’urgence?
S’il faut aller au-delà de février, je n’y suis pas hostile par principe : nous verrons. La première des libertés, c’est de continuer à vivre, et pas de se faire massacrer au Bataclan. Mais cela pose un problème de constitutionnalité. Tous ceux qui se sont précipités en disant "niet" à la réforme de la Constitution sont peut-être allés un peu vite. Une modification de l’article 36 de la Constitution qui traite de l’état de siège pour donner une base constitutionnelle plus solide au renouvellement de l’état d’urgence ne me paraît pas à exclure.
S’il faut aller au-delà de février, je n’y suis pas hostile par principe : nous verrons. La première des libertés, c’est de continuer à vivre, et pas de se faire massacrer au Bataclan. Mais cela pose un problème de constitutionnalité. Tous ceux qui se sont précipités en disant "niet" à la réforme de la Constitution sont peut-être allés un peu vite. Une modification de l’article 36 de la Constitution qui traite de l’état de siège pour donner une base constitutionnelle plus solide au renouvellement de l’état d’urgence ne me paraît pas à exclure.
Le
débat politique est devenu très vif sur la déchéance de
nationalité pour les binationaux nés Français…
Ce n’est pas une réforme utile. Son efficacité sera faible, voire nulle. Elle ne permettra pas de prévenir de nouveaux actes terroristes, elle ne dissuadera aucun djihadiste de se faire sauter. C’est un coup politique de François Hollande pour semer de la confusion dans le débat. De ce point de vue, c’est plutôt réussi! Mais dans un moment où notre pays a besoin d’unité et d’apaisement, c’est un acte de mauvais gouvernement.
Ce n’est pas une réforme utile. Son efficacité sera faible, voire nulle. Elle ne permettra pas de prévenir de nouveaux actes terroristes, elle ne dissuadera aucun djihadiste de se faire sauter. C’est un coup politique de François Hollande pour semer de la confusion dans le débat. De ce point de vue, c’est plutôt réussi! Mais dans un moment où notre pays a besoin d’unité et d’apaisement, c’est un acte de mauvais gouvernement.
Vous
plaidez pour un "patriotisme authentique" fondement d’une
"identité heureuse"…
Je persiste et je signe sur "l’identité heureuse". Ceux qui me critiquent font mine de ne pas comprendre : ce n’est pas un constat, c’est un objectif! Oui, je crois que nous devons retrouver l’art de vivre ensemble en se respectant les uns les autres. Sinon, que proposons-nous? D’être malheureux? Ce n’est pas mon projet. Je ne vis pas au pays des Bisounours. Je vois bien les grandes difficultés à résoudre pour y parvenir : le chômage, l’insécurité… Mais c’est mon objectif. Parce qu’il n’y a tout simplement pas d’autre solution que le dialogue, autour d’un sentiment national commun. Nous sommes divers, c’est un fait. Ce dont je ne veux pas, c’est d’une France communautariste où chaque groupe se replierait sur lui-même et entendrait appliquer ses propres règles. Notre diversité n’est vivable que s’il y a unité autour des valeurs et du sentiment national, incarné par le drapeau et l’hymne national, La Marseillaise. L’identité heureuse, c’est ma définition d’un patriotisme moderne.
Je persiste et je signe sur "l’identité heureuse". Ceux qui me critiquent font mine de ne pas comprendre : ce n’est pas un constat, c’est un objectif! Oui, je crois que nous devons retrouver l’art de vivre ensemble en se respectant les uns les autres. Sinon, que proposons-nous? D’être malheureux? Ce n’est pas mon projet. Je ne vis pas au pays des Bisounours. Je vois bien les grandes difficultés à résoudre pour y parvenir : le chômage, l’insécurité… Mais c’est mon objectif. Parce qu’il n’y a tout simplement pas d’autre solution que le dialogue, autour d’un sentiment national commun. Nous sommes divers, c’est un fait. Ce dont je ne veux pas, c’est d’une France communautariste où chaque groupe se replierait sur lui-même et entendrait appliquer ses propres règles. Notre diversité n’est vivable que s’il y a unité autour des valeurs et du sentiment national, incarné par le drapeau et l’hymne national, La Marseillaise. L’identité heureuse, c’est ma définition d’un patriotisme moderne.
Sécurité,
lutte contre le terrorisme, patriotisme, identité, prisons, Corse :
retrouvez le grand entretien d'Alain Juppé en
cliquant ici pour la première partie et ici
pour la seconde.
>>>
Il semble que Juppé doive surtout sa popularité au rejet par la
population des autres principales figures des grands partis.
On
sait que les français rejettent Hollande, Sarkosy, et Marine Le Pen
… Et pourtant , ce sont ces trois là que l'on risque de retrouver
lors de la campagne pour la présidentielle. Dès lors, si la droite
propose une alternative, même si l'on ne peut pas parler de
« nouvelle figure », c'est son candidat qui a de fortes
chances de l'emporter.
>>>
Primaires de droite : Juppé, le candidat anti-hystérie
>>>
Alain Juppé a conseillé ce mardi à François Fillon de faire
"attention à l'excès de vodka" en référence aux
positions sur la Russie de son lointain successeur à Matignon, qui
accuse de son côté le maire de Bordeaux d'un excès de prudence
dans son programme de réformes.
"Je sais que pour certains, je ne
vais pas assez loin, qu'il faut faire des chocs. La mode est aux
chocs, choc fiscal, choc social... A force de faire des chocs sur la
France, on risque de bien casser la mécanique", a déclaré
Alain Juppé sur France Inter.
Le maire de Bordeaux croit au contraire
à "des réformes sérieuses, programmées, annoncées à
l'avance et qui seront tenues sur le quinquennat". Ce que
François Fillon appelle "la tisane", rétorque France
Inter. "Attention à l'excès de vodka", a répliqué du
tac au tac Alain Juppé.
François Fillon, concurrent de Alain
Juppé à la primaire de la droite (20-27 novembre), a à plusieurs
reprises prôné un renforcement des relations avec Moscou.
François Bayrou
>>> FEV2017. Présidentielle : Emmanuel Macron "accepte l'alliance proposée par François Bayrou" FranceTVinfo
« Fillon, c’est Robin des
Bois à l’envers : il prenait aux riches pour donner aux pauvres
et là, il s’agit de prendre aux pauvres pour donner aux riches »
La
Croix
Sans parler de ses aquointances avec
Poutine, faisant fi des valeurs de la France, et de la nécessité de
former un bloc européen dans le monde dangereux de ce début de
siècle.
>>> Bayrou charge le «système Sarkozy-Balkany» >>> Au sujet de Sarkosy :"Les Français, de droite, du centre et d’ailleurs, malgré la logique partisane de la primaire, s’apprêtent à lui dire non. Une deuxième fois."
>>> François Bayrou
et le modèle Henri IV
Dans
un entretien avec Jean-Pierre Bédéï, le président du Modem
(Mouvement Démocrate) François Bayrou, ancien ministre de
l’Éducation Nationale et actuel maire de Pau, nous raconte sa
passion pour l’Histoire et son ancrage politique au centre.
Agrégé
de lettres classiques, François Bayrou, dont les parcours
intellectuel et politique sont indissociables, voue une admiration
sans bornes à deux acteurs de l'Histoire : Henri IV et Churchill.
Un passé très présent
Interrogé
sur son intérêt pour l’Histoire, François Bayrou aime à
dire : « Vous mettez dans une pièce votre père,
votre grand-père... et vous remontez comme cela à l’époque
d’Henri IV ; vous aurez au total quatorze personnes, soit une
petite tablée. C’est dire combien le passé nous est proche. »
Le
passé marque en profondeur notre pensée et nos actions, même et
surtout à notre insu. Il y a un inconscient des peuples comme il y a
un inconscient des individus. À trop vouloir le nier, nous
risquons de le voir ressurgir de façon névrotique, assure
François Bayrou. C’est ce à quoi nous assistons par exemple en ce
moment même au Moyen-Orient avec le djihadisme et la résurgence
d’un califat.
Henri
IV, héros de roman
Si
François Bayrou a consacré une imposante biographie au Vert-Galant,
c’est moins parce qu’il a été élevé à deux pas de son
village d'enfance qu’en raison du caractère
incroyablement romanesque de sa vie… Il montre comment une
enfance troublée et meurtrie a eu le pouvoir d’influer sur le
cours de l’Histoire.
Le
futur Henri IV, né
en 1553, a pour mère Jeanne d’Albret, reine de Navarre. Celle-ci
est la fille de Marguerite d'Angoulême, sœur de François
1er, assurément la femme la plus cultivée de son siècle.
Jeanne
d’Albret a fait un mariage d’amour avec Antoine de Bourbon,
fringant soldat de haute noblesse qui deviendra le lieutenant général
du royaume.
À
cet instant, avec les guerres
de religion, l’histoire amoureuse rejoint l’histoire
politique. Jeanne d’Albret, convertie à la nouvelle religion,
devient la seule reine protestante régnant sur le continent européen
tandis que son père devient l’un des chefs de la faction
catholique.
Les
amants déçus ne vont cesser de se combattre sous les yeux du
jeune Henri, jusqu’à la mort d’Antoine, victime d’une
arquebuse protestante en 1562.
« Jeanne
d’Albret va jusqu’à fondre les objets sacrés déposés dans la
tombe de son fils aîné pour financer la guerre, lance François
Bayrou. Imaginez ce qui se passe alors dans la tête du jeune
Henri. Pour ce petit garçon, la guerre de religion qui ensanglante
l'Europe, c'est la guerre entre son père et sa mère ».
Le
maire de Pau raconte avec passion la Saint-Barthélemy.
Jeanne d’Albret et Catherine de Médicis, mère du roi Charles IX,
ont négocié à Blois le mariage de leurs enfants Henri et
Marguerite (« Margot ») afin d’en finir avec la guerre.
Les
noces se déroulent à Paris en août 1572. « Il fait très
chaud et les esprits s’échauffent ». Dans les églises, des
curés appellent à en finir avec les huguenots. Henri rassure ses
compagnons : « Maintenant que je suis le beau-frère
du roi, il ne peut rien vous arriver ». Et c'est le
massacre du 24 août…
Vingt-six
ans plus tard, décidé à en finir avec cette guerre qui déchire
même les familles, Henri IV promulguera l’Édit
de Nantes, une avancée majeure vers la laïcité.
Le
centre commence avec Montaigne et Pascal
Interrogé
sur la notion de centre, François Bayrou évoque deux philosophes,
Montaigne et Pascal, pour lesquels la religion, la science, la
politique ont chacune leur légitimité. Le centre, en politique,
c’est la « séparation des ordres », une formule
de Pascal qui conditionne la liberté de l'homme. C'est la richesse
du pluralisme et le besoin vital de dépasser les haines.
Il
rappelle l'Écriture : « Toute demeure divisée
périra en son sein » et évoque la figure aimante
d’Antigone : « je suis née pour partager
l’amour » (Antigone, Sophocle).
Pour
lui, le centrisme a un credo : « Nous pouvons vivre
ensemble avec des idées différentes. »
Churchill,
un homme d’État, un vrai !
François
Bayrou, qui a manqué
d’assez peu l’Élysée en 2007, voit en Churchill un
modèle pour les hommes d’État. Il évoque le tombeur
de Hitler, arrivé au 10 Downing Street le 10 mai 1940 à
l’âge de 66 ans, dans l’un de ses derniers livres, De la
vérité en politique (Plon, 2013) : « Churchill,
toujours du côté des hommes d’État et de l’Histoire. »
En
1936, ainsi qu’il le raconte avec gourmandise, Churchill interpelle
aux Communes le Premier ministre Stanley Baldwin, cousin germain
de Rudyard Kipling.
Il lui reproche d’avoir mener une campagne pacifiste sur le
désarmement alors que l’Allemagne hitlérienne se réarme.
Baldwin, antithèse caricaturale de l’homme d’État,
répond : « Mon devoir était de gagner l’élection.
Le peuple était pacifique, donc j’ai dit ce qu’il voulait
entendre. »
François
Bayrou conclut avec amertume sur un souvenir personnel, un entretien
en 2000 avec le président Jacques
Chirac. Les deux hommes sympathisent autour de leurs soucis
familiaux puis le président se lâche : « La politique, c’est
simple. Le Premier ministre, il fait en sorte que ça ne passe pas
trop mal et le président de la République, il a pour fonction de
représenter la France à l’étranger. » Tout le
contraire de ce que croit François Bayrou : « Le
président de la République est source d’unité et d’inspiration
pour son pays. Il doit donner aux citoyens des raisons de vivre. »
Vanessa
Moley
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François Bayrou: "Hollande et Sarkozy: des impasses"
Comment
saisir la chance que constitue le Brexit? Comment imposer une vision
française de l'Europe? Que changer dans les institutions? Quelle
Union proposer à nos voisins? Faut-il rallumer le rêve fédéral?
Pour L'Express, François Bayrou, le plus europhile des
présidentiables, propose sa "feuille de route".
Pourquoi,
alors qu'on en parle depuis des mois, l'Europe
est-elle à ce point étonnée par le Brexit?
"L'événement
est sur nous. Il a le poil et le pas d'une bête quaternaire."
C'est de Jules Romains, dans un recueil intitulé justement Europe,
publié en 1916 et consacré à la Grande Guerre. L'Histoire nous
prend toujours au dépourvu. Une des grandes faiblesses de l'espèce
humaine, c'est de croire que ce qui est durera toujours. En août
1914, quand la guerre arrive, il y a un incroyable effet de surprise.
Et nous, en 2016, nous imaginions que l'Europe était établie pour
toujours. Elle ne l'était pas.
Faut-il
s'attendre à des guerres en Europe?
J'espère
bien que non. Mais nous avions bâti, par grâce, un ensemble
d'équilibre, de prospérité pacifique dont nous avions banni la
volonté de domination. Cela ne s'est jamais produit dans l'Histoire,
c'était un miracle qui laisse admiratifs et émus tous ceux qui en
mesurent la dimension. On a cru que c'était stable, mais les
miracles le sont rarement...
Il
a pourtant survécu à nombre d'événements depuis 1957...
Il
a bien résisté à la réunification de l'Allemagne, très mal à
l'élargissement à marche forcée et n'a pas été à la hauteur de
la crise grecque. Et pas davantage de la crise migratoire.
Qu'est-ce
qui a cloché?
Le
plus grave a été qu'on se focalise sur le marché au lieu de mettre
en valeur les grands choix politiques. Ensuite, ce qui a détruit
l'équilibre, c'est l'opacité de l'Europe institutionnelle. La
méthode Monnet voulait placer aux responsabilités réelles dans la
Communauté des gens très capables, très formés, sans
préoccupation électorale, débarrassés du souci immédiat des
opinions publiques. Or, au XXIe siècle, au temps de l'information en
continu et d'Internet, il est impossible de dérober au citoyen les
enjeux de son avenir. Il n'y a pas un Français sur 10000 qui sache
ce qui se prépare à Bruxelles, ce qu'on va y décider en son nom,
où et quand la décision sera prise. Seuls sont au courant les
initiés, gouvernants, fonctionnaires ou parlementaires. Les citoyens
sont tenus à l'écart.
Enfin,
c'est la prolifération réglementaire, avec des normes sur tout
sujet. On donne l'impression que l'Europe ne se préoccupe que de
l'accessoire, tout ce qu'on peut caricaturer, les moteurs de tondeuse
à gazon, les produits chimiques, la limitation du bruit des
aspirateurs...
Est-ce
pour en finir avec cette "prolifération administrative"
que vous proposez un
référendum en France?
Précisons.
J'ai été en désaccord profond, pendant la présidentielle de 2007,
avec l'idée que défendait Nicolas
Sarkozy de court-circuiter le "non" au référendum de
la Constitution européenne, en mai 2005, par un traité adopté par
le seul Parlement - qui deviendra le traité de Lisbonne. Pour moi,
quand on a demandé au peuple de trancher une question par
référendum, seule sa décision, dans les mêmes formes, peut
légitimer un autre chemin. Nicolas Sarkozy a choisi le traité, la
voie diplomatique et parlementaire, et les citoyens qui s'étaient
passionnés pour le débat de 2005 se sont sentis méprisés, floués,
trompés. C'est une blessure qui demeure dans les esprits.
Aujourd'hui,
on ne peut demander aux Français s'il faut rester ou partir, parce
qu'on n'a jamais défini ce que "rester" signifiait. Je
propose que l'on rédige un texte d'orientation clair, la feuille de
route, le mandat qui sera celui du nouveau gouvernement français, et
que l'on soumette ce mandat au vote des citoyens.
Qu'écririez-vous?
D'abord
une philosophie différente. Le rôle de l'Union, c'est de s'occuper
de l'essentiel, pas de l'accessoire, et de le faire avec les peuples
et pas sans eux. D'où un plan en trois points, simple et pratique:
d'abord recentrer, puis clarifier, enfin informer.
Recentrer?
Recentrer,
c'est rappeler que l'Europe politique doit se concentrer sur les
grands choix, à commencer par la sécurité, la protection de ses
frontières, les grands choix d'avenir, la stratégie commerciale
vis-à-vis du monde. La Chine se défend, les Etats-Unis se
prémunissent, il est légitime que nous nous posions la question de
la protection de nos intérêts vitaux, par exemple que nous osions
parler de politique industrielle; que nous organisions notre défense,
dans un monde si dangereux; que nous traitions des questions
monétaires. La
Banque centrale travaille très bien, mais elle doit des comptes
aux Européens. De même pour les grands sujets d'environnement, que
nous ne pouvons traiter qu'ensemble vis-à-vis du reste du monde.
Clarifier?
Clarifions
le champ d'action de l'Union. Je suis pour séparer nettement ce qui
est politique et ce qui est réglementaire. Quand Europe signifie
"normes", elle perd son sens et permet à Boris
Johnson de dire n'importe quoi sur Bruxelles
qui fixerait la courbure des bananes. Pour faire du commerce, il
faut respecter les mêmes règles, bien sûr, mais ces questions
doivent être séparées des compétences politiques majeures de
l'Union. Créons donc une agence de normalisation, installée
ailleurs qu'à Bruxelles, pour que les choses soient clairement
distinctes, comme on a installé la Banque centrale à Francfort.
Informer?
Le
plus crucial, et le plus facile, immédiatement réalisable, c'est
l'information des peuples: j'ai proposé que les institutions
européennes achètent chaque mois une page dans les journaux pour
exposer aux citoyens les sujets en débat, qu'ils sachent ce qui est
sur la table, où en sont les décisions, qui va les prendre et à
quelle date, et que les citoyens puissent interpeller leurs
représentants, comme ils le font dans leur pays. Pas besoin de
changer les traités pour cela.
Ensuite,
les Conseils de chefs d'Etat et de gouvernement, véritables lieux de
décision, doivent tenir une partie de leur travail, la plus
solennelle et importante, au grand jour, en public, à la télévision,
pour qu'on sache vraiment ce que défendent le chancelier allemand,
le président de la République française, le Premier ministre
italien, et que le débat quitte les murs des bunkers officiels. Si
les questions d'harmonisation fiscale étaient ainsi exposées, les
buralistes se passionneraient pour l'Europe!
Et
le social? Et l'éducation?
Le
social mérite harmonisation progressive. Mais l'éducation relève
des nations, car elle concerne leur identité, leur manière
originale d'envisager la culture et l'avenir.
Que
dire à ceux qui croient que la nation, c'est l'avenir?
Je
n'ai jamais compris l'opposition entre nation et Europe. Notre
nation, c'est notre communauté de destin. C'est le cadre dans lequel
nous nous déterminons. Mais le monde est tel que si nous nous y
lançons seuls, face aux géants planétaires, nous sommes condamnés
à nous noyer. Les grands ensembles sont une nécessité pour
survivre, et le Royaume-Uni va s'en apercevoir... Pour un pays comme
la France, appartenir à l'Union est une condition sine qua non de
l'influence et même de l'existence.
Y
a-t-il en Europe des alliés pour votre vision?
Je
suis persuadé que les partenaires seront là, à condition que la
vision existe! Depuis des années, la France est à la rue sur la
question européenne. Nicolas Sarkozy avait une grande énergie,
parfois désordonnée, mais il voulait diriger l'Europe lui-même,
commander et que les autres obéissent. Qui peut accepter d'être
mené par un voisin? Au mieux, pour lui, l'Europe était un
condominium franco-allemand, et il le faisait sentir, ce qui était
insupportable pour les autres pays. L'Europe, c'est une coopérative,
pas une féodalité.
C'est
une grande déception, car pour moi il était un Européen convaincu,
dans la lignée de Jacques Delors. Or, depuis quatre ans et demi, il
ne s'exprime pas sur la question. Je ne dis pas qu'il ne fait rien,
mais il n'expose jamais clairement une vision française. Comme la
France est absente, Angela Merkel, avec des raisons nobles et
d'autres moins, agit le plus souvent pour son propre compte. Quand
elle décide seule d'accueillir les migrants, quand elle négocie
seule la gestion de leurs flux avec la Turquie, elle manque à la
solidarité. C'est pourquoi il faut une capacité d'entraînement,
donc une vision française.
En
réveillant le rêve fédéral?
Attention
aux mots! Quand on dit "fédéral", les Français entendent
"effacement des nations", ce qui pour nous tous et d'abord
pour moi est inacceptable. Je préfère dire "coopératif",
comme en agriculture: chaque paysan garde son exploitation et son
identité, mais pour acheter des semences ou en produire, pour
attaquer le marché chinois, il faut se mettre ensemble. C'est la
coopérative. L'Europe est faite non pour estomper l'identité de ses
membres, mais pour affirmer un choix historique et même prophétique:
que les volontés nationales s'associent pour traiter des questions
planétaires - immigration, terrorisme, réchauffement climatique,
mondialisation...
Faut-il
changer les institutions européennes?
Disons
la vérité: la
Commission pose problème. Dans l'esprit de Monnet, elle
réunissait des spécialistes très informés, animés par le sens de
l'intérêt général, qui proposaient des idées. Or elle est
devenue un mélange d'hommes et de femmes politiques choisis
arbitrairement, qui entrent dans un collège aux compétences
inconnues des citoyens. Le plus souvent, leur nomination est pour les
commissaires un lot de consolation par rapport à leur carrière
nationale.
N'y
a-t-il pas un problème aussi avec le Conseil européen?
Oui.
Le Conseil devrait être un lieu central de la décision,
l'interlocuteur du Parlement européen. Encore faut-il que ce rôle
soit identifié par les citoyens. Or c'est le domaine du secret et de
la langue de bois. C'est insupportable!
Pour
reconfigurer l'Europe, ne faut-il pas en modifier le périmètre?
L'Europe
doit demeurer une unité, mais le temps est venu de distinguer ceux
qui veulent partager les grands choix politiques et ceux qui sont là
seulement pour faire du commerce. A ces derniers, il faut dire: "Ce
projet n'est pas le nôtre." Il y a un espace pour le commerce,
mais ce n'est pas la mission première de l'Union, surtout pas avec
une monnaie commune.
La
zone euro, périmètre idéal?
C'est
le plus évident. Et le plus disponible.
Combien
de chances accordez-vous à cette nouvelle Europe de voir le jour?
Cela
dépend de la présidentielle française. Elle sera le moment
crucial, aussi important que le référendum sur le Brexit. Car dans
l'Histoire, échecs ou succès, Communauté européenne de défense,
traité de Rome, Conseil, Parlement européen, serpent monétaire,
écu, marché unique, euro: le magistère de proposition a toujours
été exercé par les dirigeants de la France.
La
présidentielle ou la
primaire des Républicains?
Si
le vainqueur de cette compétition, dont je n'approuve pas le
principe, est en mesure de fédérer les énergies françaises, ce
sera oui. Sinon, la
présidentielle elle-même tranchera le noeud gordien. Je ne
laisserai pas enfermer ce choix vital entre trois impasses: celle de
l'extrême droite, mais aussi la double impasse à laquelle veulent
les ramener, contre l'avis des Français, François Hollande et
Nicolas Sarkozy. Ils sont d'ailleurs, on le voit, dans l'incapacité
de rassembler.
L'absence
de vision française de l'Europe vient aussi de l'affaiblissement des
centristes. Cette famille existe-t-elle encore?
Je
n'en doute pas. Elle a été victime de deux démons: le démon de la
division et le démon de la soumission. Mais elle existe, s'unira
forcément, et le plus tôt sera le mieux. Son influence se mesure
autour de 15%. Mais unifier ce grand courant ne suffira pas: il faut
aussi l'élargir, le rendre porteur de renouvellement civique, faire
surgir une génération nouvelle.
Le Monde n° 2202 :
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