vendredi 11 août 2023

Finlande

>>> 08/03/2024 Clôtures hypersécurisées, gardes-frontières… Comment la Finlande surveille ses 1.300 km de frontière avec la Russie Challenges

>>> 26/01/2024 Face à Poutine, la Finlande aspire à un président qui fera rempart Challenges

>>> Finlande: un nouveau «rideau de fer» sur l'Europe. C’est l’une des conséquences de l’invasion russe de l’Ukraine : des murs se dressent un peu partout aux frontières à l'Est : en Lituanie, en Lettonie, en Estonie, en Pologne et en Finlande qui partage la plus longue frontière d’Europe avec la Russie. Helsinki redoute l’envoi de migrants par Moscou à ses frontières. Une clôture est donc érigée aux points les plus sensibles. Les premiers kilomètres de grillage ont été érigés dans le sud-est en Carélie du Sud.  RFI 

Logique et prévisible. Ceux qui lisent mon blog depuis le début verront que tout ce qui arrive n'est que la conséquence de l'inaction européenne des années 2013 2014 (inaction en Syrien, inaction avec l'annexion de la Crimée puis du Donbass, inaction lors de la révolution de Maïdan, inaction aussi contre les flux migratoires, inaction avec l'annexion d'une partie de la Géorgie...). On rattrape maintenant - mais en en payant le prix fort - ce qui n'a pas été fait, et que l'on aurait pu anticiper, si l'on avait eu des dirigeants dignes de ce nom

>>> COMMENT L'UKRAINE A TRANSFORME SES VOISINS (1/5) - En tournant le dos à Moscou depuis le début de la guerre en Ukraine, Helsinki écrit une toute nouvelle page de son histoire. Résolument européen, tout récemment membre de l'Otan, le pays est en train de rompre ses liens avec la Russie, et souhaite désormais, après avoir longtemps regardé vers l'est, approfondir ses relations avec les pays occidentaux, notamment les Etats-Unis.

Il devait y avoir un train, il y aura bientôt un mur. Depuis le poste frontière d'Imatra, petite ville finlandaise sur les rives du lac Saimaa, le capitaine Antti Kukkonen pointe du doigt les poteaux de fer et les barbelés qui commencent à être installés au milieu des sapins de la Carélie du Sud, région à cheval entre la Russie et la Finlande. « Cette nouvelle barrière nous permettra de mieux contrôler notre frontière, d'éviter toute tentative de déstabilisation migratoire de la part des Russes et de préserver notre intégrité territoriale. »

Le jeune garde-frontière ne cesse de regarder les notes prises sur son cahier, ses mots sont pesés, choisis, certainement validés auparavant par sa hiérarchie. La Russie vient de fermer quelques jours plus tôt le consulat général de Finlande à Saint-Pétersbourg, 9 diplomates ont été renvoyés chez eux. Les deux pays sont à couteaux tirés, hors de question de risquer le moindre faux pas diplomatique.

En 2026, le dernier mur d'Europe séparera les deux alliés d'hier sur plus de 200 kilomètres et 3 mètres de haut, le long de ce qui est désormais la plus grande zone de contact entre la Russie de Vladimir Poutine, et l'Otan du monde occidental .

Tentatives d'espionnage

La frontière finlandaise est fermée aux Russes munis d'un visa touristique depuis le mois de septembre, « avant la guerre et la pandémie, les files d'attente s'étalaient sur plus d'un kilomètre, aujourd'hui nous n'avons que 200 voitures par jour, des binationaux en majorité ou des Finlandais qui veulent faire le plein d'essence », détaille le capitaine Kukkonen. Le matin même, les restrictions se sont encore alourdies. « Les Russes ne peuvent plus transiter par la Finlande pour se rendre dans un autre pays, poursuit-il, et ceux qui ont une maison de vacances côté finlandais doivent être propriétaires depuis plus d'un an et prouver l'urgence de leur visite. » 

Si la présence d'espions russes n'est pas une nouveauté, elle prend évidemment une tout autre dimension en période de guerre. Helsinki se barricade face à la menace. En juin, plusieurs diplomates russes ont été expulsés pour leurs activités de « renseignement ».

A quelques kilomètres du poste frontière, dans le centre-ville d'Imatra, l'accent slave a déserté les rues et les rayons des centres commerciaux. Le long de la frontière russo-finlandaise, des hôtels, des supermarchés et des restaurants qui promettent encore poissons et caviar sont définitivement fermés. A Vaalima, une barrière rouge et blanche empêche désormais les voitures d'entrer sur le parking du Zsar Outlet Village, immense complexe destiné à de riches clients russes, qui accueillait il y a encore quelques mois une vingtaine d'enseignes de luxe. A l'intérieur, tout est vide.

Un peu plus au nord, le maire adjoint de Lappeenranta évalue les pertes liées à la chute du nombre de touristes russes dans la région à 300 millions d'euros. « Avant ils étaient 8 millions chaque année, en 2022 et 2023 ils n'étaient pas plus de 10.000 », constate Tuomo Sallinen. L'industrie forestière est l'autre secteur frappé de plein fouet par la guerre, la Russie n'envoie plus de bois, l'usine de Kotka a fermé à la fin du mois de juin : 250 personnes ont perdu leur emploi.

Un siècle de surveillance

Au sud-est du pays un peu plus qu'ailleurs, le choc de la guerre a changé le paysage et le quotidien des Finlandais. Malgré les conséquences économiques immédiates pour la région, il n'a jamais été question de conserver les relations d'antan. A Lappeenranta, la ville a cessé tout jumelage avec les municipalités russes, le drapeau jaune et bleu flotte depuis le premier jour de la guerre sur le fronton de la mairie, et pendant des mois, les haut-parleurs ont diffusé l'hymne ukrainien chaque soir à 19 h 30.

« Cela fait cent ans que l'on surveille les activités de la Russie et que l'on a des gardes à la frontière », affirme Pekka Toveri, ancien chef du renseignement des forces armées finlandaises, assis dans son nouveau fauteuil de député au Parlement d'Helsinki. En avril, aux dernières élections législatives, 7 anciens militaires ont été élus par les Finlandais, signe que depuis la guerre selon lui, les citoyens ont besoin de sécurité et qu'ils restent très vigilants quant aux intentions de leur voisin.

En Finlande, tout le monde est prêt à défendre son pays, même les plus grands sportifs comme Lauri Markkanen, star de la NBA aux Etats-Unis, appelé en avril, et respecte le devoir d'effectuer son service militaire. « Nous connaissons très bien les Russes. Le monde entier aussi désormais », lance Pekka Toveri, l'air grave.

La guerre d'Hiver a laissé des traces. En 1939, l'armée rouge emmenée par Joseph Staline envahissait la Finlande, en la privant d'un dixième de son territoire, et menaçant son indépendance acquise vingt-deux ans plus tôt. De nombreux Finlandais ont perdu un père, un grand-père, un oncle, dans cet affrontement.

La méfiance n'a jamais cessé depuis et même si les deux pays ont longtemps été partenaires, économiques notamment, nombreux sont ceux qui, comme Kari Liuhto, professeur à l'Université de Turku et spécialiste de la Russie, parlent de relations « contraintes » par leur voisin soviétique, en échange d'une paix précaire. Aujourd'hui, « les masques tombent », la déclaration est signée Sauli Niinistö, le président finlandais, au lendemain de l'offensive russe en Ukraine.

Rupture définitive

« Il n'y aura pas de retour en arrière, les entreprises finlandaises ne retourneront pas en Russie. » Du bureau de Lauri Veijalainen, la vue est imprenable sur le port d'Helsinki. Un bateau de croisière vient d'accoster pour la nuit. Depuis la guerre en Ukraine, les touristes allemands et américains ont remplacé les Russes et les Asiatiques, mais la clientèle est 6 fois moins importante qu'en 2019.

Le PDG du groupe East Office of Finnish Industries, qui conseille 16 des plus grandes entreprises finlandaises dans leurs activités sur les marchés russes et ukrainiens, évoque d'emblée un mouvement d'opinion massif contre la Russie au déclenchement de la guerre. « Les entreprises finlandaises sont très vite parties, par conviction mais aussi parce qu'elles savaient qu'elles risquaient un boycott presque unanime de la population. »

Sur 55 entreprises, 49 ont arrêté ou suspendu leurs activités en Russie, selon la liste établie par l'université de Yale. Des départs douloureux, humainement d'abord, financièrement ensuite, « les filiales occidentales, dont finlandaises, ont généralement perdu 60 % de leur valeur à la revente, quand elles n'ont pas été confisquées par les autorités russes. » Ces nationalisations forcées empêchent aujourd'hui certaines entreprises finlandaises qui refusent de tout perdre de quitter le territoire russe. Mais plusieurs d'entre elles ont déjà perdu ce jeu de dupe administratif.

La guerre en Ukraine a […] accéléré notre transition écologique.

Meri Obstbaum Economiste à la Banque de Finlande

Le commerce extérieur de la Finlande avec la Russie a baissé de 82 % depuis le début de la guerre en Ukraine. D'année en année, Helsinki s'est efforcé de réduire sa dépendance à Moscou, mais « en perdant aujourd'hui toute la partie est de notre commerce transfrontalier, nous sommes pratiquement devenus une île », souligne Meri Obstbaum, économiste à la Banque de Finlande. « Nous avons réussi à trouver des alternatives énergétiques à l'arrêt total des exportations russes. Nous sommes aujourd'hui presque autosuffisants grâce aux éoliennes et au nucléaire. La guerre en Ukraine a en ce sens accéléré notre transition écologique. »

Le pétrole brut est désormais importé de Norvège. Toutes les exportations de produits fabriqués dans les secteurs de la chimie, du transport ou des machines-outils ayant cessé, l'industrie cherche de nouveaux marchés dans les pays du Nord et en Europe centrale.

 

Avant la guerre, Nokyan Tyres of Finland fabriquait 80 % de ses pneus en Russie et y réalisait 20 % de ses ventes. Après avoir perdu des milliards d'euros, et finalement pris la décision de quitter la Russie, l'entreprise a augmenté ses capacités de production en Finlande et aux Etats-Unis, afin de remplacer sa « gigafactory » russe, elle est en train d'investir 650 millions d'euros dans la construction d'une usine en Roumanie. « Les exportations finlandaises ont ralenti à cause de la guerre, il va falloir du temps pour qu'elles trouvent et sécurisent de nouveaux marchés », prévient Meri Obstbaum.

Les yeux rivés vers les Etats-Unis

S'affranchir de l'Est, se rapprocher de l'Ouest, la récente adhésion du pays à l'Otan, en avril, a marqué la dernière étape d'une totale intégration occidentale, à en croire Elina Valtonen, la ministre des Affaires étrangères finlandaises.

« Même avant de devenir membre de l'Otan, nous ne nous considérions pas comme un pays non aligné, nous sommes membre de l'Union européenne depuis 1995 », nous confiait la ministre, avant de rejoindre Vilnius pour le sommet de l'Otan et de recevoir ensuite le président américain, Joe Biden, quelques jours plus tard. « Être dans l'Otan, nous ouvre des portes. Cela va nous permettre notamment de nouer de nouvelles alliances, de renforcer notre secteur de défense, notre secteur technologique et d'approfondir notre relation avec les Etats-Unis. »

La visite de Joe Biden est historique, selon Kari Liuhto, professeur à l'Université de Turku et spécialiste de la Russie, elle témoigne de la volonté de Joe Biden de vouloir montrer à la Russie que la Finlande est désormais totalement passée à l'Ouest. « Dans nos récits historiques, la Finlande signifie littéralement la fin du pays, la fin du monde, glisse Kari Liuhto, il y a un proverbe latin qui dit que notre nom porte en lui notre destinée, nous sommes aujourd'hui effectivement le dernier des pays de l'Ouest, la fin du monde occidental. »

Pauline Jacot, Les Echos

 

 

 

 

 

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