vendredi 2 janvier 2015

Le pape François

Spiritualité
Le pape François
 la laïcité en France, le vide culturel et l'invasion arabe de l'Europe

« La France doit devenir un Etat plus laïque », a estimé le pape François, dans un entretien avec des catholiques de gauche français, rapporté, mercredi 2 mars, par l’hebdomadaire La Vie« Votre laïcité est incomplète », a estimé le souverain pontife, affirmant que la laïcité française « résulte parfois trop de la philosophie des Lumières, pour laquelle les religions étaient une sous-culture ». « La France n’a pas encore réussi à dépasser cet héritage », a jugé Jorge Bergoglio.

Malgré tout, le concept de laïcité introduit dans la démocratie française est « sain », a jugé le pape, car, « de nos jours, un Etat se doit d’être laïque ».
Avant d’ajouter :
« Une laïcité saine comprend une ouverture à toutes les formes de transcendance, selon les différentes traditions religieuses et philosophiques. La recherche de la transcendance n’est pas seulement un fait, mais un droit. »
Le pape a aussi dénoncé le « poison » des idéologies. « On a le droit d’être de gauche ou de droite. Mais l’idéologie, elle, ôte la liberté », a-t-il expliqué à l’occasion d’un entretien avec une délégation des Poissons roses, mouvement politique d’inspiration chrétienne affilié au Parti socialiste (PS).
« Alors que les catholiques français sont de plus en plus marqués à droite, c’est une forme de réhabilitation des catholiques de gauche, qui étaient personnae non gratae au Vatican depuis des décennies », a souligné au Monde Jean-Pierre Denis, directeur de la rédaction de La Vie, présent lors de l’entretien.

Une « invasion arabe » de l’Europe ?

Interrogé sur sa vision de l’avenir de l’Europe et de son identité, le pape a estimé qu’« on peut parler aujourd’hui d’invasion arabe ». « C’est un fait social », a estimé François, avant de relativiser toutefois les discours extrémistes :
« Combien d’invasions l’Europe a connu tout au long de son histoire ! Elle a toujours su se surmonter elle-même, aller de l’avant pour se trouver ensuite comme agrandie par l’échange entre les cultures. »
Face à la polémique déclenchée par ces propos, sortis de leur contexte, Jean-Pierre Denis a toutefois contredit le fait que « le pape appelle au choc des civilisations. » « Tout l’entretien dit le contraire. Pour lui, avec l’islam, il n’y a qu’une solution, c’est le dialogue. Aucun de ses discours ne prête à la moindre confusion », souligne-t-il.
Le souverain pontife a reconnu malgré tout qu’il manquait de personnes pour porter ce discours politique : « Parfois je me demande où vous trouverez un Schuman ou un Adenauer, ces grands fondateurs de l’Union européenne. »
« On confond la politique avec des arrangements de circonstance. Bien sûr il faut aller à la table de négociation, mais seulement si l’on est conscient qu’il faut perdre quelque chose pour que tout le monde gagne. »
Le pape François, dont le voyage en France annoncé dès l’an dernier n’a pas encore été programmé, a par ailleurs avoué mal connaître la réalité française : « Je suis allé seulement trois fois en France. […] Je ne connais donc pas votre pays. Je dirais qu’il exerce une certaine séduction. […] Dans tous les cas, la France a une très forte vocation humaniste. »





Le pape François contre le vide culturel de l'Europe

Dans un entretien à La Vie, le pape François a estimé que l'Europe s'affaiblissait et risquait de devenir «un lieu vide». Louis Manaranche estime que, devant la destruction culturelle que le Vieux Continent a subie, rebâtir sera difficile mais nécessaire.
«Un lieu vide»… Voilà une description de l'Europe qui ne s'encombre pas de précautions oratoires. Aux yeux du pape, c'est ce que devient notre continent oublieux de ses racines culturelles. Évoquant la crise d'identité et de rayonnement de la «grand-mère» Europe à la délégation française qu'il recevait mardi, François a rappelé qu'elle naissait avant tout d'une grande rupture dans la transmission et l'affirmation de ce que nous sommes. Il ne s'agit pas de proclamer un attachement cocardier mais de rappeler comment l'Europe a une «vocation d'universalité», selon une expression du pontife. On se figure trop rapidement que cette formule renvoie aux droits de l'homme, à la démocratie, voire à l'économie de marché… C'est vrai, mais c'est secondaire.
L'universalité que l'Europe porte dans son être même renvoie d'abord à une vision plus structurante de l'homme, marquée, selon la formule de Paul Valéry, par Athènes, Rome et Jérusalem. Le chef de l'Église romaine invite à accomplir à nouveau la démarche romaine: assumer un héritage, celui des Grecs, avec leur philosophie, leur science, leur langue, l'offrir à tous par le génie propre de la politique et du droit, et intégrer un apport judéo-chrétien qui à la fois complète ce qui a été reçu et le renouvelle de fond en comble. Il y a dans l'identité européenne une dialectique: je reçois un héritage que je transforme et que j'offre au monde. Se fonder et rayonner.
Une telle opération suppose que l'on accepte que l'Europe présente des différences. Chaque peuple, chaque corps politique a trouvé son génie propre dans l'incarnation particulière de ce qu'est l'Europe. Vouloir niveler ces aspérités et proposer une Europe standard, c'est attenter à l'Europe même. L'Union européenne n'est d'ailleurs pas la moins encline à succomber à cette tentation… Peut-être même a-t-elle été, dans sa version la plus technicienne, un des fossoyeurs de l'idée européenne. Un exemple est significatif: celui des billets d'euros. Éminemment symboliques puisque communs à tous les pays de la zone, ils ne représentent aucun monument, aucun personnage, aucune œuvre réels. Tout au plus a-t-on affaire à une vague évocation de l'Antiquité romaine, du Moyen-âge gothique… sans aucune incarnation.
Or, la culture, c'est précisément l'incarnation d'une vision universelle qui, si elle ne renvoie qu'à des valeurs abstraites, devient une idéologie à inculquer par des moyens forts ou doux, selon l'humeur des peuples et de leurs gouvernants. On se rend alors compte de la profondeur de la crise. Lorsque, pour prendre l'exemple de notre pays, entendant réarmer moralement les jeunes français après les attaques de l'an passé, on préconise avant tout un «enseignement moral et civique», on brade inconsciemment notre culture commune. Celle-ci n'est pas avant tout une question de vieilles pierres ou de bons fromages mais la quête de ce qu'est une vie bonne, qui se décline dans notre littérature ancienne et moderne, dans notre philosophie, dans notre histoire etc. Dans les humanités se cache la plus belle éducation civique, pour peu qu'on leur donne le temps et l'ampleur qu'elles méritent. On y trouve aussi une quête spirituelle que seule une vision étriquée de la laïcité entendrait passer sous silence ou renvoyer à un passé révolu. On trouverait en somme tout ce qui pourrait faire vraiment aimer l'Europe et la France tant aux habitants de vieille souche qu'à ceux qui arrivent et qui sont si souvent frappés par notre vacuité culturelle et spirituelle.
La tâche est lourde car la destruction a été réalisée avec grand soin. L'éducation doit y jouer un rôle primordial. Son renouveau est le commencement de toute politique. Car c'est de cela qu'il s'agit, en fin de compte. Faire du politique, c'est vouloir habiter un lieu, donner forme à un territoire avant même de s'atteler à ce qui constitue la vie quotidienne des habitants de celui-ci. Notre vieille Europe, en rougissant de sa culture, n'offre plus les conditions du politique. Ne croyons pas que la mondialisation nous les donnera davantage. Elle ne sera que la diffusion sans frontières ni limites de la loi du marché et le terreau de toutes les idéologies si elle n'a pas une Europe solide qui se met à son service pour lui dire ce qu'est l'homme. Le monde a besoin de l'Europe.

Louis Manaranche est agrégé d'histoire et président du laboratoire d'idées Fonder demain. Son livre Retrouver l'histoire est paru en 2015 aux éditions du Cerf.





A lire :
>>> Conversation politique avec le pape François   LaVie
>>> Le pape François met en garde contre « la théorie du genre »

Des livres du pape François : 
>>> Pape François. Loué Sois-Tu -- Laudato Si. Sur la sauvegarde de la maison commune -- Lettre encyclique du Souverain Pontife François
>>> Pape François. Cette économie qui tue
Il a suffi de quelques phrases du pape François contre « l'économie qui tue » et « la dictature de la Finance » pour des groupes catholiques américains le traitent de « pape marxiste ». Cette accusation se répand aussi dans l'ensemble du monde catholique. Face à ce Pape qui rappelle simplement des bases théologiques que beaucoup de catholiques semblent avoir oubliées, celles de l'attention aux pauvres, les auteurs s'interrogent sur l'évolution de l'Eglise catholique qui se poursuit en décalage avec les propos de son chef de file, en train de travailler à son Encyclique « Les pauvres et la Création ». Ils observent, de la part d'une certaine partie des catholiques, et malgré ce Pape pourtant très populaire, très médiatique, un éloignement du message des pères de l'Eglise qui, il y a quelques années, pouvait paraître bien plus virulent. Ce livre porte donc sur le magistère social de celui qui est souvent appelé le « Pape des pauvres ». Il recueille et analyse les discours, documents et interventions de François sur la pauvreté, l'immigration, la justice sociale et la sauvegarde de la création, en mettant à contribution des experts en économie et en doctrine sociale de l'Église. Il se termine par un grand entretien avec le pape François, dans lequel celui-ci condamne notre système économique qui « repose sur une culture de l'inégalité. »
>>> Pape François. "Ne vous laissez pas voler l'espérance" : Paroles et Sagesses du Pape François
"Dieu est paix : demandons-lui de nous aider à la construire chaque jour dans notre vie, dans nos familles, dans le monde entier." Proche des gens et de leur quotidien, le Pape François vibre d'un amour et d'une sagesse réconfortants, que l'on soit croyant ou non. Ce livre réunit des centaines de pensées classées par grandes thématiques : l'espoir et la joie ; la foi et la prière ; l'amour et la vérité ; la vie et la famille ; l'humilité et l'idolâtrie ; le pardon et la grâce ; la dignité et la souffrance ; le chemin de la vie ; la construction d'un monde meilleur. Chaque lecteur peut être inspiré par ces paroles du Pape, y puiser réconfort et compassion et porter un autre regard, ouvert et positif, sur notre société moderne

>>> En Sicile, dans les pas des disciples du pape François











Le pape François au Parlement européen




N'en déplaise à Mélenchon et aux partis europhobes et poutinolâtres (dont, bien évidemment, le Front Familial), le Pape François a prononcé un discours pro-européen au Parlement européen le 25/11/2014.
Contrairement à Monsieur Mélenchon, qui a déclaré que « le pape n'avait rien à faire au Parlement européen », nous considérons au contraire que le pape représente la religion qui fait partie de l'identité commune européenne, comme l'a expliqué Paul Valery. Nous considérons que la crise européenne n'est pas qu'économique, qu'elle est aussi spirituelle et identitaire, et que la réponse à cette crise passe par des repères symboliques forts. Le discours du pape au Parlement européen en est.
Dans son discours, il a abordé des sujets forts différents. Par exemple ;
  • la dignité humaine et les droits de l'Homme, qui sont des valeurs fondatrices de l'Union Européenne. On ne peut s'empêcher de penser à la « révolution de la dignité » en Ukraine, suivie de l'attaque de Monsieur Poutine contre ce pays à genoux.
  • La solitude, « maladie » de l'européen du XXIe siècle (1:02)
  • L'environnement (1:20)

Au delà des thèmes abordés, le discours du pape au Parlement participe au resserrement des liens entre pays européens, fragilisés par la crise économique et par la politique de Poutine visant l'éclatement de l'Union, et finançant pour cela les partis europhobes. Le Front Familial, seul parti de France directement financé par l'étranger, ce qui est assez cocasse, est un bon exemple. Madame Le Pen serait d'ailleurs, dans la Russie poutinisée qu'elle admire tant, considérée comme « agent del'étranger »... 


Hélas, il existe une France aigrie, cynique, méprisante ou méfiante envers l'autre. Une France qui, quoi qu'il advienne (les prix Nobel français de 2014 en économie et en littérature, et la réussite européenne Philae laissent cette France-là indifférente), ne voit l'avenir qu'en noir. Une France qui se complaît dans le pessimisme, et succombe aux sirènes frontistes qui ne peuvent mener qu'à la ruine. Cette France a ses auteurs, qui alimentent une noirceur, un pessimisme, qui ne bénéficie qu'aux seuls partis populistes. Les partis au verbe haut et aux idées courtes se nomment Front de Gauche ou Front Familial National. De la bouche de leurs représentants sort de la boue. Ainsi en est-il des aboiements pathétiques, méprisants, honteux de Madame Le Pen et de Monsieur Mélanchon contre la Chancelière Merkell, contre ces Ukrainiens qui voulaient vivre dignement, ou contre le Pape françois. Les extrêmes, décidément, se rejoignent bien souvent, comme lorsqu'ils osent soutenir les agissements criminels de Monsieur Poutine dignes d'un autre siècle.

La France aigrie, cynique, méprisante, dépressive, a ses élus. Elle a aussi ses auteurs fétiches et ses ouvrages de référence. Les titres de ces ouvrages sont d'ailleurs très révélateurs du mode de pensée de la France aigrie : le « suicide français » de Zemmour, ou « France : suicide d'une nation » de Renaud Camus, « De l'antiracisme comme terreur littéraire » de Richard Millet, etc, etc...
Que faire face à des modes de pensée anxiogène qui alimentent les partis europhobes ?
Les ignorer ? Y répondre ?
Nous croyons qu'il ne faut pas les ignorer. En effet, certains de ces auteurs, s'ils posent de « bonnes questions », apportent généralement de mauvaises ou de dangereuses réponses. Nous ne devons pas laisser les lugubres élucubrations des auteurs d'extrême droite se répandre comme la peste.
JMG Le Clézio l'a bien compris en répondant à Richard Millet, comme plusieurs journalistes qui ne cèdent pas sirènes ou aux intimidations de la « pensée » de l'affront national. L'article « Parlez-vous le néo-facho ? »  mêle habilement critique et humour, de même que l'article « Apprenons à penser comme Eric Zemmour, en 9 points » 

La France aigrie, celle qui est devenue poutinophile, celle qui a choisi des eurodéputés frontistes pour représentants, cette France-là, qui est aussi celle qui a méprisé et dénigré la révolte des ukrainiens de Maïdan, nous mènera à la ruine morale et économique. On pourra noter que d'ores et déjà la France subit une perte d'influence en Europe depuis que les eurodéputés frontistes ont fait une entrée en force au Parlement européen. Et que la présence des forces néfastes représentées par les Le Pen ne peut qu'aggraver la situation.
Malgré tout, l'Europe avance : le pape a prononcé un discours important au Parlement, le polonais Donald Tusk semble apporter un coup de jeune, l'UE s'oriente vers une politique de maîtrise de l'immigration.  Et au 1er janvier 2015, la zone euro passera à 19 membres, avec l'arrivée de la Lituanie, qui ainsi s'investit dans un meilleur ancrage à l’Europe, dans un contexte de menaces géopolitiques.
La Lituanie avait fait un grand pas pour se libérer du joug énergétique russe, il y a quelques mois, avec l’arrivée du méthanier Independence. Aujourd'hui,  l'adoption de l'euro constitue un renforcement de sa sécurité face à l'agressivité de Poutine.
D'ailleurs, vu de Pologne, la Lituanie est un exemple de résistance à l'impérialisme russe.


Un pape écolo

Charlie Hebdo n°1193 du 03/06/2015




Lire aussi :
Climat, le blâme du pape aux pays riches (Le Monde)
Environnement, le pape en appelle au courage et à l'action urgente (Le Monde)
L'Encyclique "Laudato si" (Libération)
L'encyclique "Laudato si" , l'encyclique sur l'écologie humaine du pape François : texte intégral (La Croix)

Résumé de la conférence de présentation de "Laudato Si" sur Vatican Information Service.
Texte intégral de la présentation de l'Encyclique (anglais et italien) sur le site internet du Vatican.
Vue d'ensemble de l'encyclique "Laudato si" sur Vatican Information Service.

Quelques extraits significatifs ICI.


Laudato Si

La scène a quelque chose de surréaliste. L’envoyé spécial du président de la République pour la protection de la planète, Nicolas Hulot est assis, jeudi, auprès d’un évêque, Jean-Luc Brunnin, au siège de la conférence épiscopale pour commenter… une encyclique !  «Il sacralise l’enjeu écologique, lui donne ses lettres de noblesse», dit Hulot à propos de ce texte dont il qualifie l’auteur de «renfort inespéré». Quand une journaliste de l’hebdomadaire conservateur Famille Chrétienne lui demande s’il est prêt à suivre le pape dans sa condamnation de l’avortement, l’envoyé présidentiel esquive : «Je n’entre pas dans ces débats».
Publiée jeudi, l’encyclique verte Laudato Si est quasi identique à la version révélée jeudi par l’Espresso. Le pape y décline la responsabilité de l’homme face au réchauffement, s’inquiète des conflits à venir concernant l’accès à l’eau, s’interroge sur les OGM, décrit la  «dette écologique»  des pays du Nord à l’égard de ceux du Sud, réclame un changement radical du système économique, plaide pour une décroissance dans les pays riches…
Ce texte pontifical, dans la lignée de la théologie de la libération et de son «option préférentielle pour les pauvres» , réjouit les cathos militants de l’environnement. Mais il déçoit la droite chrétienne par son engagement politique marqué et ses trop rares références aux questions bioéthiques. S’il condamne une nouvelle fois l’avortement, le pape ne dit rien sur la contraception, la GPA, thèmes que les milieux conservateurs lient à ceux de «l’écologie humaine». François Hollande a d’ailleurs salué sa portée politique, souhaitant qu’il soit entendu «au-delà des seuls croyants».










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