vendredi 8 juin 2018

Kurz, Orban... : une autre Europe ?

Illibéralisme. Problème de l'immigration. Problème de l'islamisation. Problème de Poutine.
Energie. Identité. Frontières. Chrétienté


>>> JUIN2020 «Le libéralisme tire sa force du souvenir historique: les démocraties libérales sont le moins mauvais des régimes»
Jan-Werner Müller: « Un nouvel antilibéralisme s’exprime sous diverses formes. Il assimile le libéralisme à un affaissement moral, un nihilisme. Ou, classique de la pensée réactionnaire, il dénonce l’atomisation de la société en individus-consommateurs voués à la solitude » (Lopinion)

>>> SEPT2018. Non, Eric Ciotti, l’Europe ne sanctionne pas Orban parce qu’il a « exprimé une position ».  Le député LR a pris la défense du premier ministre hongrois, dont le pays est menacé de sanctions européennes. Ces sanctions sont pourtant très documentées. Lemonde

>>> SEPT2018. L’aigle à deux têtes de la coalition autrichienne. L’extrême droite, qui gouverne en coalition avec les conservateurs, rend inaudible le discours proeuropéen du chancelier Sebastian Kurz.
(...) Il n’ignore pas que le symbole, exploité jusqu’à plus soif par les organes de la propagande russe, qui avaient dépêché sur place une discrète caméra, risque d’avoir des effets catastrophiques sur ses six mois à la direction de l’UE, cruciaux pour son avenir politique. Depuis, il déploie des efforts désespérés pour inverser la tendance. Sebastian Kurz multiplie les gestes de bonne volonté S’il a finalement « lâché » le premier ministre hongrois Viktor Orban, dans un retournement de veste spectaculaire,.. Lemonde



>>> AOUT2018. ÉDITORIAL. Europe : avons-nous la mémoire si courte ?
(…) Dans un récent entretien, Philippe Sands prolonge sa réflexion et fait le lien avec 2018, quand le nationalisme et la xénophobie redonnent de la voix en Europe. « Difficile de ne pas être inquiet au moment où les États-Unis et le Royaume-Uni, les deux pays qui ont le plus contribué à établir un ordre international fondé sur le droit, ont perdu leur boussole. Ce qui a été fait peut être défait. Rien n’est jamais acquis. » OuestFrance
>>> JUIL2018. Une «Europe des valeurs»? Un combat à menerTelos


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Et si l'on écoutait un peu plus l'Europe centrale et de l'est pour les questions liées à l'islamisme, à l'immigration, à l'identité, et même à l'énergie ? Plutôt que de donner des leçons sur ces questions alors qu'on voit les problèmes que cela engendre à l'ouest et qui n'existent pas à l'est... On voit aussi l'hypocrisie de certains dirigeants (Allemagne, France) premiers à donner de bruyantes leçons de morale, tandis qu'en douce de très gros contrats sont signés avec le dictateur russe.

L'Ouest devrait s'aligner sur l'Est concernant les problématiques identitaires, et devrait être solidaire de ces pays face à la Russie (surtout concernant les pays baltes et la Pologne). Pourquoi donc l'UE a-t-elle trouvé un arrangement avec les mafieux russe de Gazprom alors que l'Europe de l'est y était opposée ? *  C'est tout à fait scandaleux. Mais cela ne fait pas les gros titres. On préfère faire des articles sur le populisme d'Orban (qui est tout relatif, finalement, eu égard aux agissements de Macron ou Merkel), on préfère pointer le doigt sur ces pays qui disent "stop" à l'immigration et l'islamisation. Est-ce normal ?
Pour autant, il existe en Europe centrale et de l'est une propension inquiétante au nationalisme, à la remise en question de l'Etat de droit, à la remise en question de la liberté d'expression.

Alors, faut-il abandonner la démocratie libérale, bien ancrée en Europe de l'ouest ? Faut-il se tourner vers la démocratie illibérale, prônée par Orban et certains pays d'Europe de l'est (cf ci-dessous) ?

Il ne faut certainement pas abandonner les principes fondamentaux de la démocratie libérale.
La plupart d’entre nous oublient que la démocratie libérale est une idée relativement récente. Ses principes fondamentaux – la séparation des pouvoirs, les droits de l’homme, les libertés civiles, la liberté d’expression et d’association, des médias pluralistes, des élections libres, régulières et ouvertes – ne se sont, en grande partie, véritablement implantés qu’au XXe siècle. Il y a encore quelques centaines d’années, la plupart des sociétés balançaient entre l’anarchie et diverses formes de tyrannie. Lemonde
Pour autant, balayer d'un revers de main les préoccupations et aspirations des peuples de l'Est (qui rejoignent une grande partie celles des peuples d'Europe de l'ouest) serait une grave erreur.



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Tour d'horizon des pays et dirigeants faisant la part belle à la lutte contre l'immigration et l'islamisation, et à la promotion d'une identité européenne, avec, pour beaucoup, des dérives dangereuses.


A comme Autriche (Kurz)
Problème : la coalition conservateurs-extrême droite est très poutienne. Même Kurz fait des courbettes devant Poutine (LeMonde). En Autriche, comme dans de nombreux autres pays, ce sont les Verts les plus lucides et courageux. Le parti Vert avait pour sa part demandé la « démission immédiate » de la ministre ayant invité le dictateur russe à son mariage, soulignant que « Vladimir Poutine est l’adversaire le plus agressif de l’UE en matière de politique étrangère ».

>>> JUIN2018. Sebastian Kurz, nouveau visage de la « lutte contre l’immigration ».
Le chancelier autrichien doit son ascension politique à son discours de fermeté. Lemonde

>>> JUIN2018. Un « axe » européen d’opposition aux migrants se dessine. Avec l’Allemagne et l’Italie, le chancelier autrichien, Sebastian Kurz, souhaite créer une politique migratoire commune. (…) L’alliance anti-migrants concerne aussi le Danemark dont le premier ministre, Lars Lokke Rasmussen, demande la création de centres d’expulsion de migrants en Albanie et au Kosovo ainsi que la mise en œuvre d’un « nouveau régime européen de l’asile ». Le durcissement de la politique migratoire attire aussi « la Pologne, Hongrie, République tchèque et Slovaquie », analyse l’eurodéputée socialiste Christine Revault d’Allonnes-Bonnefoy. (…) L’Italie et l’Autriche « ne sont pas d’accord sur le fond [les quotas], mais (…) elles sont au moins d’accord pour user d’arguments populistes contre les migrants et pour les repousser toujours plus hors de nos frontières », précise-t-elle. Le calendrier joue en faveur de Sebastian Kurz et de ses alliés. Le 1er juillet, Vienne prend la tête de la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne, et ce jusqu’au 31 décembre. Six mois durant lesquels le chancelier autrichien aura tout le loisir d’essayer de rallier les capitales européennes à sa cause. LaCroix
>>> JUIN2018. Crise migratoire : un axe Munich-Vienne-Rome contre Angela Merkel. Le chancelier autrichien, Sebastian Kurz, souhaite développer «un axe des volontés dans la lutte contre l'immigration illégale», que le ministre de l'Intérieur allemand est prêt à rejoindre. Lefigaro
>>> Sebastian Kurz, une voix conservatrice et proeuropéenne en Autriche Euractiv
>>> L’Autriche est l’un des rares Etats d’Europe à prôner la fin des négociations d’adhésion de la Turquie à l’Union, et cette position fait consensus dans le pays. Lemonde



D comme Danemark
>>> Danemark. Le voile intégral interdit dans l'espace public OuestFrance
>>> Le Danemark et l’Autriche veulent des camps d'expulsés aux portes de l'Europe RFI


F comme France
>>> JUIN2018. Pour l’ambassadeur de France à Budapest, la Hongrie est un « modèle ».
Emmanuel Macron a dénoncé la position du diplomate, qui se félicite de la « gestion des mouvements migratoires » de Viktor Orban. Lemonde
>>> AOUT2018. Qui est Roger Scruton, le nouveau philosophe fétiche de Wauquiez L'Obs
>>> Contre l’Europe de Macron, Wauquiez veut une « Union des États nations ».
(...) « Je rejette l’étiquette d’eurosceptique. Je suis un Européen convaincu », assure-t-il, mais « si on veut sauver l’Europe, il faut la refonder profondément. Je veux que la France prenne l’initiative d’un traité de refondation de l’Union européenne », soumis à « référendum, car on ne construit pas l’Europe contre l’avis des peuples ».
 Il fixe « quatre grands axes » à cette refondation : « revoir l’architecture européenne » car à « vingt-sept, ça ne marche pas », en organisant l’UE « autour de trois cercles », « un noyau dur, sans doute autour de douze pays, dans lequel nous devrons aller beaucoup plus loin en matière d’harmonisation fiscale, de droit du travail, de règles sociales, pour supprimer le dumping social », « un deuxième cercle, celui de la zone euro », enfin un troisième qui serait « une zone de libre-échange renforcée » dans laquelle le Royaume-Uni « aurait toute sa place ». Ouestfrance
>>> « Nous croyons à une Europe incarnée, fière de son Histoire, de ses racines gréco-romaines et judéo-chrétiennes comme de l’héritage de la Renaissance et des Lumières »
« Face à un intégrisme islamiste qui nous a collectivement déclaré la guerre, nous devons nous réarmer matériellement et moralement. L’identité européenne ne doit plus nous faire honte mais nous rendre fiers. Il est temps qu’au nom de l’Europe que nous voulons, nous changions l’Union européenne », ajoutent les quatre responsables politiques de droite.
« Les inquiétudes légitimes exprimées par les peuples européens doivent être perçues comme des électrochocs salutaires », estiment-ils, en citant le Brexit, l’arrivée de l’extrême droite au gouvernement en Autriche et en Italie, et son entrée au parlement en Allemagne.
Laurent Wauquiez et ses proches réclament aussi de protéger les frontières et « refonder radicalement » les accords de Schengen. « Lorsque deux millions d’étrangers entrent illégalement dans l’espace Schengen en deux ans, c’est une faillite collective. L’Europe ne résistera pas à cinq années supplémentaires de pression migratoire hors de contrôle ».
Sur le plan économique, ils estiment que « la réciprocité doit devenir la règle ». « Comment accepter que nous ouvrions la quasi-totalité de nos marchés publics aux entreprises étrangères alors que les États-Unis seulement un tiers et la Chine aucun ? », demandent-ils. OuestFrance


H comme Hongrie (Orban et la démocratie illibérale)
>>> OCT2018. L’affaire Orban, tactique des socialistes et libéraux ?
(…) « Nous ne détournons pas le regard de ce que fait Orbán mais sérieusement, regardez un peu ce qui se passe dans les autres partis », a commenté la source.
Hypocrisie du S&D face à la Roumanie
Une référence claire à l’affaire des « visas dorés » et aux affaires de blanchiment d’argent à Malte, pays dirigé par un gouvernement socialiste. Mais ce que le PPE trouve plus dérangeant encore, c’est « l’hypocrisie » vis-à-vis de la situation roumaine.
En Roumanie, le gouvernement socialiste essaye de modifier les lois anti-corruption afin de protéger les responsables politiques de toute poursuite. Il a aussi organisé un référendum pour interdire les mariages de même sexe dans la Constitution. Des décisions qui ont déclenché des réactions virulentes et des manifestations dans tout le pays. Euractiv

>>> SEPT2018. Le plan d’attaque de Viktor Orbán pour une nouvelle Europe illibérale.
(...) Quand Viktor Orbán a déclaré il y a quelques mois qu’il était l’héritier de la politique d’Helmut Kohl, la CDU était consternée et lui a répondu que l’Allemand avait uni et renforcé l’Europe, tandis que lui la divisait et l’affaiblissait. (...) il crée un réseau de personnes qui lui sont « redevables » parce qu’il leur fournit des postes rentables ou des emplois lucratifs au sein de l’État. Les membres de sa famille jouent des rôles clés dans le système, comme c’est le cas de tout système autoritaire, dans la Turquie d’Erdoğan ou dans la Russie de Poutine, et aux États-Unis, Donald Trump aimerait pouvoir faire de même
(...) il a défini cinq principes de base : a) défendre sa culture chrétienne et rejeter le multiculturalisme ; b) défendre le modèle familial traditionnel ; c) défendre les secteurs stratégiques de l’économie et les marchés particulièrement importants ; d) défendre les frontières et non les migrants ; et e) exiger le principe « une nation une voix » sur les dossiers importants. (...) L’année prochaine, Viktor Orbán et le Fidesz pourraient se retrouver en dehors du PPE, ou dans une nouvelle coalition, mais sans ceux du groupe qui ont voté contre lui. Parce que la dissolution du PPE est le moyen le plus simple pour la nouvelle droite en Europe d’accéder au pouvoir. La voilà le plan de Viktor Orbán. . Euractiv

>>> SEPT2018. Poutine cultive sa relation avec le Hongrois OrbanL'Opinion

>>> JUIL2018. Viktor Orban se pose en recours contre Emmanuel Macron en vue des européennes. Le premier ministre hongrois ne « veut pas d’une Union européenne dirigée par la France ». Lemonde. PROBLEME : Orban est à la botte de Poutine! Il ne manque pas d'air lorsqu'il affirme sans sourciller que l'Europe de l'ouest n'est pas démocratique tout en louant dans le même temps la Russie de poutine !

>>> JUIL2018. La diplomatie française divisée face au cas Viktor Orban Lefigaro

>>> Le tournant n’est pas celui auquel on avait l’habitude de penser. Avec le Brexit en particulier, on s’est dit « Ah ça y est, ceux qui veulent faire exploser l’Europe sont en train de gagner ». En fait, le Brexit reste un phénomène isolé, dans le sens où il s’agit de la victoire d’une majorité d’électeurs pour la sortie de l’Union européenne au Royaume-Uni.
Or, le tournant s’il y en a un est dans l’émergence d’un nouvel euroscepticisme. Encore une fois, Orban préfigure cette dévolution puisque depuis 2010 il est très critique envers les institutions européennes, tout en prenant soin de ne jamais évoquer la sortie de la Hongrie de l’Union européenne. La critique qui est celle d’Orban vis-à-vis de l’Union européenne se rattache bien plus à sa critique des élites et donc à son discours populiste qu’à la critique souverainiste classique consistant à dire que l’Union européenne est quelque chose de mauvais dans le sens où elle dissoudrait la souveraineté des Etats.
Orban en réalité ne cesse de dire qu’il ne faut pas que Bruxelles se mêle de tout. Mais il dit aussi sur un certain nombre de sujet que c’est très bien qu’il y ait une Union européenne et des politiques publiques à l’échelle européenne. Il va même un cran plus loin et là aussi c’est nouveau. S’agissant du nationalisme, il ne se contente pas d’être nationaliste hongrois, il considère aussi, même s’il ne prononce pas le mot, qu’il faudrait une sorte de nationalisme européen pour protéger l’Europe, les frontières extérieures, mais aussi les valeurs et la culture européennes. Orban fait alors une synthèse véritablement nouvelle. Taurillon


Une parenthèse concernant la "démocratie illibérale" :
La démocratie illibérale est-elle l’avenir de l’Europe ?

Avec la victoire éclatante de Victor Orban aux élections législatives le 8 avril en Hongrie, l’essor de la démocratie illibérale en Europe semble battre son plein. Orban se pose en chef de file de cette démocratie illibérale, la Pologne et le PiS (Droit et justice) lui emboitent le pas, le parti social-démocrate en Roumanie y tend dangereusement. L’avenir de la démocratie semble prendre un tournant nouveau vers une composante détachée de la vision de la démocratie libérale traditionnelle.

C'est quoi la démocratie illibérale ?


On croyait effectivement que la démocratie – le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple selon la formule de Lincoln - et le libéralisme politique garant de l’exercice des libertés individuelles et de l’Etat de droit étaient indissociablement liés. Toutes les démocraties occidentales se sont d’abord construites sur un libéralisme constitutionnel avant de devenir plus démocratiques. Avec la chute du régime communiste, cette tendance s’était même affirmée au sein des nouvelles démocraties naissantes. Cependant, de nouveaux partis européens mettent fin à ce paradigme présupposé. Souvent d’extrême-droite ou de droite nationaliste, ces partis imposent un tempo très critique à l’égard de l’Etat de droit, du rôle des médias, de l’Histoire et privilégient un entre-soi identitaire.

 La démocratie illibérale rompt avec la tradition de démocratie libérale, et notamment sa composante de garante des libertés individuelles et civiles. L’Etat de droit devient accessoire. On suppose que le peuple doit décider par lui-même quels que soient les objets politiques qui doivent être entérinés. Dès lors que le peuple avalise directement ou indirectement une décision, elle est par essence démocratique. On considère donc dans l’illibéralisme la non-compétence de personnalités désignées ou nommées avec un fort potentiel décisionnel – les fonctionnaires, les juges, les banquiers centraux, les directeurs d’agences et d’autorités indépendantes. On connaissait déjà le populisme, l’illibéralisme va un cran plus loin dans cette logique de remises en causes des élites.

La démocratie illibérale est par principe contre l’Etat de droit 

Ce mouvement crée même des émules au point que la tendance populiste – se basant sur l’opposition entre les élites qui gouvernent et le peuple – se confond progressivement avec cette tendance illibérale qui rompt avec la technocratie et les décisions arbitraires qui n’émanent pas du peuple. Les juges sont discrédités, les institutions indépendantes revigorées sous l’échelon décisionnel du politique, la liberté de la presse remise en cause, et on essaye de donner cette impression que l’autorité permet de protéger les citoyens contre l’immigration qui envahit un pays pour détruire une civilisation. Cette protection a cependant un prix : la réduction des libertés publiques.

En Europe, on compte déjà trois pays qui ont basculé dans cette démocratie illibérale : la Hongrie sous Victor Orban qui s’incarne en chef de file du mouvement, la Pologne déjà sous pression de l’Union européenne pour respecter les garde-fous de l’Etat de droit, la Roumanie en suspens alors que Liviu Dragnea, dirigeant des sociaux-démocrates, condamné à multiple reprises pour corruption est au perchoir de l’Assemblée roumaine. Le gouvernement hongrois et le Fidesz contrôlent quasiment tous les médias publics et privés en instaurant une progressive propagande d’Etat. Un des derniers médias d’opposition le Magyar Nemzet a été publié pour la dernière fois peu après les élections, asphyxié économiquement. La Pologne et notamment le parti au pouvoir de Jaroslaw Kaczynski, le PiS, réforme les tribunaux, les procédures de nomination des juges, tout comme les instances de contrôle supposées garantir leur indépendance. Les sociaux-démocrates en Roumanie tentent depuis décembre 2016 d’amnistier leurs dirigeants condamnés pour corruption et conflits d’intérêts au point que la société civile se mobilise massivement et réussit à faire tomber les gouvernements successivement. On observe donc un affaiblissement progressif du pouvoir judiciaire, une certaine soumission des médias publics au pouvoir politique, la réécriture de l’Histoire au profit d’une fierté nationaliste, la préférence pour le népotisme, une nette modulation des priorités internationales avec les nouveaux autoritarismes, ainsi qu’une forte critique envers les organisations internationales spécialisées dans les droits de l’Homme, telles que la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) ou l’Union européenne (UE). Le but recherché est de jouer sur l’aspect technocratique, bureaucratique, non-démocratique ou opaque d’un fonctionnement caricaturé pour mieux le discréditer.

Le FN en France et l’AfD en Allemagne sont aussi des partis illibéraux

Ces trois gouvernements ne sont pas les seuls partis politiques à vouloir flirter avec les limites du respect de l’Etat de droit. Il est illusoire de croire qu’Orban, Kaczynski et autre Dragnea ont le monopole de l’illibéralisme. Les partis politiques qui s’inspirent de la démocratie illibérale renouvellent leurs pratiques partout en Europe. Certains sont déjà au gouvernement, partenaire minoritaire d’une coalition. Citons par exemple l’Autriche avec le parti d’extrême-droite FPÖ, ouvertement xénophobe et anti-migrants, qui flirte avec des groupuscules néo-nazis ou le Parti national slovaque membre de la fragile coalition du nouveau gouvernement de Peter Pelligrini, régulièrement dénoncé comme postfasciste. La radicalisation des Vrais Finlandais, notamment en termes d’octroi du droit d’asile et de conditions d’accès à l’immigration, a même conduit au délitement du parti au sein de la coalition gouvernementale. Cependant, la majeure partie des partis politiques qui s’inspirent de la démocratie illibérale en Europe ne sont pas membres d’un gouvernement. Ils ont un rôle prépondérant dans l’agenda politique en étant membre de l’opposition et en ayant un fort pouvoir médiatique.

Le Front national (FN) en France ou l’Alternative für Deutschland (AfD) en Allemagne ont conçu de brillantes stratégies de communications pour porter sur la scène électorale des thématiques bien peu enclines du respect de l’Etat de droit. Ces thématiques ont même conduit à une certaine droitisation du débat politique, les partis traditionnels cherchant à jouer à la surenchère. Les thèmes de l’expulsion des migrants et des personnes suspectées de terrorisme, la forte critique envers les médias traditionnels ou la montée de discours ouvertement islamophobes ont ainsi été parmi les thèmes de débats privilégiés durant les campagnes électorales de ces deux pays en 2017.

La seule solution pour protéger les garde-fous de la démocratie : la société civile

On observe ainsi des partis prônant cette démocratie illibérale comme l’illusion que sans les contre-poids de la démocratie qui permettent de garantir les droits et libertés fondamentaux, la souveraineté serait rendue au peuple qui pourrait décider pour lui-même. Certes, dans une démocratie, le peuple est souverain et doit le rester. Cela ne doit en revanche pas être l’exercice d’une souveraineté qui va à l’encontre de sa propre administration qui fait fonctionner la machine d’Etat et permet la garantie fondamentale des libertés et des droits.

Pour contrer la tendance illibérale, la société civile doit donc s’organiser pour la protection de l’Etat de droit et des libertés fondamentales. Dans une démocratie consolidée, la société civile représente un contrepoids essentiel capable de poser l’agenda politique. En Pologne, la société civile est très organisée et particulièrement forte. Si l’on évoque la réforme sur le Tribunal constitutionnel initiée en 2015, on pense immédiatement aux manifestations retentissantes initiées par des organisations telles que le Comité de défense de la démocratie (KOD) et réunissant plusieurs centaines de milliers de personnes à travers le pays. De même qu’en 2017, lors des débats très controversés sur les lois modifiant l’organisation et la nomination des membres du Conseil national de la magistrature et la réforme des tribunaux judiciaires, le Président de la République Andrej Duda a dû suspendre provisoirement le train des réformes pour apaiser les tensions venues de la rue. En Hongrie où la société civile est moins organisée, les citoyens se sont également mobilisés dès qu’il s’agissait de réformer l’accès à internet, obligeant le gouvernement Orban à reculer en 2013 face à la mobilisation. Enfin, les manifestations inédites de janvier 2017 en Roumanie qui ont conduit à la chute du gouvernement à Bucarest illustrent une nouvelle fois qu’une forte mobilisation face à des politiques inacceptables ne peut rester vaine.

La démocratie illibérale ne peut être l’avenir de l’Europe mais il incombe pour cela aux citoyens de s’indigner dès les premiers signes d’une remise en cause des fondements de la démocratie. Il est dangereux de critiquer l’indépendance des garde-fous et de tomber dans un populisme bas de gamme. Les aspirations illibérales de certains dirigeants et partis politiques sur le continent européen ne doivent pas faire oublier les réalités concrètes de l’organisation des pouvoirs. Continuons donc à rester vigilant et n’hésitons pas à résister à ces tentations de replis sur soi, alors que le monde est de plus en plus séduit par cet isolationnisme et communautarisme identitaire.

>>> L’illibéralisme, là où s’abîme la démocratie. Ces régimes hybrides vident dangereusement les principes fondateurs de la démocratie de leur contenu. La Pologne et la Hongrie en sont les fers de lance.
Il fait si chaud, en ce jour de juillet 2014, que Viktor Orban a troqué son costume-cravate pour une chemisette bleu ciel à col Mao. L’allocution qu’il prononce alors dans la petite ville transylvanienne de Baile Tusnad n’a pourtant rien d’un aimable discours estival : devant ses partisans, le chantre de la « révolution nationale » hongroise revendique haut et fort un mot qui fleure bon la tentation autoritaire : « illibéralisme ». Le nouvel Etat que nous construisons en Hongrie, proclame le premier ministre, n’est ni un Etat-nation, ni un Etat libéral, ni un Etat-providence : il est « illibéral ».
Démocratie illibérale ? A première vue, l’expression a un petit air de paradoxe, voire d’oxymore, tant la démocratie a toujours, en Occident, rimé avec le libéralisme constitutionnel. « Ce terme renvoie à la tradition, profondément enracinée dans l’histoire occidentale, qui cherche à protéger l’individu de la ­contrainte, quelle qu’en soit la source : l’Etat, l’Eglise ou la société, analyse, en 1997, l’essayiste américain Fareed Zakaria dans la revue Foreign Affairs. Il est libéral parce qu’il se nourrit du ­courant philosophique, né avec les Grecs, qui met l’accent sur la liberté individuelle. Il est constitutionnel parce qu’il repose sur la tradition, inaugurée par les Romains, de l’Etat de droit. »
Séparation des pouvoirs, indépendance de la justice, défense de la liberté d’expression : le libéralisme politique, résume Fareed Zakaria, prône le contrôle des pouvoirs et l’égalité devant la loi.
 Lemonde


>>> Maria Schmidt : « L’Union européenne veut briser notre identité au nom de la démocratie ».
Alors que les leaders occidentaux contestent la politique autoritaire de Victor Orban, l’historienne et ex-conseillère du premier ministre hongrois, qui s’exprime dans une tribune au « Monde », voit dans la démocratie libérale européenne une « tentative d’ingérence étrangère ». LeMonde

[Perçue par certains Hongrois comme encore plus idéologue que Viktor Orban dont elle a été la conseillère de 1998 à 2002, Maria Schmidt est une des figures marquantes de la « démocratie illibérale », un mouvement qui dépasse évidemment les frontières hongroises et dont en France, Chantal Delsol est l’un des principaux relais.]




I comme Italie
>>> « Aquarius » : France et Italie s’accusent de « cynisme » en matière d’immigration [Ce que dit l'Italie n'est pas faux, et fait aussi penser à l'attitude de Macron vis-à-vis de la Russie]
La Hongrie et la Slovaquie applaudissent
Le premier ministre hongrois, Viktor Orban – qui incarne depuis 2015 le camp des pays européens opposés à l’accueil de réfugiés sur leur territoire – a assuré mardi l’Italie de son « total soutien », tandis que son homologue slovaque, Peter Pellegrini, formait le vœu que le refus de Rome d’accueillir l’Aquarius ne soit « que le début » du renforcement des frontières maritimes de l’UE.
« J’ai ressenti un énorme soulagement !, a déclaré le chef du gouvernement hongrois, J’étais las d’entendre depuis des années que les frontières maritimes ne peuvent pas être protégées ! »
La ministre de la justice espagnole, Dolores Delgado, a redit mardi que la décision du nouveau gouvernement socialiste espagnol était une « question d’humanité » et a évoqué la possibilité d’une « responsabilité pénale internationale » des Etats refusant d’accueillir des migrants.


P comme Pays-Bas
>>> Les Pays-Bas votent pour la déchéance de nationalité des djihadistes binationaux.
Les députés néerlandais ont approuvé cette mesure pour les djihadistes binationaux « ayant rejoint une organisation terroriste » menaçant la sécurité nationale. LeMonde
En France, Macron alors ministre de Hollande était contre.













Notes diverses

- A l'Autriche et à la Hongrie, on pourrait ajouter de nombreux pays de l'UE qui partagent des vues similaires sur l'identité et l'immigration : Danemark, Pologne, Slovénie, Slovaquie, Tchéquie, les Pays Baltes, l'Italie maintenant... Alignement à nuancer toutefois (cas de la Slovénie par exemple).
- Concernant l'identité de l'Europe, on se souviendra que c'est la France, sous Chirac, qui avait refusé de faire référence à la chrétienté.
- Noter que l'Europe de l'Ouest, qui dit beaucoup de mal des pays d'Europe de l'Est parce qu'ils sont contre l'immigration, sont assez faiblard vis à vis de la Russie, pourtant autrement plus agressive à l'égard de ses voisins !
* Exemple : >>> Gazprom et l’Europe trouvent un accord. Les ex-pays du bloc de l’Est, qui cherchent à réduire leur dépendance au gaz russe, n’ont pas été écoutés.  MyEurop
* Pourquoi L'Allemagne appuie-t-elle le projet NordStreamII avec la Russie, et pourquoi Macron (pour ses amis de Total) va-t-il signer de gros contrats gaziers avec la Russie , au lieu d'appuyer le projet européen "Initiative des trois mers" (associant l'Autriche, la Bulgarie, la Croatie, l’Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la République Tchèque, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie) visant à s'émanciper du gaz russe ? (IRIS) On peut se demander qui est pro-européen dans cette histoire ! (sur l'ITM , voir wikipedia)
Pierre Manent : «Les Européens s'imposent une apnée morale et sont incapables d'agir». La doctrine des droits de l'homme, seul principe de légitimité encore accepté en Europe, rend impossible la délibération publique et l'art du gouvernement. Telle est la thèse que défend le philosophe Pierre Manent dans son nouveau livre La Loi naturelle et les droits de l'homme (PUF). Pour le disciple de Raymond Aron, les droits individuels règnent sans contrepoids jusqu'à faire périr l'idée du bien communLefigaro

>>> JUIN2018. Dans deux semaines, les leaders européens se retrouveront à Bruxelles (...) Le club des leaders frisant ou fricotant avec l’extrême droite ne cesse d’y prendre de la place. Aux côtés de l’"illibéral" Hongrois Orbán, du Polonais Morawiecki, du Tchèque Babiš, du jeune Autrichien Kurz, se tient désormais l’Italien Giuseppe Conte, fruit des amours improbables entre la carpe de la Ligue et le lapin 5 étoiles. En attendant le Slovène Janez Janša, allié d’Orbán, qui vient de remporter les législatives dans son pays. (L'Obs , « L'Europe remplie de fachos, à qui la faute ? »)
(…) Si l’Union européenne est la cible des mouvements populistes, elle en est aussi la cause. Après des débuts enthousiasmants, elle est embourbée depuis plus de vingt ans. Et son mauvais fonctionnement mine la belle idée initiale de communauté. Ses leaders ont été incapables d’entendre les demandes venues de leurs peuples, que ce soit sur l’économie ou sur la question des frontières. Disciplinaire, l’euro n’a pas fait converger les pays, mais a attisé la compétition (fiscale, sociale…) et les ressentiments ; parce qu’elle n’en a pas les pouvoirs, l’Union n’a pas su gérer la crise des réfugiés, ce qui a favorisé les éruptions nationalistes.  
>>> JUIN2018. Migrants : en Europe, le choc de deux blocs LeJDD




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>>> JUIL2018. POINT DE VUE. L'Europe : quelle identité ? Quelles frontières ?

L'Europe est à un carrefour de son histoire selon Bernard Bono, conférencier auprès de la Commission européenne et auteur de « L'Europe en héritage » (2014).

L'Europe traverse une des plus graves crises de sa brève histoire. La perspective de sortie du Royaume-Uni de l'Union nous oblige à nous interroger sur ce qui pourrait relancer la dynamique d'une construction qui est le seul projet d'avenir, dans un contexte de mondialisation accélérée.
Entre Donald Trump et son « America First », Vladimir Poutine et son « Slava Rossii » (vive la Russie) et les Chinois qui, subrepticement, colonisent l'économie mondiale, l'Europe apparaît plus que jamais divisée. Henry Kissinger avait dit : « L'Europe, quel numéro de téléphone ? » Joseph Staline aurait pu dire : « L'Europe, combien de divisions ? »
Aujourd'hui, des citoyens européens mettent en cause ce projet au motif qu'il porte atteinte à la souveraineté nationale.
Mauvais procès quand on sait que les principaux responsables des atermoiements de l'Europe sont nos propres chefs d'État et de gouvernement qui sont les vrais décideurs au Conseil européen.

Héritage gréco-romain
À moins d'un an des élections européennes, il devient urgent de poser les vraies questions qui devraient être au centre des débats futurs : L'Europe : quelle identité ? Quelles frontières ?
Nous avons, en effet, des valeurs communes qui plongent leurs racines dans l'Histoire et qui définissent une certaine « idée de l'Europe ».
Cette identité repose, en grande partie sur l'héritage gréco-romain qui lui a donné les bases de la pensée (Platon, Aristote), de l'organisation politique (la démocratie) et du Droit (droit romain).
Elle repose aussi sur l'héritage chrétien qui est à la base des valeurs fondées sur le respect de la personne humaine et des droits de l'homme. Valeurs reprises à l'article 2 du Traité de l'Union européenne.
Cette identité ne se substitue pas aux identités nationales. Elle les complète et les enrichit dans ce qu'on appelle « l'Unité dans la diversité » qui fait l'originalité du modèle européen.
L'Europe n'a pas de frontières extérieures naturelles. Elle n'est que la partie occidentale du continent eurasiatique. L'article 49 du Traité de l'Union dispose que « tout État européen qui respecte les principes de liberté, de démocratie, de respect des Droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que l'état de droit peut poser sa candidature ». Le problème est que le Traité ne précise nulle part ce qu'on entend par « État européen ».

Coopération policière
La question des frontières intérieures est celle des accords de Schengen qui prévoient la fermeture provisoire des frontières en cas de menace grave sur un État membre.
Le bon fonctionnement des accords de Schengen supposait une véritable coopération policière transfrontalière à l'intérieur de l'Union et un contrôle efficace et coordonné des frontières extérieures qui, malheureusement, arrivent un peu tard.
Aujourd'hui, seule une Europe qui saura affirmer son identité et qui saura délimiter et protéger ses frontières aura des chances de survie dans le monde de demain.
« Quand souffle le vent du changement il y a ceux qui construisent des murs et ceux qui construisent des moulins à vent » (proverbe Chinois).
Soyons ceux qui construisent des moulins à vent !

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>>> JUIL2018. Viktor Orban se pose en recours contre Emmanuel Macron en vue des européennes  Lemonde
 Il faut espérer que le choix ne se réduise pas à une pâle copie de Poutine/Trump d'un côté , et à un laxisme prônant une hyper-tolérance bienveillante mais bien naïve d'autre part. C'est-à-dire que l'on aimerait voir une voie ferme garantissant l'ordre républicain mais pas autoritariste, identitaire et anti-immigrationniste mais pas fascisante , combattant l'islamisme (ses provocations, ses accoutrements, ses commerces spécialisés, ses revendications, son antisémitisme, son homophobie, sa peur des femmes ... ) sans pour autant s'acharner sur des bouc-émissaires . On aimerait des personnalités qui ne font pas l'autruche. Des personnalités qui ont compris que l'UE a des ennemis nombreux. Et que fait-on avec des ennemis ? On les combat. On combat donc les islamistes, les filières mafieuses de l'immigration, les réseaux de Poutine, les tweets idiots de Trump (et la guerre commerciale qu'il a lancé contre l'UE), et tous les idiots utiles de l'un comme de l'autre (l'ex FN "guidé" par Banon/Trump  et/ou par Poutine ; les Mélanchonistes nostalgiques eux de l'URSS , les nombreux électrons libres perméables à la très richement dotée propagande russe).
 Macron? On aurait pu penser qu'il incarnerait une telle voie. Hélas, il montré que non. Il ne combat pas Poutine, a tenté de convaincre Trump mais a échoué, ne combat pas l'islamisme, est assez léger concernant l'immigration, se trompe d'ennemis en désignant l'Italie, la Hongrie, ou la Pologne tout en épargnant Poutine et en proposant même une UE élargie à la Russie et la Turquie.

>>> JUIL2018. Le vrai-faux « axe » antimigration d’Europe.
Les ministres de l’intérieur autrichien, allemand et italien n’ont pas réussi, en marge du sommet d’Innsbruck, à s’accorder sur leurs politiques respectives contre l’immigration. Lemonde




















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