Navalny et plusieurs de ses alliés interpellés à son arrivée à Moscou HP
L’opposant russe, jusqu’ici en convalescence en Allemagne, a été interpellé dès son arrivée à l’aéroport de Moscou. « Il est détenu illégalement », a dénoncé le Fonds de lutte contre la corruption, l’organisation de l’opposant. (Lemonde)
>>> JAN2021 Alexeï Navalny et le nouvel avatar russe de la post-vérité
Le Kremlin est passé maître dans l’art d’utiliser le ricanement comme un instrument d’effacement des faits au moins aussi efficace que la censure.
Analyse. Interrogé après l’arrestation d’Alexeï Navalny, le 17 janvier, et le rocambolesque déroutage de son avion, Dmitri Peskov, le porte-parole du Kremlin, haussait les sourcils : « Pardon ? Navalny a été arrêté… en Allemagne ! ? Je ne suis pas au courant… » La réponse, livrée comme une performance de stand-up, n’a rien à voir avec les habituels démentis compassés du porte-parole. Le message est clair : le sort du principal opposant russe, empoisonné cinq mois plus tôt, ne mérite guère plus qu’un sarcasme.
Au même moment, à l’aéroport de Vnoukovo, où M. Navalny était initialement attendu, ses partisans sont maintenus hors du terminal par la police, certains arrêtés. A l’inverse, des « fans » d’une vedette de la télé-réalité, dont certains reconnaissent qu’ils ont été payés, sont autorisés à y manifester bruyamment. L’objectif est le même : la réception de l’opposant ne peut pas être un moment historique, ni même digne, mais seulement une farce.
Le ricanement et le trolling se sont depuis longtemps échappés des réseaux sociaux pour investir la « vraie vie ». La scène politique russe a toujours eu ses clowns. Et l’arme principale, face aux contestations, reste la répression et son corollaire, la peur.
Mais il est ici question d’autre chose : d’une stratégie délibérée de l’Etat russe pour jeter le discrédit sur tout discours dérangeant, d’une façon d’utiliser le ricanement comme instrument d’effacement des faits au moins aussi efficace que la censure.
La farce permanente
La Russie fut un précurseur de la « post-vérité », un concept qui allait trouver sa reconnaissance lorsque la Maison Blanche commencerait à parler de « faits alternatifs ». En 2014, Peter Pomerantsev, excellent connaisseur de la Russie poutinienne, résumait de manière limpide, en titre de son essai, cette stratégie d’effacement de la réalité : Rien n’est vrai tout est possible.
Le Monde (suite réservée aux abonnés)
>>> JAN2021 Ioulia Navalnaïa, épouse et fidèle soutien d’Alexeï Navalny, désormais en première ligne. PORTRAIT - Depuis que l’opposant est emprisonné, sa femme focalise les regards et aiguise les attentes. LeFigaro
>>> MARS2021 Alexeï Navalny: plongée dans l’enfer de la «colonie correctionnelle numéro 2»
RÉCIT - Le principal opposant au Kremlin vient d’être incarcéré dans l’une des prisons les plus sévères du pays.
C’est un endroit terrible et inhumain. «Une machine à briser les détenus», selon les témoignages de ceux qui y sont passés et ont été marqués à vie. Alexeï Navalny est incarcéré depuis samedi dernier dans la «colonie correctionnelle numéro 2» (izpravitelnaya kolonia 2, ou IK-2), à Pokrov, dans la région de Vladimir, à cent kilomètres au nord-est de Moscou. L’opposant numéro un du Kremlin doit y purger une peine de deux ans et demi de prison pour non-respect du contrôle judiciaire dans le cadre d’une condamnation avec sursis pour fraude dont il avait écopé en 2014. Le 27 décembre dernier, le juge moscovite lui avait fait parvenir une convocation… pour le lendemain. Navalny se trouvait alors encore en Allemagne, où il achevait sa convalescence après avoir été victime d’une tentative d’empoisonnement, l’été dernier. Tentative que le renseignement américain a imputée mardi à Moscou et pour laquelle Washington a annoncé ses sanctions contre sept hauts responsables russes
>>> MARS2021 La faute d’Amnesty International envers Alexeï Navalny
CHRONIQUE. Alors que son opposition à Vladimir Poutine vaut à Alexeï Navalny d’être envoyé en colonie pénitentiaire, l’organisation de défense des droits de l’homme a retiré son nom de sa liste des « prisonniers de conscience ». Ce pourrait bien être une erreur historique.Alors qu’après ses condamnations à des peines de prison ferme, l’opposant russe Alexeï Navalny s’apprêtait à être envoyé en colonie pénitentiaire, ce lointain héritage du goulag soviétique, une décision d’Amnesty International faisait l’effet d’une bombe. La célèbre l’organisation de défense des droits de l’homme, prix Nobel de la paix, décidait de retirer Navalny de sa liste des « prisonniers de conscience ». L’affaire mérite qu’on s’y arrête.
Amnesty a indiqué avoir pris sa décision controversée en réponse à de très nombreux messages et courriers s’indignant de déclarations passées d’Alexeï Navalny, révélant des penchants nationalistes et racistes. Il est incontestable qu’Alexeï Navalny a eu un passé ultranationaliste et a proféré des horreurs sur les Tchétchènes et d’autres peuples « non-russes » de Russie. Tout portrait de Navalny qui se respecte y a fait référence : « l’Obs » notamment, début février, qui évoque ses « dérapages verbaux » et ses « embardées démagogiques ». C’était en 2007, lorsque Navalny s’affichait avec l’écrivain ultranationaliste Zakhar Prilepine et était expulsé du parti libéral Iabloko pour ses dérives nationalistes.
>>> AVRIL2021 « Si quelque chose arrive à Navalny, la Russie franchira la ligne rouge », selon le Prix Nobel de physique 2010. Pour Andre Geim la situation actuelle de l’opposition en Russie est pire que celle des dissidents à la fin de l’URSS.
Le Prix Nobel de physique 2010 Andre Geim, Néerlandais lui-même d’origine russe, est à l’initiative d’une lettre ouverte, signée par mille scientifiques russophones du monde entier, demandant la fin des persécutions contre l’opposant russe Alexeï Navalny. Il répond aux questions du Monde.
Que représentent pour vous le combat et le sort d’Alexeï Navalny ?Je n’ai jamais rencontré Navalny, et je ne connais pas grand-chose de son programme politique, si ce n’est la lutte contre la corruption.
Mais la situation est extrêmement préoccupante pour moi et, je crois, pour la France, l’Europe et le monde entier. Si Alexeï Navalny est tué ou trouve la mort en prison – d’une manière ou d’une autre –, la Russie franchirait la ligne rouge. Tous les incidents de la dictature en devenir (l’utilisation du poison Novitchok, les meurtres de Londres, etc.) peuvent encore être attribués à des fanatiques de Poutine. Mais si quelque chose arrive maintenant à Navalny, c’est un tournant pour le président Vladimir Poutine. Il ne pourra plus se cacher derrière ses lieutenants. C’est comme avec un criminel qui, dans la plupart des cas, hésiterait à commettre son premier meurtre. Après, la récidive devient plus facile et on devient un tueur en série.
Si quelque chose arrive à Alexey Navalny, les dirigeants russes franchiront clairement cette ligne rouge de la moralité humaine et entreront dans la phase du bezpredel, un mot russe unique signifiant « sans limites », décrivant un Etat où le comportement pervers est toléré par la société. Il n’y a pas de retour en arrière.
Voyez-vous un parallèle entre la situation de Navalny et celle des dissidents de l’ère soviétique ?
C’est la chose la plus inquiétante. Beaucoup de gens en Russie considèrent Poutine comme un nouveau tsar et s’en contentent. Les tsars apportent de la stabilité et sont souvent plus intelligents que certains dirigeants populistes. Les Russes pensent qu’ils peuvent vivre heureux sans démocratie et même sous une dictature. Bien sûr, ils connaissent tous Staline mais pensent que Staline était un méchant dès le départ. C’est une grave erreur. C’est le pouvoir absolu qui a progressivement corrompu l’individu en faisant de lui le Staline tel qu’on le connaît maintenant. Les Soviétiques ont toléré l’accumulation progressive d’atrocités jusqu’à ce qu’il soit trop tard et qu’ils en deviennent les victimes. Malheureusement, la situation actuelle semble pire qu’à la fin de l’URSS. Sous Khrouchtchev et Brejnev, les dissidents ont été persécutés mais n’étaient ni empoisonnés ni tués en douce. C’était un progrès par rapport à l’ère Staline. Maintenant, nous retournons en arrière.
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