mardi 6 janvier 2015

Une armée européenne

Sommaire :
 - Une armée européenne , par Gregory DUFOUR (i-défense)
- Tribune du Général Bernard Norlain et François de Rugy (Les Echos)
- Une "Europe puissance" (Les Echos, 2015)
- Une Armée européenne : un grand projet défendu par Jean-Claude Juncker (La Tribune)
- Un embryon de l'Armée Européenne : l'Eurocorps (Défense)
- Juncker nomme Michel Barnier conseiller spécial à la défense européenne (Europa, 2015)
- L’industrie de l’armement en Europe, par Léonard Tapié et Nicolas Giacometti (Au café de l'Europe)
- Défense européenne, Eurocorps
- « Arrêtons de saper l’Europe de la défense ! » (Tribune de JC Lagarde)





Une armée européenne
 En 2007, les députés des groupes de travail sur la sécurité et sur l'Europe du groupe parlementaire du SPD au Bundestag ont formulé un projet pour le développement de la dimension militaire de la politique étrangère et de sécurité européenne. Ce projet prévoit une série de mesures concrètes destinées à approfondir la coopération militaire en Europe. A long terme, ces mesures devraient conduire à la création d'une armée européenne. Il paraît important, au moment où la France rédige son Livre blanc sur la Défense et la Sécurité nationale et à la veille d'assumer la Présidence de l'Union européenne,  de mieux cerner la vision allemande relative à la création d'une future armée européenne.

Avec ses 27 États membres, ses 490 millions de citoyens et une puissance économique notable (elle génère un quart du produit national brut mondial), l'Union européenne est bien plus qu'une confédération régionale : elle est un acteur global, investi – du fait de son importance politique et économique – de la responsabilité d'amener une contribution appropriée à la résolution des conflits, et ce aussi au-delà des frontières de son propre continent. Elle peut et doit contribuer à l'émergence d'un monde plus libre et plus sûr. Pour que l'Europe ait une voix, il faut la doter d'une politique étrangère, de sécurité et de défense commune. L'Europe doit apparaître unie pour faire entendre sa voix aux côtés des États-Unis, mais aussi des puissances émergentes que sont la Chine et l'Inde. 

La stratégie européenne de sécurité, adoptée au sommet de Bruxelles de décembre 2003, constitue une bonne base commune en vue d'initiatives nouvelles dans le domaine de la politique de sécurité et de défense. 


La responsabilité et les possibilités de l'Europe  En matière de politique étrangère et de sécurité, l'Union européenne est caractérisée par la diversité des traditions héritées de l'histoire. La politique de défense des différents États membres témoigne de différences sensibles, que ce soit en matière de planification stratégique, d'équipement, de structures militaires ou de type de commandement. 

Toutefois, davantage de choses nous réunissent qu'elles ne nous séparent et l'Europe se retrouve autour d'un ensemble commun de valeurs européennes. Le traité constitutionnel, dont il convient de poursuivre le processus de ratification, énonce les convictions essentielles qui guident l'action des États d'Europe: 


« L'Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d'égalité, de l'État de droit, ainsi que de respect des droits de l'homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités. Ces valeurs sont communes aux États membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l'égalité entre les femmes et les hommes. »
(article I-2) « Dans ses relations avec le reste du monde, l'Union affirme et promeut ses valeurs et ses intérêts. Elle contribue à la paix, à la sécurité, au développement durable de la planète, à la solidarité et au respect mutuel entre les peuples, au commerce libre et équitable, à l'élimination de la pauvreté et à la protection des droits de l'homme, en particulier ceux de l'enfant, ainsi qu'au strict respect et au développement du droit international, notamment au respect des principes de la charte des Nations unies. » (article I-3, paragraphe 4) L'Europe est garante d'une politique de sécurité qui s'inspire de valeurs, ne se limite pas au volet militaire, privilégie l'action multilatérale et se réclame de la protection et du développement du droit international. 

Le contexte de sécurité dans le cadre duquel les membres de l'Union européenne entendent atteindre leurs objectifs communs a fondamentalement changé depuis la fin de la Guerre froide. Il n'y a plus de questions de sécurité – ou de menaces – spécifiquement allemandes, françaises, danoises ou polonaises. L'Allemagne, située au cœur de l'Europe, n'est plus entourée d'ennemis, mais bien de ses partenaires dans l'OTAN et de membres de l'UE. Le scénario classique de défense nationale, basé sur une offensive de grande ampleur sur l'Europe à l'aide de divisions blindées et de flottes de bombardiers, est devenu improbable. 

En Europe, nous sommes confrontés à des dangers nouveaux, qui dépassent le cadre des frontières nationales. Au rang de ces menaces stratégiques nouvelles figurent le « terrorisme international » (ou, plus précisément, le terrorisme fondamentaliste islamique opposé par principe à l' « occident »), la prolifération des armes de destruction massive et de la technologie des missiles, l'instabilité provoquée par les conflits régionaux et les États faillis, ainsi que les dangers induits par la criminalité organisée – dès lors que celle-ci possède également une « dimension extérieure » : trafic d'armes et de drogues, traite des êtres humains, liens avec le terrorisme international. 

Ces dangers ne menacent pas un pays unique en Europe, mais bien chacun d'entre-nous : nous devons dès lors trouver des réponses communes à ces défis. 

Dans une UE revêtant un caractère supranational de plus en plus affirmé, les armées nationales s'assimilent toujours davantage à des vestiges du siècle passé. Si on les compare aux forces armées américaines, nos 27 armées nationales (et leurs quelque deux millions de soldats) coûtent cher. Nous devons engager plus efficacement les 160 milliards d'euros que les États de l'Union européenne dépensent chaque année dans ce secteur. Car c'est là un autre point qui réunit les États d'Europe : au moment même où nous devons adapter nos forces armées aux défis nouveaux, les marges financières demeurent limitées. L'heure est donc à une meilleure concentration des ressources. 

Nous inspirant des succès obtenus dans le cadre du processus d'unification européenne, nous devrions avoir le courage d'inciter à une évolution qui constituerait l'expression de notre intérêt commun en matière de sécurité et déboucherait sur la mise en place d'une armée européenne. 
Où nous en sommes aujourd'hui  L'idée n'est pas si nouvelle qu'elle n'y paraît au premier regard. En 1954, soit neuf ans après la fin de la Seconde guerre mondiale, une première tentative de création d'une Union européenne de défense avait déjà été entreprise – trop tôt sans doute. 

Si nous encourageons aujourd'hui, un demi siècle plus tard, une évolution appelée à déboucher sur la formation d'une armée européenne commune, nous ne commençons pas les choses à zéro. L'UE a accompli d'importants progrès en vue d'une coopération plus étroite sur les questions de sécurité et de défense, notamment au cours des quinze années écoulées depuis la fin de la partition de l'Europe, c'est-à-dire depuis 1990. Nous avons avancé – pas à pas. Mais les discours de crise et un euroscepticisme répandu tendent parfois à dissimuler nos succès. Depuis les débuts hésitants symbolisés par la « coopération politique européenne » (CPE) des années 1970, on a assisté à une coordination de plus en plus poussée sur les questions de politique étrangère et de sécurité, dans le cadre de la « politique étrangère et de sécurité commune » (PESC), introduite par le traité de Maastricht (1993) et développée plus avant avec le traité d'Amsterdam. Au tournant du millénaire, la PESC a été élargie à la « politique européenne de sécurité et de défense » (PESD). Avec la « déclaration du Conseil européen concernant le renforcement de la PESC », adoptée à Cologne en juin 1999, sous la présidence allemande du Conseil, l'UE s'engageait à faire de la PESD une partie intégrante de la PESC. 

En décembre 1999, le Conseil européen d'Helsinki s'est accordé sur l' « objectif global européen », destiné à ce que l'Union soit en mesure d'engager, dans un délai de 60 jours, une force pouvant compter jusqu'à 60 000 hommes et capable de remplir l'ensemble des « missions de Petersberg » (missions humanitaires ou d'évacuation de ressortissants, missions de maintien de la paix, missions de forces de combat pour la gestion des crises, y compris des opérations de rétablissement de la paix). Ces forces d'intervention demeurent toutefois sous la responsabilité nationale, leur mise à disposition et leur envoi résultant d'une décision souveraine des États membres. 

Dans les années qui ont suivi ont été créés des organes nouveaux destinés à renforcer la politique commune (entre autres choses, le comité politique et de sécurité [COPS], le comité militaire de l'UE), tandis que la coopération avec l'OTAN se voyait pourvue d'une base contractuelle (« Accords de Berlin-plus », 2003). 

En juin 2000, le Conseil européen de Feira a confirmé que le succès de la PESC exigeait que celle-ci ne soit pas confinée au militaire et intègre aussi des composantes civiles. La conjugaison de moyens civils et militaires et la conviction que les menaces nouvelles ne sont pas exclusivement de nature militaire et qu'on ne peut dès lors y répondre que par une combinaison adéquate de différents instruments est un élément caractéristique de la politique européenne. En développant sur un même pied ses capacités civiles et militaires en matière de prévention des conflits et de gestion des crises à l'échelon international, l'UE tient compte du concept de sécurité élargi et du caractère nouveau des menaces actuelles. 

À la suite de l'adoption de la « stratégie européenne de sécurité » (SES) par le Conseil européen réuni à Bruxelles en décembre 2003, l'UE s'est pour la première fois dotée d'un document qui décrit les défis communs et énumère les intérêts communs. 

Depuis lors, l'UE a mené avec succès ses premières opérations militaires autonomes. En Macédoine, l'opération
Concordia (de mars à décembre 2003), placée sous le commandement de l'UE (qui a pris le relais de l'OTAN), a apporté une contribution importante à la pacification du pays. La première intervention autonome conduite par l'UE était l'opération Artemis (de juin à septembre 2003), qui avait pour objet la stabilisation de la province congolaise de Bunia, secouée par des troubles. Après avoir mené à bien cette opération, l'UE a cédé le relais à la mission MONUC des Nations unies. En Bosnie-Herzégovine, l'UE a repris le commandement de la mission Althea en 1999 et poursuivi le mandat de la SFOR, envoyée sur place par l'OTAN. 

À l'automne 2006, la mission
EUFOR RD CONGO de l'UE a permis la tenue des premières élections libres au Congo depuis plus de 40 ans. 

Viennent s'ajouter à ces opérations des interventions civiles, telles que la mission de police de l'UE
Proxima (qui succédait à la mission de maintien de la paix en Macédoine) ou la mission de police de l'UE EUPOL Kinshasa, appelée à soutenir la réorganisation des forces de police au Congo. La décision de mettre sur pied des forces d'intervention en cas de crise (« European Battle Groups ») est un pas important sur la voie de l'intégration des forces armées nationales dans les futures structures de sécurité européennes. 

L'Allemagne participe activement à la mise en œuvre de ce concept. La praticabilité du système devrait être examinée en permanence. Il faut évaluer minutieusement les premières expériences faites quant au système prévu de mise à disposition constante de certaines unités pour des périodes prédéterminées, pour pouvoir, le cas échéant, développer plus avant ledit système. 

Le traité constitutionnel signé en octobre 2004 et dont le processus de ratification est momentanément en panne prévoit un approfondissement de la PESD. En créant l'Agence européenne de défense, les États membres de l'UE ont anticipé un projet essentiel prévu par ce Traité. Cette Agence doit en effet œuvrer à mieux coordonner et harmoniser la planification, l'achat et la recherche en matière d'armements en Europe. 

L'Union européenne affiche d'ores et déjà les traits d'un système de sécurité collective comparable aux Nations unies et à l'OTAN. Le traité constitutionnel prévoit également, dans ses dispositions relatives à la politique européenne en matière de sécurité et de défense, un devoir d'assistance : 

« Au cas où un État membre serait l'objet d'une agression armée sur son territoire, les autres États membres lui doivent aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir, conformément à l'article 51 de la charte des Nations unies. Cela n'affecte pas le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains États membres. » (
Article I-41, paragraphe 7) Le traité constitutionnel qui a été négocié inclut par ailleurs une clause de solidarité : 

« (1) L'Union et ses États membres agissent conjointement dans un esprit de solidarité si un État membre est l'objet d'une attaque terroriste ou la victime d'une catastrophe naturelle ou d'origine humaine. L'Union mobilise tous les instruments à sa disposition, y compris les moyens militaires mis à sa disposition par les États membres, pour :
(a)
-
          prévenir la menace terroriste sur le territoire des États membres ;
-
          protéger les institutions démocratiques et la population civile d'une éventuelle attaque terroriste;
-
          porter assistance à un État membre sur son territoire, à la demande de ses autorités politiques, dans le cas d'une attaque terroriste ; 

(b)
-
          porter assistance à un État membre sur son territoire, à la demande de ses autorités politiques, en cas de catastrophe naturelle ou d'origine humaine. » (Article I-43).  La clause de solidarité – bien que contraignante sur le seul plan politique et non sur le plan juridique jusqu'à l'entrée en vigueur de la Constitution européenne – a été activée après les attentats terroristes de Madrid en mars 2004.  Ce qui fonctionne déjà  L'intégration des forces armées européennes a débuté depuis longtemps. Nombre d'initiatives vont dans la bonne direction et maints exemples positifs de coopération plus étroite entre partenaires de l'UE – y compris, pour une part, au sein de l'OTAN – ont pu être observés au cours des années écoulées :

-
          la brigade franco-allemande, créée dès 1989, 

-
          l'Eurocorps installé à Strasbourg (Allemagne, France, Belgique, Espagne, Luxembourg), 

-
          le Centre européen du transport aérien stratégique d'Eindhoven, né de la Cellule européenne de coordination aérienne créée en 2001, 

-
          le Corps germano-néerlandais basé à Münster (1995), 

-
          le Sealift Coordination Centre (Centre de coordination de l'évacuation par mer, 2003): neuf États se garantissent l'accès mutuel à trois navires de transport, 

-
          le Korps Nord-Ost (corps du Nord-Est) créé en 2000 et basé à Stettin (Allemagne, Danemark, Pologne), 

-
          l'unité commune de lutte contre les mines mise en place par les États baltes (Baltic Naval Squadron), dont le quartier-général d'escadre se trouve en Estonie, 

-
          le quartier général maritime de l'Amiral Benelux à Den Helder, 

-
          l'exemple néerlandais en matière de transport aérien: plutôt que d'acquérir des avions de transport (et de devoir assumer les coûts d'infrastructure, de maintenance, de personnel, etc.), les Pays-Bas ont conclu un accord avec l'Allemagne, aux termes duquel ils peuvent, moyennant une participation aux coûts induits, utiliser les capacités de transport allemandes correspondantes, 

-
          la surveillance de l'espace aérien des États baltes: les trois républiques ne disposant pas des appareils nécessaires, leurs partenaires au sein de l'OTAN stationnent les avions de combat adéquats et le personnel au sol nécessaire sur un point d'appui situé en Lituanie et assurent la police aérienne, l'utilisation commune garantie et en temps opportun d'une capacité de transport aérien stratégique en vue du transfert de forces d'intervention rapide de l'OTAN et de l'UE: 15 nations, dont l'Allemagne, ont conclu un contrat commun avec le fournisseur Ruslan SALIS GmbH, qui tient à disposition jusqu'à six avions Antonov 124-100 pour les interventions multinationales de l'OTAN ou de l'UE, 

-
          la flotte AWACS – bien qu'un projet de l'OTAN, c'est un bon exemple d'équipements communs à l'alliance, 

-
          les groupes de forces interarmées multinationales que sont l'EUROFOR (European Operational Rapid Force) et l'EUROMARFOR (European Maritime Force), auxquels participent la France, l'Espagne, l'Italie et le Portugal. 

Ces exemples montrent ce qui est possible et ce qui fonctionne d'ores et déjà. Les militaires de tous les États de l'UE vivent au quotidien, au sein des états-majors et des unités, la coopération multinationale. 

À l'avenir, il faudra aussi coordonner plus étroitement que cela n'a été le cas jusqu'ici la planification et l'achat d'armements. Le développement toujours plus coûteux de nouvelles techniques d'armement a déjà suscité un important mouvement d'intégration – la quasi-totalité des grands marchés d'armement des forces armées fédérales sont des projets multinationaux. Pourtant, il subsiste encore d'importantes réserves d'efficacité. La définition de normes européennes et l'achat de matériel en plus grande quantité peuvent contribuer à réduire les coûts, mais aussi à améliorer la coopération entre les forces armées européennes. L'Agence européenne de défense (AED) est une avancée dans cette voie et devrait permettre d'éviter un problème qui se posait parfois dans le cadre de projets multinationaux, où les différences entre les équipements étaient d'autant plus nombreuses que le projet de coopération impliquait un grand nombre de pays. 

Si l'Europe entend combler ses lacunes en matière de capacités, elle ne peut faire l'économie d'une coopération coordonnée dès le stade de la planification. La liste des lacunes européennes est longue. En adoptant le plan d'action européen sur les capacités (PAEC) en 2001, les États membres de l'UE ont choisi de tirer parti des effets de synergie pour combler leurs lacunes en matière de capacités militaires. 

Les Européens ne pourront combler leurs lacunes en matière d'armement en agissant au seul échelon national – ne serait-ce qu'en raison de budgets limités dans tous les États. Des efforts européens communs s'imposent et ouvrent la possibilité d'une plus grande intégration. Nous avons fait des expériences positives grâce à la coopération multinationale existante en Europe. 

À l'avenir, nous devrions non seulement regrouper les structures et capacités de commandement, mais aussi partager davantage les missions ou les accomplir ensemble – toutes les armées ne doivent pas être à même d'assurer toutes les missions. Le temps des armées nationales universelles touche à sa fin. 
Les prochaines étapes  La création d'une armée européenne intégrée dans une UE d'un genre nouveau ne peut être un objectif à court terme. Pour nous diriger dans cette voie et relancer le processus d'intégration, un certain nombre de mesures concrètes sont envisageables : 

-
          Mise en place d'une structure de commandement européenne du transport aérien se substituant aux structures nationales correspondantes dans toutes leurs fonctions, y compris dans les domaines de la formation, de la maintenance et de la logistique, ainsi que pour ce qui est d'escadres communes de transport aérien (on pourrait envisager, à titre intermédiaire, la coordination de la planification et de l'engagement des capacités de transport aérien existantes dans le cadre de l'AEC). 

-
          En l'état actuel des choses, il n'existe pas à proprement parler de Conseil des ministres en charge des questions militaires dans l'UE : aller vers une armée européenne commune devrait passer par la constitution d'un « véritable » Conseil des ministres de la défense. • Création d'une commission de la défense du Parlement européen. Actuellement, le Parlement européen ne traite des questions touchant à la politique de défense qu'au sein d'une sous-commission dépendant de la commission des affaires étrangères. La mise en place d'une commission de la défense, qui accompagnerait, en tant qu'organe indépendant, la PESD et le processus d'intégration croissante des forces armées européennes, serait un signal attestant du renforcement de la responsabilité parlementaire au niveau européen. 

-
          Création d'une académie (ou université) militaire européenne. Une telle mesure pourrait également mener à la définition de normes de formation communes pour les futurs officiers des forces armées européennes. 

-
          Création d'un quartier général maritime de la Baltique, sur l'exemple de la coopération fructueuse des États baltes au sein de l'unité commune de lutte contre les mines. 

-
          Aujourd'hui déjà, les exercices communs transfrontaliers sont le quotidien des armées européennes. Pour améliorer encore la coopération entre les différentes forces armées, il faudrait augmenter le nombre de manœuvres européennes communes. 

-
          À l'instar de la coopération européenne étroite observée dans la pratique dans le domaine des programmes spatiaux civils, il faudrait aussi mettre sur pied des programmes spatiaux militaires communs (satellites de reconnaissance et de communications). 


Compte tenu de l'ampleur des coûts, le recours à des missions communes s'impose dans ce domaine :

-
          Coordination européenne des capacités disponibles. Les plus petits États membres, dont les moyens limités ne leur permettent pas de prendre en charge le spectre complet des capacités, pourraient notamment se spécialiser dans certaines capacités de niche.

-
          Regroupement des ressources et capacités présentes au sein des États membres dans le but de mettre en place un réseau/une base de communication à disposition de la PESD.

-
          La force de gendarmerie européenne créée par la France, l'Italie, les Pays-Bas, l'Espagne et le Portugal (quartier général : Vicenza, opérationnelle depuis le début 2006) est née des expériences faites lors de missions antérieures de l'UE. Son développement devrait être poursuivi car elle peut, en tant que police dotée d'un statut militaire, constituer la réponse appropriée à des situations de conflit qui ne requièrent plus l'intervention du militaire mais sont encore trop instables pour permettre une mission de police à proprement parler. En ce qui concerne l'Allemagne, qui ne participe pas à ce projet du fait de la stricte séparation entre forces armées et forces de police, nous devrions trouver une solution qui nous permette de contribuer à la Gendarmerie européenne.

-
          L'adhésion de la Pologne et des États baltes aux accords de Schengen rend indispensable l'exercice commun des contrôles aux frontières extérieures maritimes, car les ressources dont disposent ces États n'y suffiraient pas. On pourrait, au sein d'un espace Schengen étendu à la mer Baltique, conjuguer les ressources des États riverains et assurer en commun la surveillance des eaux territoriales et des zones économiques en mer Baltique.

-
          De même, il serait judicieux, compte tenu des faibles temps de vol entre les différents territoires européens, d'assurer une coordination étroite, voire l'exécution commune des missions de police aérienne. À cet égard, l'exercice de la surveillance de l'espace aérien des États baltes par l'OTAN peut être un modèle pour d'autres petits États. Une surveillance commune de l'espace aérien pourrait non seulement être plus efficace, mais aussi contribuer à la réduction des coûts. Où nous voulons aller – et ce dont il faut discuter auparavant De nombreuses questions restent à éclaircir sur la voie qui doit nous mener à la création de forces armées communes. D'importantes différences structurelles demeurent en Europe, que ce soit quant à la forme des forces armées, à la participation du parlement ou au commandement interne.

Si nous voulons atteindre notre objectif, nous devrions tout d'abord discuter de ces différences et en débattre avec nos partenaires en Europe. 

L'élaboration d'un Livre blanc européen constituerait la forme appropriée pour faire progresser de façon structurée ce processus de clarification et de coordination.

En vue de préparer un Livre blanc européen qui traiterait de la politique de sécurité et de défense, nous souhaitons discuter des aspects suivants avec nos partenaires européens :

-
          Les différences qui existent au plan national quant aux processus de décision et de délégation de pouvoir exigent que l'on recherche un dénominateur commun.

-
          La création d'une organisation militaire commune, voire d'un droit militaire commun, est nécessaire.

-
          Nous devons élaborer un modèle unique d'éducation civique et morale.

-
          Il faut arrêter les compétences décisionnelles en matière de jus belli et pacis et préciser les pouvoirs de la Commission (exécutif),du Parlement (législatif) et du Conseil européen.

-
          Il faut discuter du transfert de souveraineté des États membres de l'UE et du transfert des compétences vers un niveau européen investi de la légitimité démocratique. Les forces armées constituent une expression forte de la souveraineté nationale. L'UE n'est pas un État, mais une entité tout à fait nouvelle – en l'état actuel, une sorte de confédération dotée d'un statut propre sur le plan du droit international. À quoi ressemblera l'UE, à quoi doit-elle ressembler pour permettre la constitution de forces armées communes ?  


De même, il faut régler les conditions de cession de souveraineté à l'échelon national. Ainsi, dans le cas de l'Allemagne, les dispositions prévues par la Loi fondamentale en son article 24 suffisent-elles ?

-
          Il faut régler les questions de financement et fixer une répartition équitable de la charge financière entre l'UE et les États membres, d'une part, et entre ces derniers, d'autre part.

-
          À l'instar de ce qui a cours avec les ministres de la défense nationale, un commissaire en charge de la défense pourrait prendre la direction des structures militaires au niveau européen. 

-
          Enfin, il faut discuter du rôle des puissances nucléaires que sont la France et la Grande-Bretagne dans une armée européenne intégrée. 
Notre objectif : des forces armées européennes La présidence allemande du Conseil est une bonne occasion de prendre l'initiative en vue de la création de forces armées européennes communes. C'est un objectif ambitieux, dont la réalisation apparaît aujourd'hui bien lointaine encore. Mais si des structures parallèles pourraient exister à titre transitoire, le but doit bien être une armée européenne intégrée.

Si nous ne mettons pas au travail maintenant, nous n'y parviendrons jamais. D'autres projets européens aussi ambitieux – qu'il s'agisse du marché intérieur commun ou de la monnaie unique – ne sont pas non plus devenus réalité du jour au lendemain et ont vu le jour au terme d'un long processus, qui – dans le cas de l'introduction de l'euro, par exemple – a duré trois décennies.

L'intégration plus poussée des forces armées nationales dans des structures multinationales n'est pas une expérience sans précédent, pour l'Allemagne par exemple : au temps de la Guerre froide, le degré d'intégration était bien plus élevé qu'aujourd'hui – un fait rendu nécessaire par les délais de pré-alerte très courts. Dès sa création, l'armée fédérale a fait partie intégrante de l'OTAN et s'inspirait intégralement des structures de l'Alliance.

Le transfert de souveraineté dans un domaine aussi essentiel de la politique d'un État que celui de la défense nationale pourrait susciter nombre de réserves, mais il n'est pas sans exemple : en adoptant une monnaie commune, les États participants ont renoncé à des pouvoirs de décision considérables en matière de politique économique et monétaire – dans l'intérêt du renforcement de l'Europe.

Nous pouvons également tirer un autre enseignement de l'introduction de l'euro : tout comme l'ensemble des pays n'ont pas pris part au lancement de l'euro – soit parce qu'ils ne remplissaient pas les conditions, soit en raison de réserves d'ordre politique –, le projet de création d'une armée commune ne doit pas être dès sa gestation celui de l' « Europe des 27 ».

On pourrait peut-être s'inspirer d'une idée reprise dans la déclaration commune des chefs d'État et de gouvernement d'Allemagne, de France, du Luxembourg et de Belgique, faite le 29 avril 2003, à propos de la création d'une « Union européenne de sécurité et de défense » (UESD). 

Selon cette déclaration, l'UESD aurait pour mission « de réunir les États membres qui sont prêts à aller plus rapidement et plus loin dans le renforcement de leur coopération en matière de défense. (…) L'UESD serait ouverte à tous les États membres actuels et futurs disposés à s'inscrire dans son cadre. Nous souhaitons que cette coopération concrète soit intégrée dans le traité constitutionnel de l'Union européenne, de sorte qu'à terme, tous les États membres actuels et futurs puissent en faire partie.»

Une armée européenne modifierait le réseau des relations entre l'Union européenne, les États membres et l'OTAN. Notons, à cet égard, que l'OTAN demeure pour nous l'articulation stratégique entre l'UE et les États-Unis. L'Europe doit toutefois être en mesure, au même titre que les États-Unis, de mener si nécessaire une action indépendante. États-Unis et UE réunis sous l'égide de l'OTAN : c'est là, dans le meilleur des cas, un partenariat stratégique des plus efficaces.

Un partenariat qui a montré, dans les Balkans, qu'il pouvait être source de stabilité et d'une sécurité nouvelle. En tant que sociaux-démocrates, nous entendons prendre l'initiative en Europe et nous engager dans la mise en place d'une armée européenne.

Depuis des décennies, l'Allemagne vit en paix avec ses voisins et nombre d'entre eux sont comme nous membres de l'OTAN et de l'UE. Nous sommes prêts à nous engager dans un processus au terme duquel nos armées nationales seront intégrées dans une armée supranationale, une armée européenne.

Gregory DUFOUR 






http://www.eurocorps.org/








 -------------------------------------------------------

Tribune du Général Bernard Norlain et François de Rugy 

La France affiche toujours une grande ambition diplomatique, notamment en lançant ou en préconisant des interventions militaires dans différentes régions du monde. Mais son armée, mobilisée sur de nombreux théâtres, n'est aujourd'hui plus calibrée pour un tel engagement. En Centrafrique, le déploiement d'un corps expéditionnaire sous-dimensionné n'a pas permis d'endiguer la partition du pays. En Irak, la maigre contribution de notre pays a relégué nos forces au rang de spectatrices des premiers échecs de la coalition internationale.
Certes, Jean-Yves Le Drian a confirmé la sanctuarisation du budget de la Défense à hauteur de 31,4 milliards d'euros, une enveloppe importante en période de disette budgétaire. Mais cet argent est mal réparti, si bien que les soldats français ne disposent plus des capacités humaines et matérielles nécessaires à la conduite de leurs missions. Cette situation préoccupante peut en partie s'expliquer par la place croissante qu'occupe la dissuasion nucléaire dans nos dépenses.
Il suffit de regarder les chiffres. Cette année encore, l'arsenal nucléaire coûtera plus de 3,5 milliards d'euros aux contribuables. Cela représente 12 % de l'ensemble du budget de la Défense, mais un tiers des crédits d'équipements, en augmentation de 11 points par rapport à l'année dernière. Avec la rénovation de notre composante océanique, dont les travaux préparatoires seront lancés en 2016, cette tendance va s'aggraver mécaniquement. Dans ces conditions, les crédits ne seront plus suffisants pour entretenir et moderniser nos forces conventionnelles.
Pour éviter cela, plusieurs mesures d'urgence peuvent être envisagées.
Ne pas remplacer l'un des quatre sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE) nous épargnerait deux grands carénages prévus en 2015 et 2023, et permettrait d'économiser 400 millions d'euros. Cette mesure dispenserait également la France d'acheter un jeu de 16 missiles M-51, pour un coût de 2 milliards d'euros et de mettre en chantier un nouveau SNLE, dont la valeur peut être évaluée à 2,5 milliards d'euros.
Supprimer les deux escadrons de la composante aérienne et la force aéronavale nucléaire du porte-avions Charles-de-Gaulle permettrait de faire l'économie de dix Rafales - soit 1,4 milliard d'euros - en affectant les appareils qui doivent prochainement être livrés à des unités conventionnelles.
Réduire la voilure de notre programme de simulation - dont le coût global est passé de 2,8 milliards en 1999 à 6,6 milliards en 2009 - et abaisser le stock minimal de nos têtes nucléaires, sur le modèle du Royaume-Uni, libérerait immédiatement plusieurs centaines de millions d'euros.
Sans remettre en cause l'existence de la dissuasion nucléaire, l'ensemble de ces adaptations pourraient faire économiser environ 1 milliard d'euros par an jusqu'à la fin de la loi de programmation militaire (2019). Ces sommes seraient réaffectées aux équipements et moyens de fonctionnement des forces conventionnelles.
La France pourrait ainsi tripler sa dotation annuelle aux opérations extérieures pour garantir un meilleur dimensionnement des contingents déployés en Afrique et au Moyen-Orient. Ou bien remplacer, en l'espace de quatre ans, l'ensemble de notre parc de véhicules de l'avant blindés (VAB) - utilisés sur tous les théâtres et vieux de quarante ans ! - par des véhicules blindés multi-rôles (VBMR), plus sûrs et plus précis.
Cette année encore, les effectifs de la Défense seront amputés de 7.500 emplois, soit deux fois plus que l'ensemble des postes supprimés dans tout le reste de la fonction publique. Mais, parce que notre niveau d'engagement militaire actuel est maximal, ce dégraissage budgétaire ne doit en aucun cas conduire à la fragilisation de nos forces d'intervention. Cela suppose que nous acceptions de rompre avec « l'armée de nos habitudes » pour construire, comme le préconisait un général bien connu des sphères de décision, « l'armée de nos besoins ».
Bernard Norlain et François de Rugy 
 
François de Rugy, coprésident du groupe écologiste à l'Assemblée nationale, est membre de la commission de la défense et des forces armées.
Le Général (2S) Bernard Norlain est ancien directeur de l'Institut des hautes études de défense nationale.





 
-------------------------------------------------------

Une "Europe puissance"

L'Europe, confrontée à des menaces de toutes parts, de l'Est et du Sud, doit redéfinir sa politique de sécurité. Il lui faut redevenir une « puissance dure ». Cela passe en priorité par une augmentation des budgets de la défense. (Les Echos 23/02/2015)


-------------------------------------------------------












Une Armée européenne : un grand projet défendu par Jean-Claude Juncker



 Pour le président de la Commission européenne, cela permettrait de renforcer la légitimité de l'UE notamment vis-à-vis de la Russie au sujet de l'Ukraine.
L'Europe doit se donner les moyens d'être prise au sérieux. C'est dans cette perspective que le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a appelé dimanche à la création d'une armée de l'UE, au vu notamment des relations de plus en plus tendues avec la Russie sur le sujet de l'Ukraine.

Une telle force permettrait non seulement de faire face aux nouvelles menaces aux frontières de l'Union européenne, mais aussi de défendre les "valeurs" de l'UE, a-t-il déclaré dans une interview publiée dimanche par le journal allemand Welt am Sonntag.
"On ne créerait pas une armée européenne pour l'utiliser immédiatement. Mais une armée commune à tous les Européens ferait comprendre à la Russie que nous sommes sérieux quand il s'agit de défendre les valeurs de l'Union européenne", a-t-il expliqué.

Crise de légitimité

"L'image de l'Europe a souffert de façon dramatique. En termes de politique étrangère, il semble que nous ne soyons pas vraiment pris au sérieux", regrette le président de la Commission.
"Une telle armée nous aiderait à mettre au point une politique étrangère et de sécurité commune", estime-t-il, tout en soulignant qu'il ne s'agirait de remettre en cause le rôle de l'Otan. Une force commune aux 28 pays de l'UE permettrait aussi selon lui de rationaliser les dépenses militaires et de favoriser l'intégration militaire de ces pays.

La ministre allemande de la Défense favorable à l'idée

La proposition a déjà trouvé un certain soutien en Allemagne. La ministre allemande de la Défense, Ursula von der Leyen,  a réagi en affirmant dans un communiqué:
"Notre avenir, en tant qu'Européens, passera un jour par une armée européenne".
Elle a néanmoins précisé que ce ne serait "pas à court terme".
Le mois dernier déjà, la ministre avait déclaré qu'elle était sûre que "peut-être pas (ses) enfants, mais en tout cas (ses) petits-enfants connaîtr(aient) des Etats-Unis d'Europe", avec leur propre armée, selon l'agence allemande DPA.

La Grande-Bretagne opposée à une plus grande intégration européenne

Le Welt am Sonntag citait également dimanche le chef de la commission parlementaire allemande de politique étrangère, Norbert Roettgen, pour qui l'idée d'une armée de l'UE serait "une vision européenne dont le temps est venu". Toujours selon le journal, l'ancien secrétaire général de l'Otan Javier Solana devait présenter lundi à Bruxelles un rapport sur une nouvelle stratégie de défense européenne appelant à une plus grande capacité militaire à intervenir au-delà des frontières de l'UE.
L'idée risque en revanche de ne pas être du goût de ceux qui sont opposés à une plus grande intégration européenne, à commencer par la Grande-Bretagne.



2015

2013

La question d'une armée européenne se posent régulièrement. Comme en 2013 :
"A quand une armée européenne ? J'y vois au moins deux avantages pour l'ensemble des Etats membres de l'UE : réduire leurs dépenses de défense et parler d'une seule et même voix sur la scène diplomatique. Qu'en pensez-vous ?"

La réponse de Jean-Pierre Maulny, Directeur adjoint de l'IRIS - l'Institut de relations internationales et stratégiques :

"Les choses sont un peu plus compliquées parce que pour avoir une armée européenne, il faut déjà avoir une politique étrangère commune. Quand on a eu notamment le vote aux Nations unies sur la reconnaissance de la Palestine, les Etats européens se sont divisés. Ils s'étaient également divisés sur la reconnaissance du Kosovo. Donc pour l'instant, on n'a pas véritablement de politique étrangère commune.

Ensuite, il faut avoir une conception commune de l'utilisation de la force armée. On peut prendre l'exemple du Mali où ce sont les Français qui interviennent, il n'y a aucun autre pays européen sur le terrain même si on a un appui logistique d'un certain nombre de partenaires européens.

Enfin, des questions très pratiques ont pu être expérimentées dans le passé. Par exemple, en 1989, on avait créé une brigade franco-allemande qui était un exemple très intégré, une sorte de mini armée européenne. On s'est retrouvé confronter alors à des problèmes très pratiques : les Français et les Allemands ne parlent pas la même langue et les soldats français et allemands ne parlent pas tous anglais. Les statuts des militaires allemands ne sont pas les mêmes que les statuts des militaires français, que ce soit en ce qui concerne leur droit d'expression ou les retraites.

On a aujourd'hui trois avions de combat en Europe, à peu près 6 frégates et 17 blindés différents et naturellement quand les matériels ne sont pas les mêmes, la situation n'est pas idéale en matière d'interopérabilité des armées. Pour autant, est-ce que les choses avancent ? La réponse est oui, mais lentement."











 Un embryon de l'Armée Européenne : l'Eurocorps

Le 22 mai 1992, François Mitterrand et Helmut Kohl décidaient de créer le corps européen appelé aussi « Eurocorps ».
Le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a souhaité saluer cet anniversaire pour réaffirmer son attachement au développement de l’Europe de la Défense. C’est aussi l’occasion de rendre hommage à ces deux hommes au caractère visionnaire.

Les deux chefs de gouvernement tenaient, au début des années 90, à développer leur vision partagée d’une coopération militaire entre partenaires européens. Elle s’est d’ailleurs propagée au-delà d’un partenariat bilatéral. Rapidement, de nouveaux Etats intégrèrent ce quartier général de pointe. On dénombre aujourd’hui 5 nations cadres : l’Allemagne, la France, la Belgique, l’Espagne et le Luxembourg, auxquelles se sont ajoutées 4 nations associées : la Grèce, l’Italie, la Pologne et la Turquie.
Cette structure multinationale par essence, implantée à Strasbourg, est dédiée aux opérations. Elle est utilisée pour les gestions de crise, d’assistance humanitaire, de maintien ou d’imposition de la paix à la disposition de l’Union Européenne mais pas seulement. C’est aussi une unité de réaction rapide pour l’organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN), l’organisation des Nations Unies (ONU) et l’organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).
« Eurocorps » a par exemple été déployé en Bosnie en 1998, au Kosovo en 2000 et en Afghanistan en 2004 et depuis janvier 2012. 





Juncker nomme Michel Barnier conseiller spécial à la défense européenne

Le Président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a désigné ce jour (17/02/2015) Michel Barnier en tant que conseiller spécial pour la politique de défense et de sécurité européenne.
Le Président Juncker a déclaré: « Lorsque la nouvelle Commission a pris ses fonctions, nous avons indiqué que nous devions construire une Europe plus forte sur les questions de sécurité et de défense. Certes, l'Europe est avant tout une «puissance douce». Mais même la plus forte des puissances douces ne peut se passer à long terme d'un minimum de capacités intégrées en matière de défense et de sécurité. Michel Barnier a une longue expérience en matière de défense et est le mieux placé pour me conseiller et pour conseiller la Haute Représentante et Vice-Présidente Federica Mogherini sur ces questions essentielles pour l'avenir de l'Europe.»
Michel Barnier a été commissaire européen dans les Commissions Prodi (1999-2004) et Barroso II (2010-2014). En 2001 il a présidé le groupe de travail sur la défense européenne en tant que membre du Praesidium de la Convention sur l'avenir de l'Europe. Il a été ministre des affaires étrangères du gouvernement français (2004-2005). En 2006, en tant que conseiller spécial auprès du Président de la Commission José Manuel Barroso, il a présenté un rapport au Conseil européen proposant la création d'une force européenne de protection civile. Au sein de la Commission Barroso II, il a été un des responsables de la task-force "Défense" et a supervisé la Communication sur les marchés européens de défense présentée par la Commission en décembre 2013 au Conseil européen.
Dans ses nouvelles fonctions, Michel Barnier participera notamment à l'élaboration de la contribution du Président de la Commission aux travaux du Conseil européen en matière de politique européenne de défense.
Contexte
Les conseillers spéciaux prêtent directement leur concours aux membres de la Commission. La Commission peut désigner des conseillers spéciaux en raison de leurs qualifications exceptionnelles et, nonobstant d'autres activités professionnelles, pour prêter leur concours à une des institutions européennes, soit de façon régulière, soit pendant des périodes déterminées. La mission qu'assume Michel Barnier pour le Président Juncker est une mission à temps partiel et n'est pas rémunérée.
Source : Europa
Pour de plus amples informations
Une Europe plus forte sur la scène internationale : orientations politiques du président Juncker
Réglementation relative aux conseillers spéciaux de la Commission










L’industrie de l’armement en Europe
Dans un entretien à paraître dans le prochain numéro de la revue Politique Internationale, Jean-Claude Juncker, fraichement élu président de la Commission européenne, admet qu’il « n’aime pas trop l’industrie de l’armement », regrettant par la même occasion « qu’il faille compter sur la recherche  militaire pour faire progresser les autres secteurs ».  Cette déclaration est loin d’être anodine, en particulier venant du président de la Commission Européenne. Sans pour autant constituer un déni complet de l’importance de la base industrielle et technologique de défense européenne, ces propos font néanmoins écho à un certain air du temps qui voudrait que les entreprises militaro-industrielles et les investissements dans le domaine de la défense en Europe soient  « passés de mode », des reliquats de la Guerre  Froide… Si, en effet, les pays de l’Union Européenne connaissent une période de paix relativement inégalée dans l’histoire de notre continent, l’industrie de défense européenne n’en est pas pour autant anachronique. Il convient donc, sans  nécessairement entrer dans les détails, d’en rappeler l’importance stratégique tant dans une optique  militaire que dans les domaines politique et économique.

Une déclaration qui intervient à un moment déjà difficile

La déclaration du nouveau Président de la Commission intervient dans un contexte déjà compliqué pour l’industrie de l’armement en Europe qui pâtit directement des coupes budgétaires imposées aux budgets de défense nationaux. En France notamment, la loi de programmation militaire 2014-2019 déjà très dure ne sera très probablement pas respectée puisque de nouvelles économies représentant de 3 à 6 milliards d’euros devraient être exigées par Bercy entre 2015 et 2017. De telles variations du budget dans une situation déjà proche du point de rupture ne peuvent être qu’annonciatrices d’étalements de programmes, de réductions des commandes et d’affaiblissement de l’investissement de long terme, ce qui aura irrémédiablement un impact négatif sur la santé de nos entreprises du secteur de la défense. Le cas français n’est pas isolé en Europe puisque la majeure partie des Etats européens, à l’exception de certains Etats alarmés par le comportement de la Russie, continuent à réduire des budgets de la défense déjà fort limités et fragilisés. Pourtant, le développement et le maintien d’une base industrielle et technologique de défense solide reste un atout majeur pour tout acteur souhaitant avoir une influence sur son environnement international.

Un secteur industriel important en Europe

 L’industrie de défense européenne ne saurait être ignorée de part son importance pour l’économie européenne. En 2012 les industries du domaine aérospatial et de défense européennes réalisaient un chiffre d’affaire de 186,8 milliards d’euros (en progression de 9%) et employaient plus de 750 000 personnes. Loin d’être uniquement  « marchande de mort », les entreprises aérospatiale réalisent  43% de leur chiffre d’affaire dans le domaine civil. Par ailleurs la base industrielle et technologique de défense européenne regroupe un vivier important d’employés qualifiés difficilement délocalisables, 45% d’entre eux étant titulaires d’un diplôme de bac+4 /+5 et près de 70% ayant un niveau bac+3.

L’élément militaire et l’autonomie stratégique

Nombreux sont ceux qui souhaitent voir l’Europe jouer un plus grand rôle dans le monde et s’affirmer comme une puissance indépendante capable d’agir seule pour défendre ses valeurs et ses intérêts (il s’agit d’ailleurs du point 9 du programme de Jean Claude Juncker). La possession d’une industrie de défense forte participe directement à cet objectif en donnant à l’Europe et aux Etats qui la composent les moyens militaires d’agir sur leur environnement. De nombreux évènements récents tels que les opérations françaises au Mali ou encore la crise ukrainienne ont rappelé à ceux qui tendaient à l’oublier que la force armée reste bien un outil essentiel au service de la politique extérieure des Etats. Bien sûr, certains argueront qu’il est tout à fait possible d’acheter ces matériels à d’autres acteurs tels que les Etats-Unis, mais force est de constater qu’une telle option est peu compatible avec le concept d’autonomie stratégique. En effet, comment ne pas s’inquiéter, par exemple, de la capacité d’un autre acteur à nous imposer certains choix programmatiques, à limiter notre approvisionnement en armement ou encore à clouer au sol nos avions de combat dans un scénario où nos actions lui déplairaient ? De toute évidence, une grande puissance ne peut se permettre de voir sa liberté d’action limitée à un tel point par un acteur dont les intérêts pourraient à un moment donné diverger fortement des siens.

Les utilisations civiles des technologies militaires

Comme le reconnaissait Jean Claude Juncker dans l’interview donnée à Politique Internationale, les retombées civiles de la recherche militaire sont l’un des atouts de l’industrie de défense. Sans trop s’étendre sur un sujet qui semble faire consensus, on citera par exemple l’internet, invention initialement militaire aux retombées civiles que chacun peut constater jour après jour. Il s’agit là d’un constat d’autant plus important que la recherche militaire concerne essentiellement les technologies de pointe qui sont généralement source d’exportations et de croissance, deux éléments que l’Europe, engagée dans la grande compétition d’un système mondialisé, recherche avidement. Alors que nous subissons toujours davantage la concurrence industrielle d’autres acteurs, l’industrie de pointe (ex: aérospatiale) reste une niche de compétence dans laquelle l’Europe peut pousser son avantage. A ce titre, il est intéressant de noter par exemple que la France, aujourd’hui fortement désindustrialisée dans de nombreux secteurs, reste compétitive dans les secteurs industriels civils liés initialement à la dissuasion nucléaire (aéronautique, espace, nucléaire). Ici encore, le développement et le maintien d’une base industrielle et technologique de défense forte s’est révélé être un atout non-négligeable.

Forger une solidarité européenne

L’industrie de défense européenne apparait aujourd’hui comme un vecteur de coopération et d’identité. Alors qu’il est souvent fait allusion à la nécessité de favoriser l’émergence d’une identité et d’une solidarité européennes, les possibilités offertes dans le domaine de l’armement sont un luxe dont on ne saurait se priver. Ainsi, l’émergence d’EADS en 2000, issue de l’association de DaimlerChrysler, Aerospace AG, Aerospatiale-Matra et Construcciones Aeronauticas SA, a constitué une réponse directe à la fusion de Boeing et McDonnell Douglas en 1997 et a été chaudement encouragée par la France, le Royaume Uni et l’Allemagne. Cet esprit de collaboration se retrouve aujourd’hui encore dans de nombreux projets européens prospères que ce soit Ariannespace ou encore MDBA au sein desquels coopèrent des dizaines d’Etats européens, faisant ainsi progresser l’européanisation de ce secteur.  Malgré certains projets concurrents entre européens (ex: les chasseurs de génération 4,5: Rafale, Eurofighter, Gripen), des outils  comme l’Agence Européenne de Défense existent déjà pour accroitre la coopération entre européens pour peu qu’ils soient utilisés et que l’on ne dédaigne pas l’industrie de l’armement sur des bases peu solides.
Face à des déclarations trop souvent teintées d’un certain moralisme pacifiste, cette rapide démonstration a donc rappelé  l’importance que revêt le secteur de l’armement pour l’Europe et les Etats qui la composent. Alors que l’Europe a longtemps vécu dans une bulle de sécurité favorisant le développement d’une vision idéaliste mais tronquée du système international, l’évolution du monde devrait au contraire encourager notre vieux continent à ne pas baisser la garde.

Léonard Tapié et Nicolas Giacometti (Au café de l'Europe)


Léonard Tapié est étudiant en cinquième année de Sciences Po Strasbourg (filière relations internationales et processus d’intégration). Nicolas Giacometti est diplômé en strategic studies de l’université d’Aberystwyth et est titulaire du Master « Sécurité extérieure de l’UE » de Sciences Po Strasbourg.  Ils s’expriment ici à titre personnel.





Défense européenne, Eurocorps

La question d'une politique de défense commune a toujours constitué l'un des principaux écueils de la construction européenne. Ainsi, avant même la fondation de la Communauté économique européenne, le projet d'une Communauté européenne de défense avait échoué : la France avait refusé en 1954 de ratifier le traité qui prévoyait la mise en place d'une armée européenne intégrant des soldats allemands. Par la suite, la guerre froide avait empêché toute avancée vers une Europe de la défense : c'était l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, sous l'égide des États-Unis, qui avait pris en charge la défense de l'Europe de l'Ouest.
La chute du mur de Berlin et la disparition de l'URSS relancent cependant le projet d'une défense européenne. Le traité de Maastricht, signé en 1992, institue en effet la politique étrangère et de sécurité commune (PESC). Par ailleurs, l'Union de l'Europe occidentale (UEO), organisation de défense et de sécurité créée dès 1948 par le traité de Bruxelles mais peu active jusque-là, se voit chargée par l'Union européenne « d'élaborer et de mettre en œuvre les décisions de l'Union qui ont des implications dans le domaine de la défense ». Puis, à Petersberg, toujours en 1992, le Conseil de l'UEO fixe le cadre des opérations qui peuvent lui être confiées : il s'agit de missions de maintien ou de rétablissement de la paix, ainsi que de missions humanitaires. Puis, en 1997, le traité d'Amsterdam établit une Politique européenne de sécurité et de défense (PESD) : l'Union européenne reprend à son compte les missions de l'UEO délimitées à Petersberg.
Toutefois, malgré ces progrès sur le chemin d'une défense européenne, les réalisations concrètes communes demeurent très rares. L'Eurocorps en est l'une des seules. Créé en mai 1992 à l'initiative du président français François Mitterrand et du chancelier allemand Helmut Kohl, ce corps d'armée réunit, sous l'autorité d'un état-major multinational installé à Strasbourg, des unités qui continuent de servir sous leur uniforme national. Il est ainsi composé de soldats allemands et français dès 1992, rejoints par des Belges en 1993, des Espagnols en 1994 et des Luxembourgeois en 1996. Par ailleurs, la Pologne, la Grèce, l'Autriche, la Turquie et l'Italie détachent des officiers de liaison à son état-major. L'Eurocorps intègre également en 1993 la Brigade franco-allemande : c'est une unité mixte composée de militaires français et allemands qui a été créée en 1989, également à l'initiative de François Mitterrand et d'Helmut Kohl. À deux reprises, en 1994 et 2003, un contingent de ce corps d'armée européen est invité à défiler sur les Champs-Élysées, lors de la fête nationale française.
Mis au service de l'UEO à partir de 1993 et devenu opérationnel en 1995, l'Eurocorps est engagé une première fois sous le commandement de l'OTAN en 1998. Il fournit alors une participation modeste à la force militaire de stabilisation en Bosnie-Herzégovine, la SFOR. C'est cependant au Kosovo, en 2000, que l'Eurocorps connaît son véritable baptême du feu : il se voit confier le commandement de la force multinationale de paix dans cette ancienne République yougoslave, la KFOR, et pourvoit deux-tiers de ses effectifs.
En dépit de la formation de l'Eurocorps, le projet d'une armée commune européenne demeure inenvisageable en raison des fortes réticences de la plupart des membres de l'Union européenne. De la sorte, les interventions extérieures ne se font pas sous le drapeau européen. La France et le Royaume-Uni ont ainsi agi seules en Libye au printemps 2011 contre Mouammar Kadhafi. De même, en 2013, l'armée française est intervenue au Mali contre les islamistes sans recevoir d'aide de la part des vingt-six autres États membres. De fait, l'Europe de la défense n'a toujours pas vraiment de réalité. Cette absence de politique de défense commune est l'un des plus grands révélateurs du déficit politique d'une Union européenne également dépourvue d'une diplomatie commune.

Sur l' Eurocorps : voir aussi http://www.france-allemagne.fr/L-Eurocorps,265.html









Tribune de Jean-Christophe Lagarde pour une Europe de la défense
Paris, le 26 juin
« Arrêtons de saper l’Europe de la défense ! »

Les vingt-huit chefs d'État ou de gouvernement européens étaient réunis ces 25 et 26 juin à Bruxelles,  afin de s’entendre sur de nombreux sujets dont les questions de défense. Ce Conseil Européen devait donc faire progresser l’Europe de la défense.

Or il n’en a rien été ! Une nouvelle occasion gâchée notamment parce que François Hollande n’a pas su ou n’a pas voulu s’engager sur ce terrain alors que nos troupes sont pourtant déployées aux quatre coins du monde dans l’intérêt de la sécurité de la France comme de l’Europe.
Un ratage d’autant plus choquant que les problèmes et défis ne manquent pas : terrorisme ; crises géopolitiques qui prolifèrent à nos frontières, pour n’en citer que quelques-unes : Ukraine, Syrie, Libye, Mali. Un vrai débat sur l’état de la défense en Europe était crucial.

La politique de l’autruche n’est pas une solution, nous l’avons vu avec la Grèce… Remettre au lendemain les problèmes d’aujourd’hui est dangereux d’autant plus lorsqu’il s’agit de sécurité et de paix.

Je regrette vivement que la défense ait été réduite à la portion congrue de ce Conseil Européen et que le Président Hollande, en tant que chef des Armées françaises, n’ait su porter les questions de défense européenne qui nous font face et les solutions qui s’imposent.
Personnellement, je veux une défense européenne forte pour la France comme pour l’Europe, et en tant que fédéraliste je dis qu’il est temps que l'Europe de la défense, tant appelée des vœux des Européens, se concrétise enfin dans notre intérêt commun.

Assurément, la valeur et le courage des militaires français sont un premier rempart essentiel pour garantir notre sécurité. Cependant, face à une menace globale et un monde incertain, la réponse ne peut plus être uniquement française, ni venir exclusivement des autres grandes puissances mondiales. Elle doit également être européenne pour défendre les valeurs humanistes, socle de la construction européenne.

Or, face à ce défi majeur, la réponse européenne reste encore trop désunie et inefficace. L’actuelle Europe de la défense, dénommée « Politique de Sécurité et de Défense Commune », essaie certes de garantir la crédibilité de l'Union Européenne en tant qu’acteur dans les relations internationales et de préserver les capacités de défense de ses Etats membres. Malheureusement, même si beaucoup a déjà été fait tant en termes de structures que d’opérations militaires européennes, l’objectif est loin d’être atteint.

Il s’agit donc de poursuivre l’effort initié par le Sommet de Saint-Malo avec pragmatisme et ambition. Comme en 1998, la France, en tant que grande puissance militaire européenne, a un rôle primordial pour relancer ce pan essentiel de la construction européenne. Elle se doit de le redynamiser avec si besoin seulement un petit noyau de pays volontaires, prêts à s’engager dans un renforcement substantiel de l’Europe de la défense.
C’est avec réalisme et détermination que j’affirme qu’il est possible de réunir les conditions nécessaires à la construction d’une Europe de la défense capable et autonome. Cela est possible si on le veut, les pays européens en ont encore les moyens militaires. N’attendons pas qu’il soit trop tard !

Sans plus attendre il faut en premier lieu définir une nouvelle stratégie européenne de défense qui nous permette d’appréhender les défis globaux collectivement et de guider les prises de décisions européennes en matière militaire. Pour cela nous devons lancer un diagnostic complet et sans complaisance de la Politique de Sécurité et de Défense Commune.
Il est également crucial, pour l’Europe, de définir et de mettre en place le plus rapidement possible un niveau minimum d’autonomie stratégique, c’est à dire d’affirmer et de garantir là où l’on veut être fort et là où on accepte de l’être moins. Pour reprendre les mots de Clemenceau : « Il faut savoir ce que l'on veut. Quand on le sait, il faut avoir le courage de le dire ; quand on le dit, il faut avoir le courage de le faire. »

L’urgence est ensuite de déployer une politique européenne volontariste afin de plus développer et acheter en coopération des équipements militaires européens.  Cependant pour sortir enfin des grandes promesses sans lendemain, il faut préalablement mettre en place des incitations concrètes, notamment fiscales.

Chaque Etat européen devrait par ailleurs renforcer durablement son budget national de défense, et coordonner ses efforts à l’échelle de l’Union Européenne pour un meilleur partage entre tous. Cela pourrait se concrétiser par la fixation d’objectifs budgétaires communs définis en amont tels que les critères de Maastricht. Ces indicateurs économiques pourraient être les suivants : un pourcentage minimum du PIB pour les budgets nationaux de défense, un seuil de dépenses de R&D, etc. La défense de l’Europe est le bien commun de tous, sans effort budgétaire minimum et partagé, il n’y aura aucun niveau d’ambition de sécurité crédible.

La relation de l’Europe avec l’OTAN doit aussi être repensée. Les Américains exigent davantage de « leadership » des Européens pour leur défense. Alors ils doivent être cohérents et laisser les Européens aptes et libres tant d’un point de vue capacitaire, qu’opérationnel ou industriel. Ayons un dialogue sans tabou avec les Etats-Unis et nos partenaires otaniens non-membres de l’Union Européenne pour revoir en profondeur notre relation avec l’OTAN.

Il ne peut non plus y avoir d’Europe de la défense forte sans une Europe de l’armement compétitive et autonome. La Base Industrielle de Défense et Technologique Européenne n’est aujourd’hui qu’un concept. Il faut lui donner corps précisément et mener une politique industrielle européenne de défense ambitieuse. Les pays européens pourraient ainsi mieux soutenir la R&D de défense et de sécurité, favoriser la préférence européenne dans leurs achats publics de défense et accompagner les restructurations industrielles afin de faire émerger ou de renforcer les champions européens.

Enfin, à quoi sert une Défense européenne si on n’utilise pas les moyens prévus à cet effet sur les terrains d’opération. Pour commencer nous pourrions déjà déployer les « groupements tactiques », force de réaction rapide européenne mise en place depuis 2004 mais jamais engagée.
Au-delà, l’Union Européenne doit prendre plus souvent et plus rapidement le relais des efforts nationaux, notamment de la France, pour protéger les valeurs humanistes et les ressortissants européens à travers le monde. La solidarité doit se matérialiser militairement et les moyens communs être pleinement mis en œuvre pour que l’Europe de la défense devienne une réalité pour chaque Européen.

Face aux dangers et défis géopolitiques qui sont les nôtres, soyons à la hauteur de nos responsabilités.  L’Europe est notre bouclier face à la barbarie. Il nous faut une Europe puissance, y compris militairement, pour préserver notre idéal humaniste commun. C’est pour cela que je souhaite que la France, grande puissance militaire européenne, œuvre avec détermination dans cette direction afin que l’espace de paix qu’est l’Europe aujourd’hui, le reste demain.
La paix n’est effectivement jamais acquise, se donner les moyens militaires de la préserver est un enjeu d’avenir. Nous le devons à tous ceux qui sont tombés pour l’établir en Europe comme à nos enfants.









L'Eurogendfor

La Force de Gendarmerie Européenne

La FGE est née d’une initiative de cinq États membres de la communauté européenne : la France, l’Italie, les Pays-Bas, le Portugal et l’Espagne, rejoints par la Roumanie en 2008, et formalisée par un Traité. Son but est d’améliorer la capacité de gestion de crise dans les régions sensibles et de contribuer au développement d’une politique commune de défense et de sécurité.

Les scénarios possibles d’intervention de la FGE sont principalement :
- Le remplacement des forces de police locales dans des régions où le conflit a conduit à une rupture significative avec l’administration centrale et où une force de police internationale peut être mandatée pour accomplir toute la gamme (ou une partie) des fonctions de police, par conséquent être investie de tous les pouvoirs de police, comportant aussi le port des armes.
- Le renforcement des forces de police locales dans un scénario caractérisé par un haut niveau d’insécurité et de criminalité engendré par la carence de l’état de droit. Les officiers de police internationaux pourront contrôler, guider et conseiller aussi bien que former la police locale de manière à développer leurs standards professionnels, contribuant ainsi à la restructuration de la police locale au travers de programmes de sélection et de vérification de leurs effectifs.
- Des scénarios d’intervention au profit d’opérations humanitaires dans les cas de catastrophes naturelle ou d’origine humaine, en ambiances sanitaires dégradées, en cas d’absence d’infrastructures adéquates, en présence de personnes déplacées (IDP) ou de réfugiés.

Les membres

Le statut de Membre peut être obtenu par tout pays de l’Union Européenne possédant une force de police à statut militaire et qui en fait la demande.


France : Gendarmerie Nationale

Plus ancienne force de sécurité française, la Gendarmerie Nationale a pour missions depuis sa création d’assurer le maintien de l’ordre et l'éxécution des lois, de protéger les populations en France et en outre-mer. Son expérience, sa résistance, et son adaptabilité lui permettent également d’être déployée dans les conflits internationaux comme force de maintien de la paix.


Portugal : Guarda Nacional Republicana
Une force de sécurité composée de militaires, organisée en un corps spécial de troupes disposant d’une juridiction sur l’ensemble du territoire et des eaux territoriales, la Garde Nationale Républicaine veille activement et en permanence à l’exécution des lois et a la charge du maintien de l’ordre public et de la sécurité, ainsi que de la protection et de la défense des habitants et de leurs biens.


Pays-Bas : Koninklijke Marechaussee
La Maréchaussée Royale (6500 pers.), partie intégrante des forces armées néerlandaises, assure des missions spécifiques de police dans tout le royaume : police aux frontières et contrôle de l’immigration, police militaire, investigation criminelle, sécurité de l’Etat (garde du Palais Royal, sécurisation de l’aviation civile et d’autres objectifs stratégiques).

Italie : Arma dei Carabinieri
Créé le 13 Juillet 1814, le Corps des Carabiniers a la double mission de défendre l’Etat et d'assurer la sécurité publique générale. Le Corps des Carabiniers dépend donc directement du Ministre de la Défense, mais comme force de police, il ressort du Ministre de l’Intérieur. Les Carabiniers sont responsables sur tout le territoire national du maintien des lois et de la lutte contre le crime.

Roumanie : Jandarmeria Română
Institution d’Etat spécialisée, au statut militaire, sous la coupe du ministère de l’intérieur et de l’administration, la Gendarmerie Roumaine exerce ses attributions en matière de protection de l’ordre public et de sécurité, des droits des citoyens et des libertés fondamentales, de la propriété publique et privée, de recherche et de prévention des crimes ou toutes autres infractions à la loi.

Espagne : Guardia Civil
Fondée en 1844, la « Guardia Civil » est un corps de sécurité publique à statut militaire déployé sur l’ensemble du territoire national. Chargée d’assurer la protection des citoyens et de leurs biens, ou de faire respecter les lois, sa mission principale consiste en la défense du plein exercice des droits et des libertés.

Pologne : Żandarmeria Wojskowa
Service distinct et spécialisé des Forces Armées Polonaises, placé sous l’autorité directe du ministre de la Défense. Ses principales missions sont liées au respect de la discipline dans les FAP ainsi qu'au maintien de l’ordre public et à la prévention de la criminalité sur le territoire national suivant un accord passé avec la Police d’Etat et une décision du Premier Ministre.


Sources : Eurogendfor







Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire