Lorsque,
par hasard, Poutine entend le mot culture, sortirait-il son
revolver ?
Hum...
Pas sûr. Car le revolver (ou la carabine) qu'il aime tant exhiber
lorsque, fier comme un paon, il pose pour ses séances photos
ridicules
, n'est qu'un accessoire parmi bien d'autres de sa panoplie de
superman. Il peut sortir, aussi, le couteau. Comme celui qu'il offre,
le 31 décembre 1999, aux soldats russes qui commettent tant de
crimes en Tchétchénie (SciencePo)
Le
couteau, d'ailleurs, il n'y a rien de mieux pour dépecer. Et en
matière de dépeçage, Poutine en connaît un rayon, lui qui a
entreprit de dépecer l'Ukraine, après s'être occupé de la Géorgie
et de la Tchétchénie.
Finalement,
lorsqu'il entend le mot culture, il préférera sortir son long
couteau, mieux adapté. Car ladite culture, il ne s'agit pas tant de
la flinguer que d'en découper les parties déplaisantes (le
découpage, cela peut être la censure, le dénigrement, les procès
truqués, le licenciement). Des exemples ?
-
Une écrivaine, prix Nobel de littérature 2015. Dénigrée. (1)
-
Un historien, professeur au MGIMO, l'un des premiers intellectuels
qui s'est prononcé contre l'annexion de la Crimée ? Licencié
(2)
-
Un film hollywoodien, Enfant 44 ? Dénigré, puis censuré et
interdit. (3)
-
Un livre de deux historiens évoque les crimes
commis par l'Armée rouge ? Interdit. (4)
-
Un historien qui enquête sur le goulag ? Emprisonné. (5)
-
un groupe de jeunes chanteuses punk critiquant le Kremlin ?
Emprisonnées. (6)
-
Une romancière, critique du régime ? Agressée (7)
-
Un cinéaste critiquant la pression de plus en plus forte exercée
par le pouvoir sur la création artistique ? Arrêté. (8)
-
La science n'est pas en reste. Un peu trop indépendante ? Mise
sous contrôle. (9)
(1) Svetlana Alexievitch, le Nobel qui fait enrager la Russie.
«J'aime
le monde russe, bon et humaniste, devant lequel tout le monde
s'incline, celui du ballet, de la musique et de la littérature. Mais
je n'aime pas celui de Béria, Staline, Poutine et Choïgou (le
ministre russe de la Défense),
cette Russie qui en arrive à 86% à se réjouir quand des gens
meurent dans le Donbass, à rire des Ukrainiens et à croire qu'on
peut tout régler par la force.» Cette
déclaration date du 8 octobre 2015, et Svetlana Alexievitch a appelé
le même jour à «ne
pas faire de concessions à un régime totalitaire».
L'auteure
biélorusse, qui écrit en russe et a des racines ukrainiennes,
venait de recevoir le prix Nobel de littérature 2015. Ce prix et ces
paroles ne sont pas du goût de tout le monde en Russie. Geopolis
Andreï
Zoubov est
un historien russe, un des premiers intellectuels qui s’est
prononcé contre l’annexion de la Crimée par la Russie. Professeur
au MGIMO (l'Institut
d'État des relations internationales de Moscou),
il en a été licencié le 1er juillet 2014 pour ses opinions
opposées à celles du Kremlin.
Le
journal suisse Le Temps avait publié un entretien avec ce professeur
antérieurement à l'abatage du vol MH17. LeTemps
(3) Enfant 44 : un thriller hollywoodien se déroulant dans l'URSS de Staline, et qui déplaît au gouvernement russe. Le film sera censuré et interdit. (Yahoo) Auparavant, il aura bien entendu fait l'objet d'un sévère dénigrement : la revue « Kultura », financée par l'Etat et dirigée par un proche de Vladimir Poutine, avait déjà publié une critique au vitriol du film sur son site Internet, intitulée « 44 Nuances de dégoût ». LeParisien
(4)
Russie : une région bannit les livres de deux historiens
britanniques pour propagande nazie.
Moscou
- Les autorités d'une région russe dans l'Oural ont exigé des
bibliothèques qu'elles retirent de leurs rayons les livres des
historiens britanniques de la Seconde Guerre mondiale John Keegan et
Antony Beevor, accusés de propagande nazie, a annoncé mercredi une
porte-parole de l'administration régionale. Romandie
Rappelons
qu'en Russie, on n'a pas le droit de dire du mal de l'URSS. Si
l'on dit du mal de l'URSS ou du communisme, ou de l'Armée rouge,
c'est qu'on est nazi. Et si l'on est estimé nazi par la bande de
mafieux poutiniens, on est interdit de publication. C'est ce qui est
arrivé aux historiens britanniques John Keegan et Antony Beevor
(5)
En Russie, un historien en prison pour avoir enquêté sur le
goulag LaCroix
(7)
La romancière Ludmila Oulitskaïa aux prises avec le
pouvoir russe (LeFigaro
)
a été agressée
à Moscou par des militants nationalistes (LeMonde )
(8)
Russie
: le cinéaste Kirill Serebrennikov arrêté. Depuis
plusieurs mois, le metteur en scène russe Kirill Serebrennikov est
dans le collimateur du gouvernement russe. Accusé de fraude
"massive", l'artiste a été interpellé
à Saint-Pétersbourg dans la nuit du 21 au 22 août. (…) Sans
être un opposant affiché au Kremlin, cet homme de théâtre a
critiqué la pression de plus en plus forte exercée par le pouvoir
sur la création artistique, la comparant aux "pratiques
soviétiques les plus pathétiques". L'Obs
(9)
Russie
: la science confuse. A
l'initiative de Vladimir Poutine, la vénérable Académie des
sciences a perdu le contrôle de ses instituts de recherche et de ses
laboratoires, ce qui met en émoi toute la communauté scientifique.
Lemonde
. Comme Staline avant lui, Poutine mélange politique et
pseudoscience (Slate)
Combattre
le poutinisme, c'est s'appuyer sur la culture (Littérature,
histoire, cinéma, musique, télévision...).
Exemple :
Occupied, la série qui offusque la Russie
Télérama
Exemple :
Un essai, Les autres visages de la Russie – Artistes, militants,
journalistes, citoyens... face à l'arbitraire du pouvoir
(éditions
Les
petits matins)
C'est
aussi, évidemment, et contrairement à ce que cherche à faire
poutine, distinguer russes et Russie du pouvoir actuel (et éphémère).
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