samedi 5 août 2017

Combattre la Russie poutinienne 4. Kiev

Ukraine. Kiev
"L'Euro-Maïdan".  Ianoukovitch-le-pantin-de-Poutine. 
La révolution de la dignité. Son dénigrement par la propagande russe

Sur les événements de Maïdan, je recommande de lire le Journal de Maïdan, de Kourkov. Ce n'est pas un livre politique, ni un livre sur Poutine, mais le témoignage d'un homme habitant près de la place Maïdan. Il se trouve que ce kiévien est écrivain (auteur notamment du Pingouin) ; il nous livre ici un journal passionnant, nous faisant ressentir l'engrenage qui se met en place jour après jour.

Pour résumer les événements liés à la révolution ukrainienne, je dirais : 
1/ Ianoukovitch était sur le point de signer l'accord d'association avec l'Union européenne. Cet accord était prévu de longue date. Ianoukovitch s'était d'ailleurs fait élire en partie sur cette promesse.
2/ Se pliant aux désidératas de Poutine (lequel projette de fonder une Eurasie, qui serait une URSS 2.0), Ianoukovitch change d'avis une semaine avant la signature.
3/ En réaction, les premières manifestations apparaissent
4/ Ianoukovitch, plus ou moins téléguidé par le Kremlin, réprime brutalement les manifestations. L'engrenage est enclenché : affrontements violents, tirs de snipers, morts. Les manifestants sont hétéroclites (des nationalistes, des pro-UE...) , mais ont cela en commun qu'ils refusent les abus et trahisons d'un pouvoir brutal et corrompu. 
5/ Ianoukovitch s'enfuit en Russie avec ses proches et ses lingots d'or
6/ Cette révolution de la dignité aura coûté une centaine de morts, tombés place Maïdan
7/ La propagande poutinienne tourne à plein régime pour discréditer et dénigrer la révolution
8/ Un gouvernement provisoire est constitué
9/ Une période instable s'ensuit, qui sera utilisée par Poutine pour annexer la Crimée
10/ Noter que des russophones ont aussi donné leur vie au nom de la liberté et de la justice sur Maïdan, et que des juifs, des Tatars musulmans ou des chrétiens de toutes les confessions se sont rassemblés sur cette même place de l’Indépendance à Kiev pour chanter l’hymne ukrainien.


Témoignage à lire absolument
>>> La bouleversante histoire d'une photo en Ukraine : cet homme, c'est moi. J'ai vécu l'enfer. L'Obs, juin 2014



Entretien avec Ioulia Shukan  (TEPSIS




Entretien avec Antoine Arjakovsky , sur Diploweb :

P.V : A Kiev, beaucoup se réclament des « valeurs européennes ». Comme vous le savez, beaucoup des citoyens de l’Union européenne doutent de ces valeurs si l’on en croit leur abstention massive aux élections pour le Parlement européen. Qu’entend-on à Kiev par « valeurs européennes » ? En quoi l’Union européenne en est-elle – ou non – l’incarnation ?

A. A. : Les Ukrainiens sont bien informés, surtout à l’Ouest de Kiev, sur la réalité de l’Union européenne. Ils connaissent en particulier les difficultés économiques des Européens de l’Ouest. On estime à plus de 700 000 le nombre d’Ukrainiens vivant dans la seule Italie ! Aussi sont-ils au fait par exemple des difficultés qu’ont les Italiens à mettre en pratique à Lampedusa leurs discours sur les droits de l’homme. Mais l’important pour un peuple est d’avoir un horizon d’avenir qui soit juste et fondé sur la démocratie (ce que les Européens de l’Ouest continuent à soutenir malgré l’érosion de leur participation aux élections européennes). L’ex-président ukrainien Victor Yanoukovytch a provoqué la colère de son peuple en novembre 2013 parce qu’il a voulu mettre un terme à l’espérance collective des Ukrainiens de rejoindre un espace politique dont l’idéal juridique est la Convention européenne des droits de l’homme. En faisant bastonner, sur ordre de Moscou, le 30 novembre 2013 de jeunes manifestants pacifiques, il a réveillé la conscience européenne et chrétienne des Ukrainiens.

P. V. : Depuis le dernier trimestre 2013, quelles ont été les méthodes et les objectifs de la « guerre de l’information » au sujet de l’Ukraine ?

A.A. : Tout le chapitre 3 de mon livre est consacré à ce sujet. J’ai été très surpris cet hiver 2013-2014 que les médias occidentaux relayent sans discernement les informations des agences de presse russe. C’est la raison pour laquelle j’ai voulu réagir par mon livre et par quantité d’articles parus dans Le FigaroLe MondeLibérationLa CroixOuest France ou encore sur les plateaux télévisés.
Pourtant malgré tout ce travail d’information réalisé avec d’autres experts américains ou européens comme Timothy Snyder, Galia Ackerman ou Anne Applebaum, même après les élections présidentielles en Ukraine du 25 mai 2014, qui ont révélé contre la thèse martelée par les médias pro-russes d’une « révolution fasciste à Kiev » que 2% seulement des Ukrainiens soutenaient des partis extrémistes, les médias occidentaux ont continué à relayer les informations venant d’organes de presse russe.
Il aurait suffi pourtant que les journalistes et les experts occidentaux lisent un seul livre d’Anna Politkovskaïa, la journaliste russe assassinée en 2006, « Qu’ai-je fait ? » (Paris, Gallimard, 2008), pour comprendre que le système d’information en Russie repose entièrement sur les principes de la propagande et non pas sur ceux de l’information.

P. V. : Pourquoi le projet russe d’Union eurasiatique n’attire-t-il pas l’Ukraine ? Pourquoi préférez-vous un accord d’association avec l’Union européenne ? Les deux projets – Union eurasiatique et Union européenne – sont-ils incompatibles ? Pourquoi ?

A. A. : Les Ukrainiens depuis vingt ans ont souhaité tenir ensemble leur attachement à la civilisation européenne et leurs affinités historiques avec la Russie. Mais Vladimir Poutine a voulu que cela cesse en raison de son projet de constitution d’une Union eurasiatique en janvier 2015, Union eurasiatique pensée comme un contre-modèle huntingtonien à la civilisation décadente de l’Occident. C’est la raison pour laquelle il a engagé en août 2013 une guerre douanière avec l’Ukraine pour éviter que celle-ci signe le traité d’association avec l’Union européenne. Pour lui le rapprochement à ses frontières de la civilisation occidentale (qu’il associe à tort ou à raison avec l’OTAN) est intolérable car il considère que si l’UE levait ses barrières douanières en matière commerciale et de visa avec l’Ukraine, la Russie perdrait son leadership et sa liberté. Elle ne serait plus en mesure de créer un marché concurrent à celui des 506 millions d’habitants de l’UE.

P. V. : Avez-vous des preuves de l’action de services secrets étrangers (russes, mais aussi américains, voire polonais, etc.) en Ukraine ?

A. A. : Les services secrets européens, américains et russes sont tous présents en Ukraine. Mais il faut ici encore faire preuve de discernement « logique » par rapport à tous les « mythes » sur le rôle des services secrets occidentaux dans le déclenchement de la révolution orange en 2004 ou de la révolution de la dignité en 2013. Comment sincèrement croire que les révoltes ukrainiennes aient pu être téléguidées de Paris ou de New York alors qu’elles ont mobilisé à chaque fois des millions d’Ukrainiens pendant des mois, sous la neige, prêts à risquer leur vie ? Les Russes ont voulu financer une manifestation pro-Yanoukovytch au mois de janvier 2014. Elle a duré une demi-journée et on a su immédiatement combien de grivnas (monnaie ukrainienne) les manifestants avaient été payés ! Je trouve ridicules les médias occidentaux qui se permettent de donner du crédit à de tels scénarios. En revanche la découverte des archives du président Yanoukovytch à Mejguirie, les communications interceptés entre les mercenaires russes et tchétchènes en Ukraine avec les services secrets de l’armée russe, ou encore les armes laissées par les terroristes russes à Sloviansk, ont révélé de façon tangible les liens étroits entre le précédent régime ukrainien et le Kremlin. Toutes ces preuves ont été publiées dans la presse ukrainienne.

P. V. : Quels sont les pays de l’OTAN et / ou de l’UE qui apportent à l’Ukraine de la « révolution de la dignité » le soutien le plus franc ? A l’inverse, quels sont les pays les plus réservés, voire ceux qui seraient prêts à jouer les « idiots utiles » du Kremlin ?

A. A. : D’une façon générale il n’y a que dix pays au sein de l’assemblée des Nations Unies qui aient soutenu la Russie sur l’annexion de la Crimée, des pays comme l’Ouganda ou la Corée du Nord.
De même au printemps dernier l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a été très claire dans sa condamnation du régime de Poutine en excluant la Russie de tous ses organes décisionnels. Cela dit il y a un rapport évident entre l’indépendance énergétique et la liberté politique. Les Américains sont les plus clairs dans leur soutien au nouveau gouvernement ukrainien. Tandis que le gouvernement serbe a clairement affirmé le 6 juillet 2014 qu’en « raison de sa dépendance énergétique » il s’opposait à toute sanction à l’égard de la Russie. Et pourtant des pays comme la Pologne ou les pays Baltes savent qu’il vaut mieux trouver des alternatives au gaz russe que de céder sur la question du soutien à l’Ukraine, quitte à être moins bien chauffé durant l’hiver 2014-2015. Pour eux le combat des Ukrainiens est un combat pour l’avenir de l’Europe, pour l’avenir du modèle européen, pour l’avenir de valeurs comme la justice, la liberté et la vérité. Il est heureux que les Britanniques, malgré leur euro-scepticisme, soient très clairs également sur ce point. Leur combat contre le fascisme dans les années 1930-40 les a instruit qu’il vaut mieux être très honnête aujourd’hui, même si c’est douloureux, que victime demain.
Copyright Juillet 2014- Arjakovsky-Verluise/Diploweb.com 

>>> L'enjeu principal, dans l'euromaïdan, au delà des divers groupes de contestataires (des purs nationalistes aux partisans de l'UE), est assez simple.  C'est la manifestation /la volonté de se rapprocher de cette grande famille des nations européennes qui, en dépit de toutes ses faiblesses, pose au-dessus de toute loi la défense et la dignité de chaque personne humaine. (p 119, arjakovski)

 

Les morts de Maïdan

>>> Ukraine: Kiev accuse Moscou d'être à l'origine des tueries de Maïdan, RFI, avril 2014


>>> Ukraine: Kiev accuse les services secrets russes, les Européens réunis à Athènes, Ladepeche, avril 2014

>>> L'Ukraine rend hommage aux héros de Centurie Céleste, Ukrinform, février 2017
>>> Un an après le sacrifice des héros ukrainiens, Lacroix, mars 2015


Un idéal européen
>>> Les leçons de Kiev , par José Bové et Rebecca Harms (déc 2013, LeMonde)



A lire :
>>> Ukraine-Russie, de la guerre à la paix ? , d'Antoine Arjakovsky
>>> Journal de Maïdan, d’Andreï Kourkov. Dans son nouveau livre, il raconte ce qu’il a vu à Kiev entre novembre 2013 et fin avril 2014. Le témoignage d’un écrivain qui vit, avec femme et enfants, à quelques centaines de mètres du Maïdan FranceTVinfo
>>> Génération Maïdan. Vivre la crise ukrainienne, Ioulia Shukan
>>> Ukraine. le réveil d'une nation , Alain Guillemoles





















Un excellent documentaire :









Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire